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pour lui, il avoit réduit la sienne à n'être guère que lui seul. Il avoit fait de sa main plusieurs préparations anatomiques, que des médecins ou chirurgiens anglais et hollandais vinrent acheter de lui, quelque temps avant sa mort, lorsqu'il n'en pouvoit plus faire d'usage. Les étrangers le connoissoient mieux que ne faisoit une partie d'entre nous. Il arrive quelquefois qu'ils nous apprennent le mérite de nos concitoyens, que nous négligions, peut-être, parce que leur modestie leur nuisoit de près.

2. Del'état de tailleur, Dorfling, célèbre officier prussien, parvint au grade de welt-maréchal. En sortant d'apprentissage, il eut l'ambition de vouloir aller travailler à Berlin. Comme il falloit passer l'Elbe dans un bac, et qu'il n'avoit pas de quoi payer, le passage lui fut refusé. Piqué de cet affront, il dédaigna un métier qu'il en crut la cause, jeta son havresac dans le fleuve, et se fit soldat. Il marcha à pas de géant dans cette carrière. Il eut bientôt l'estime de ses camarades, ensuite de ses officiers, et enfin de l'électeur Frédéric-Guillaume son maître. Ce grand prince, qui aimoit la guerre, qui la savoit, et qui étoit forcé de la faire, avança rapidement un homme qui joignoit les vertus du citoyen à tous les talens du militaire. Dorfling fut fait welt-maréchal, et remplit l'idée qu'on doit se former d'un homme qui, de la condition de soldat, s'élève jusqu'au généralat. Une fortune si considérable, et plus encore les qualités brillantes qui l'avoient méritée, excitèrent la jalousie des cœurs sans élévation. Il y eut des hommes assez bas pour dire que Dorfling, pour être dévenu grand seigneur, n'avoit pas perdu l'air de son premier état. « Oui, » dit-il à ceux qui lui rapportèrent ce discours, « j'ai « été tailleur ; j'ai coupé du drap : » maintenant, continua-t-il en portant la main sur la garde de son épée, << voici l'instrument avec lequel je coupe les oreilles « à ceux qui parlent mal de moi. »

3.Heureusementné pour la géométrie, le célèbre VincenzioViviani, fit à l'école du grand Galilée,de rapides progrès dans cette science sublime. Après la mort de cet

homme rare, dont le génie créateur avoit, en quelque sorte, enfanté la philosophie, en la tirant des ténèbres qui, depuis tant de siècles, obscurcissoient son flambeau, le digne disciple de ce maître immortels'empressa de parvenir à la célébrité, en marchant sur ses traces. Un géomètre ancien appelé Aristée, avoit fait un Traité des sections coniques, fort recherché dans son temps, et qui, malgré l'estime qu'on en avoit faite, s'étoit perdu. Viviani, fort versé dans la géométrie des anciens, et regrettant sur-tout l'ouvrage d'Aristée, entreprit d'y suppléer, autant qu'il étoit possible, en tâchant de deviner ce qu'il avoit dû nous dire. S'il est jamais permis aux hommes de deviner, c'est en cette matière, où, si l'on n'est pas sûr de retrouver précisément ce qu'on cherche, on l'est du moins de ne rien trouver de contraire, et de trouver toujours l'équivalent. Il fut quinze ans entier sans pouvoir se livrer à ce projet singulier,qui demandoit des talens si profonds; et, durant cet intervalle, il concut le dessein d'un nouvel ouvrage,où il s'agissoit de deviner encore. Apollonius-Pergous, qui vivoit environ deux cent cinquante ans avant l'ère chrétienne, avoit ramassé, sar les sections coniques, tout ce qu'avoient fait les savans qui l'avoient précédé. Son ouvrage contenoit huit, livres, dont les quatre derniers s'étoient perdus,et le cinquième traitoit des plus grandes et des plus petites lignes droites, qui se terminassent aux circonférences des secconiques. M. Viviani, laissant Aristée pour quelque temps, songea à restituer de la même manière ce cinquième livre, et s'y occupa dans ses quinze années, de distraction. Cependant le fameux Jean-Alphonse Borelli, passant par Florence, trouva dans la bibliothèque de Médicis, un manuscrit arabe dont l'inscription, latine portoit : « Les huit livres des sections coniques, « par Apollonius-Pergous. » Il jugea, par toutes les marques extérieures qu'il put rassembler, que ce devoit être effectivement l'ouvrage de ce géomètre en son entier, et le grand-duc lui permit de porter ce manuscrit à Rome, pour le faire traduire par Abraham Ecchellensis, maronite,professeur en langues orientales. A cette nouvelle, Viviani, qui ne vouloit point perdre le fruit de

tions

tout ce qu'il avoit préparé pour sa divination, prit toutes les mesures nécessaires pour prouver qu'il n'avoit fait effectivement que deviner. Il se fit donner des certificats authentiques qu'il n'entendoit point l'arabe; et pour plus de sureté qu'il n'avoit point vu ce manuscrit, il obtint du prince Léopold, frère du grand-duc Ferdinand II, la grace qu'il lui paraphât de sa propre main ses papiers, en l'état où ils se trouvoient alors. Il ne voulut point que Borelli lui mandât jamais rien de ce qu'Ecchellensis auroit pu découvrir en traduisant, et fit imprimer son ouvrage. Tandis que le public accueilloit cette production d'un savant si digne de son estime, Abraham Ecchellensis, qui ne savoit point de géométrie, aidé par Borelli, grand géomètre, qui ne savoit point d'arabe, travailloit à traduire le manuscrit arabe d'Apollonius; et bientôt ils mirent cet ouvrage au jour. Alors l'Univers savant, suspendu, jusqu'à ce moment, sur le jugement qu'il devoit porter de M. Viviani, para sa divination avec la vérité, et l'on trouva qu'il avoit plus que deviné, c'est-à-dire, qu'il avoit été beaucoup plus loin qu'Apollonius sur cette matière. Un succès si singulier et si heureux excita de plus en plus le désir qu'avoit Viviani de réussir aussi-bien sur Aristée. Ilregardoit depuis long-temps comme des distractions importunes tout ce qui l'empêchoit de se livrer à cet ouvrage, qu'il destinoit à Louis XIV, dont il ne cessoit de recevoir des bienfaits, et qui venoit de l'agréer pour nn des huit associés étrangers de l'académie des sciences. Il redoubla d'ardeur, et enfin il en publia trois livres. On ne peut assez admirer les recherches profondes qu'ils renfermoicnt : l'on souhaita, pour son honneur', qu'Aristée ressuscitât comme avoit fait Apollonius.

com

4. La nature combla de ses dons l'immortel Daguesseau; et ce grand homme parut réunir tous les talens dont l'heureux assemblage fait l'admiration de tous les siècles. Il lut les poètes grecs et latins avec une avidité qu'il appeloit la passion de sa jeunesse. Sa mémoire les lui rendit si présens dans tout le cours de sa vie, qu'à l'age d'environ quatre-vingts ans, un homme de lettres ayant cité peu exactement une épigramme de

Martial, il lui en rappela les propres termes, en lui avouant qu'il n'avoit pas ouvert cet auteur depuis l'âge de douze ans. La société de Racine et de Boileau avoit des charmes infinis pour lui. Il cultivoit comme eux la poésie, en avoit le génie et le conserva jusqu'à ses derniers jours. Recu avocat-général du parlement de Paris, il y parut avec tant d'éclat, que le célèbre Denys Talon, alors président à mortier, dit qu'il voudroit finir comme ce jeune homme commencoit. Il fut ensuite nommé procureur-général à trente-deux ans ; et ce fut alors qu'il déploya tout ce qu'ilétoit. Le chancelier de Pontchartrain le chargea de la rédaction de plusieurs lois; et charmé de la manière dont il s'en acquitta, il lui prédit qu'il le remplaceroit un jour. L'administration des hôpitaux fut l'objet le plus cher de ses soins. On lui conseilloit un jour de prendre du repos. «Puis-je me reposer, répondit-il généreuse«ment, tandis que je sais qu'il y a des hommes qui << souffrent ? » Il avoit prévu le premier le fameux et terrible hiver de 1709, sur des observations qu'il fit à sa campagne, et en avoit indiqué le remède, en conseillant de faire venir des blés avant que le mal eût produit une alarme générale. A la mort du chancelier Voisin, le régent jeta les yeux sur Daguesseau pour remplacer ce grand ministre. Il le mande au PalaisRoyal; et, en le voyant, il lui donne le nom de chancelier. Daguesseau s'en défend, fait des représentations au prince, allègue son incapacité. Le duc d'Orléans, pour la première fois, refuse de le croire; et Daguesseau se voit enfin obligé de consentir à son élévation. Il parut encore plus grand que sa dignité. Il s'étoit instruit des lois de toutes les nations et de tous les temps. Il n'étoit étranger dans aucun pays, dans aucun siècle. Il savoit la langue francaise par principes, le latin, le grec, l'hébreu, l'arabe, les langues orientales, l'italien, l'espagnol, l'anglais et le portugais. L'étude de tant de langues, qui auroit rempli la vie entière de plusieurs savans, n'étoit pour Daguesseau qu'un amusement, comme il le disoit lui-même. Son principe étoit que le changement d'occupation est scul

un délassement. Ainsi, tous les travaux de l'homme de lettres ne faisoient aucun tort aux fonctions du ministre. Quand il perdit sa digne épouse, on craignit que le poids des affaires, joint à celui de l'affliction, ne l'accablat: on lui conseilla de suspendre ses pénibles occupations. << Non, repondit-il, je me dois au public: il n'est pas juste <qu'il souffre de mes malheurs domestiques. >>

5. Le célèbre Fagon,siconnu par ses découvertes dans la botanique, naquit dans le jardin royal des plantes. Les premier objets qui s'offrirent à ses yeux, ce furent des plantes; les premiers mots qu'il bégaya, ce furent des noms de plantes : la langue de la botanique fut sa langue maternelle. A cette première habitude se joiguit un goût naturel et vif, sans quoi le jardin eût été inutile. Etant sur les bancs, il fit une action d'une audace signalée, qui ne pouvoit guère, en ce temps-là, être entreprise que par un jeune homme, ni justifiée que par un grand succès. Il soutint dans une thèse, la circulation du sang; et les vieux docteurs, opiniâtrement attachés à l'opinion contraire, trouvèrent qu'il avoit défendu avec esprit ce qui passoit alors pour un étrange paradoxe. Cependant on avoit négligé le jardin royal; et cet établissement si utile étoit tombé dans un état où l'on ne pouvoit plus le souffrir. Il étoit si dénué de plantes, que ce n'étoit plus un jardin. M. Fagon s'offrit de voyager pour chercher ses habitans : il alla en Auvergne, en Languedoc, en Provence, sur les Alpes et sur les Pyrénées, et n'en revint qu'avec de nombreuses colonies de plantes destinées à repeuplerce désert. Quoique sa fortune fût très-médiocre, il fit tous ses voyages à ses dépens, poussé par le seul amour de la patrie; car on peut dire que le jardin royal étoit la sienne. Il célébra ces nouveaux citoyens dans un petit poème latin, afin qu'il ne manquât rien à son ouvrage. Ce concours de plantes qui, de toutes les parties du monde, sont venues à ce rendez-vous commun, ces différens peuples végétaux, qui vivent sous un même climat; le vaste empire de Flore, dont toutes les richesses sont rassemblées dans cette espèce de capitale ; les plantes les plus rares et les plus étrangères, telle que la sensitive,quia plusd'ame,

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