dans vingt maisons absolument le même thème :

Quel est, dit-elle, ce mauvais livre qu'on

Le vicomte de Ségur avait fait un opéra comique, le Cabriolet jaune, et quoiqu'il fût sifflé tous les soirs, il s'obstinait à le faire représenter.

Mettez, lui disait un ami, votre Cabriolet sous la remise, il ne pourra jamais rouler.

- Cela m'étonne d'autant plus, répond l'auteur, que tous les jours on lui fait un nouveau train.

Un acteur de grand talent lui parlait un jour avec inconvenance.

Mon cher ami, lui répond avec une grande douceur le vicomte de Ségur, vous oubliez que depuis la Révolution nous sommes égaux.

Alissan de Chazet lui demandait son avis sur toutes les démonstrations sympathiques et tous les hommages que Bonaparte reçut après le 18 brumaire.

Mon ami, répondit le vicomte, ne vous y trompez pas; c'est un homme que personne n'aime, et que tout le monde préfère.

M. de Ségur avait été soldat; il occupait depuis plusieurs heures un poste très-périlleux. Un de ses amis, aide de camp d'un général, l'ayant aperçu en passant, lui dit :

Je te plains, mon pauvre vicomte, tu ne dois pas t'amuser beaucoup ici?

Que veux-tu, lui répond M. de Ségur: on est ici comme au bal de l'Opéra : on s'y ennuie mais on y reste.

COLLIN D'HARLEVILLE

Voici une anecdote qui donne à cet honnête homme le caractère de bonhomie que la tradition attribue à La Fontaine.

Arnaud Baculard, dit l'Homme aux petits écus, parce que chaque fois qu'il rencontrait une connaissance il lui empruntait un petit écu, apprend que Collin est malade. Il se rend chez son ami, sous le prétexte de savoir de ses nouvelles, et en réalité pour lui faire un « petit emprunt ».

En conversant avec le malade alité, Arnaud

aperçoit une pile d'écus de six livres sur la cheminée; aussitôt l'idée d'un emprunt «forcé » s'empare de lui.

Tout en causant, il s'approche de la cheminée, s'empare des cent vingt livres qui y sont déposées, et les met bravement dans sa poche sans que Collin s'en aperçoive.

Le tour fait, Baculard abrége sa visite et s'en va; mais à peine est-il sorti que Collin s'aperçoit du larcin. Passer une robe de chambre, chausser des pantoufles est l'affaire d'un moment; il ne rejoint cependant son « emprunteur » que dans la

rue.

-Mon bon ami, lui dit Collin tout essoufflé, c'est toi qui m'as pris mes cent vingt francs? Oui, mon ami.

soin.

Diable! c'est que j'en ai absolument be

Et moi aussi, mon ami.

Je ne plaisante pas; il faut que je paye aujourd'hui soixante francs, qu'on va venir chercher tout à l'heure.

Ah ça, Collin, est-ce que tu me crois capable de te laisser dans l'embarras pour soixante francs? Tiens, les voilà.

Ah! je te remercie. C'est que, en vérité, je n'aurais su comment faire.

Et Collin d'Harleville rentra chez lui fort con

tent.

Quand il racontait cette anecdote, il ajoutait : Je sais bien tout ce que l'on peut dire d'Arnaud; mais au fond il a du bon, puisqu'il n'a pas voulu me laisser dans l'embarras.

VOLNEY

Quelques mots de Volney donneront à nos lecteurs une idée de son caractère.

Il disait en 1793, à la tribune de la Convention: -Modernes Lycurgues, vous parlez de pain et de fer; le fer des piques ne produit que du sang; c'est le fer des charrues qui produit du pain.

Cela lui procura un séjour de dix mois dans les cachots, d'où il ne sortit que le 9 thermidor.

Après le 18 brumaire, Bonaparte lui fit présent d'un magnifique attelage; mais Volney le refusa, comme il refusa quelques semaines après l'offre du ministère de l'intérieur.

Le premier consul, dit-il, est un trop bon cocher pour que je puisse m'atteler à son char. Il voudra le conduire trop vite, et un seul cheval rétif pourrait faire aller chacun de son côté le cocher, le char et les chevaux.

On discutait un jour aux Tuileries une mesure dont on faisait ressortir les côtés avantageux sans tenir compte de ceux de l'humanité :

Allons, c'est encore de la cervelle qu'il y a là, dit Volney en mettant sa main sur le cœur du premier consul.

Le mot avait été dit à Fontenelle, mais Volney était un érudit.

Quand l'empereur vint à percer sous le premier consul, Volney voulut donner sa démission de sénateur; mais Napoléon avait fait prendre au Sénat la résolution de refuser toute démission, Volney fut donc sénateur malgré lui; on l'affubla même quelques jours après du titre de comte. A ce propos, il écrivait à un ami :

« Je suis toujours le même, un peu comme Jean La Fontaine, prenant le temps comme il vient et le monde comme il va; pas encore bien accoutumé à m'entendre appeler Monsieur le comte; mais cela viendra... avec les bons exemples. >>

ANDRIEUX

Bonaparte se plaignait un jour à Andrieux de l'opposition assez fréquente du Tribunat à ses volontés :

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