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<< sent, avec confiance, dans ces sources fécondes de << biens. >>

6. Socrate s'étoit accoutumé, de bonne heure, à une vie sobre, dure, laborieuse, sans laquelle il est rare qu'on soit en état de satisfaire à la plupart des devoirs d'un bon citoyen. Il est difficile de porter plus loin qu'il le fit le mépris des richesses, et l'amour de la pauvreté. Il regardoit comme une perfection divine de n'avoir besoin de rien; et il croyoit qu'on approchoit d'autant plus près de la Divinité, qu'on se contentoit de moins de choses. Voyant la pompe et l'appareil que le luxe étaloit dans de certaines cérémonies, et la quantité d'or et d'argent qu'on y portoit : « Que de

choses, disoit-il, en se félicitant lui-même sur son << état; que de choses dont je n'ai pas besoin!» Quantis non egeo!

7. Il est rare des voir de princes se livrer par goût à la pauvreté, et ne faire cas des richesses que pour les répandre dans le sein de Findigence. C'est pourtant ce que fit Alcamène, neuvième roi de Lacédémone. On lui demandoit pourquoi, avec tant de biens vivoit si pauvrement? « C'est, dit-il, parce qu'un « homme riche a plus de gloire en vivant suivant la << raison, qu'en se laissant aller à sa cupidité. »

il

8. Philoxène de Cythère, poète fameux, ayant acquis de grandes richesses en Sicile, s'aperçut que le luxe et la mollesse, qui en sont inséparables, commençoient à le gagner: « Par tous les dieux ! dit-il, << perdons nos richesses, plutôt qu'elles ne nous per<< dent. » Aussitôt il renonça à tout ce qu'il possédoit', quitta la Sicile, et alla dans une agréable retraite, mettre ses mœurs en sureté, sous les auspices d'une pauvreté volontaire.

9. Epaminondas, l'un des plus grands hommes de la Grèce, s'étoit livré par goût et par choix à l'amour de la pauvreté; et jamais il ne fit aucun cas des richesses. Mais sa pauvreté même lui attiroit l'estime et la confiance des riches, et le mit en état de faire du bien aux autres. Quelqu'un de ses amis se trouvant fort à l'étroit', il l'envoya chez un des citoyens de Thèbes les plus opu

lens, avec ordre de lui demander, de sa part, mille écus. Celui-ci, étant venu chez lui pour s'informer du motif qui l'avoit porté à lui adresser cet ami : « C'est, << lui répondit Epaminondas, que cet homme de bien << est dans le besoin, et que vous êtes riche. >>

10. Ménénius-Agrippa,l'un des plus célèbres citoyens qui aient illustré Rome, après avoir été consul, après avoir recu les honneurs du triomphe, mourut si pauvre, qu'il ne laissa pas de quoi fournir aux frais de ses funérailles. Le public y suppléa. Les tribuns ayant assemblé le peuple, firent l'éloge du défunt. Ils racontèrent tout ce qu'il avoit fait de grand, pendant la guerre et pendant la paix : ils élevèrent jusqu'au ciel ses rares qualités, son désintéressement, sa frugalité, sa droiture, son mépris pour les richesses, l'horreur infinie qu'il avoit surtout des usures et des profits cruels qui se tirent du sang des malheureux; et ils conclurent par représenter qu'il seroit honteux qu'un si grand homme fût privé, après sa mort, des honneurs qu'il méritoit, parce qu'il n'étoit point assez riche pour être inhumé selon son rang. Tous les particuliers se taxèrent par tête avec joie ce qui fit une somme considérable. Le sénat piqué d'une noble jalousie, regarda comme un affront pour l'état, qu'un homme de ce mérite fût enterré des aumônes des particuliers, et jugea qu'il étoit trop juste que le trésor public en fît les frais. L'ordre fut donné sur-le-champ aux questeurs de n'épargner rien pour donner à la pompe funèbre de Ménénius, tout l'éclat et toute la magnificence dignes de son rang et de sa vertu. Le peuple néanmoins, piqué à son tour d'émulation, refusa constamment de reprendre l'argent qu'il avoit donné, et que les questeurs lui vouloient rendre. Il en fit présent aux enfans de Ménénius, de crainte que leur pauvreté ne les engageât dans des professions indignes du rang et de la gloire de leur père.

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11. Callias, très-proche parent d'Aristide, et le plus opulent citoyen d'Athènes, fut appelé en jugement. Son accusateur, insistant peu sur le fond de la cause, lui faisoit sur-tout un crime de ce que, riche comme il étoit, il ne rougissoit pas de laisser dans l'indigence le grand, le juste Aristide, avec sa femme et ses en

fans. Callias, voyant que ses reproches faisoient beaucoup d'impression sur l'esprit des juges, somma Aristide de venir déclarer devant eux, s'il n'étoit pas vrai qu'il lui avoit plusieurs fois présenté de grosses sommes d'argent, et l'avoit pressé avec instance de vouloir les accepter; et s'il ne les avoit pas toujours constamment refusées, en lui répondant qu'il se pouvoit vanter à meilleur titre de sa pauvreté, que lui de son opulence; que l'on pouvoit trouver assez de gens qui usoient bien de leurs richesses; mais qu'on en rencontroit peu qui portassent la pauvreté avec courage et même avec joie ; et qu'il n'y avoit que ceux qui étoient pauvres malgré eux, ou par leur faute, pour avoir été paresseux, intempérans, prodigues, déréglés, qui pussent en rougir. Aristide avoua que tout ce que son parent venoit de dire étoit vrai; et il ajonta qu'une disposition d'ame, qui retranche tout désir des choses superflues, et qui reserre les besoins de la vie dans les bornes les plus étroites, outre qu'elle délivre de mille soins importuns, et laisse une liberté entière de ne s'occuper que des affaires publiques, approche encore, en quelque sorte, l'homme vertueux de la Divinité même, qui est sans soins et sans besoins, Il n'y eut personne dans l'assemblée qui n'en sortît avec cette pensée et ce sentiment intérieur, qu'il eût mieux aimé être Aristide avec sa pauvreté, que Callias avec toutes ses richesses.

Ainsi la vertu favorite de cet austère Athénien étoitelle ce noble et généreux désintéressement qui fait regarder les biens périssables, dont la fortune dispose à son gré, comme une possession incommode et dangereuse; et quoique ce grand homme eût été revêtu des premières charges de la république ; quoiqu'il eût manié les finances avec une autorité absolue, il mourut pauvre, et ne laissa pas même de quoi se faire enterrer. Il fallut que l'état fit les frais de ses funérailles, et se chargeât de faire subsister sa famille. Ses filles furent mariées, et Lysimaquesonfils fut entretenu aux dépens du prytanée, qui assigna aussi à la fille de ce dernier, après sa mort, le même entretien qu'on donnoit à ceux qui avoient vaincu aux jeux olympiques. Voyez, MEDIOCRITÉ. PÉNÉTRATION.

PÉNÉTRATION.

UN particulier, fort connu à la cour d'Alfonse V,

roi d'Aragon, étant venu à se brouiller avec un seigneur, en disoit pourtant du bien toutes les fois qu'il en parloit; ce qui étonnoit d'autant plus les gens qui l'écoutoient, qu'on savoit l'extrême inimitié qu'il portoit à cette personne. Le monarque, dont la vue étoit plus perçante que celle des autres, regarda toutes ces louanges comme très-suspectes. Bien loin de s'y fier, il fit venir secrètement tous ceux de sa cour qni les avoient entendues, pour leur dire que cet homme-là tramoit à coup sûr quelque trahison contre son ennemi, et que toute sa douceur apparente n'étoit qu'une ruse pour le perdre plus surement. Il ne se trompoit pas, et ce qu'il avoit prédit ne tarda guère à arriver. Six mois après, ce fourbe, croyant qu'il étoit temps d'exécuter son dessein, accusa le seigneur, son ennemi, d'un crime dont il ne trouvoit point coupable, et commença à le poursuivre en justice. Alfonse, qui s'étoit attendu à ce procédé injuste, dit alors qu'il vouloit qu'on mît l'accusé hors de cour, et qu'il fût déchargé du crime qu'on lui avoit faussement imputé. Il fit ensuite venir l'accusateur; et, lui ayant fait les reproches qu'il méritoit, il lui ordonna d'aller promptement trouver. le criminel prétendu, et de lui faire humblement des excuses devant tout le monde.

2. Laurent de Médécis avoit une si grande pénétration, que deux citoyens très-connus dansFlorence,quis'accusoient mutuellement d'un vol de quelque argent, ayant comparu devant lui, il se contenta de les envisager, et, dans le moment, désigna le coupable. Comme il prévoyoit souvent ce qui devoit arriver, il prenoit presque toujours des mesures si justes, que l'événement lui étoit communément ou favorable, ou peu nuisible. Il étoit encore fort jeune, lorsqu'il sauva la vie à Pierre de Médicis son père, par un sage conseil qu'il lui donna. Il s'étoit formé une conspiration contre ce prince;et quelques-uns Tome III.

des conjurés, mis en embuscade, devoient l'assassiner au retour d'une course qu'il avoit faite hors de la ville. Il étoit en litière, parce que la goutte l'empêchoit de marcher. Son fils, qui l'acompagnoit, dit à ceux qui le portoient de quitter la route ordinaire, et d'en prendre une plus courte pour entrer dans la ville. Pour lui, monté sur son cheval, il prit le chemin naturel ; et il dit à ceux qu'il rencontroit, que son père le suivoit et qu'il n'étoit pas éloigné : par cette ruse, il trompa ceux qui l'attendoient; et tous deux arrivèrent, presque en même temps, sains et saufs à Florence.

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3. L'auteur du Nighiaristan, ou Collection curieuse d'événemens mémorables, pour faire connoître la pénétration des Arabes, raconte l'histoire suivante.Trois frères arabes, de la famille d'Adnan, s'étant mis en voyage pour voir le pays, rencontrèrent un chamelier qui leur demanda s'ils n'avoient point vu un chameau qui s'étoit égaré sur le chemin qu'ils tenoient? L'aîné d'entre eux demanda au chamelier, s'il n'étoit pas borgne? << Oui,» lui répondit-il. Le second frère ajouta : « Il lui << manque une dent sur le devant;» et, ceci se trouvant vrai, le troisième frère dit : « Je parierois qu'il est boiteux.>> Le chamelier entendant tout ceci, ne douta plus qu'ils ne l'eussent vu, et les pria de lui dire où il étoit. Ces deux frères lui dirent : « Suivez le chemin que nous tenons.>>Le chamelier leur obéit, et les suivit sans rien trouver. Quelque temps après, ils lui dirent: « Il est chargé de blé.» Ils ajoutèrent peu après: « Il porte <<< de l'huile d'un côté, et du miel de l'autre. » Le chamelier, qui savoit la vérité de tout ce qu'ils lui disoient, leur réitéra ses instances, et les pressa de lui découvrir le lieu où ils l'avoient vu. Ce fut alors que ces trois frères lui jurèrent que non-seulement ils ne l'avoient point vu; mais qu'ils n'avoient même entendu parler de son chameau qu'à lui-même. Après plusieurs contestations, il les mit en justice, et on les emprisonna. Le juge, s'apercevant que c'étoient des gens de qualité, les fit sortir de prison, et les renvoya au roi du pays, qui les recut fort bien, et les logea dans son palais. Un jour, dans l'entretien qu'il eut avec eux, il leur demanda comment ils savoient tant de choses de ce chameau, sans

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