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l'avoir jamais vu? Il répondirent: «Nous avons vu que, dans le chemin qu'il a tenu, l'herbe et les chardons étoient broutés d'un côté, sans qu'il parût rien de mangé de l'autre ; cela nous a fait juger qu'il étoit borgne : nous avons aussi remarqué que, dans les herbes qu'il a broutées, il en est resté au défaut de sa dent; et la trace de ses pieds nous a fait voir qu'il en avoit traîné un: c'est ce qui nous a fait dire qu'il lui manquoit une dent, et qu'il étoit boiteux. Les mêmes traces nous ont appris qu'il étoit extrêmement chargé, et que ce ne pouvoit être que de grain; car ses deux pieds de devant étoient imprimés fort près de ceux de derrière. Quant à l'huile et au miel, nous nous en sommes aperçus par les fourmis et les mouches qui s'étoient amassées de côté et d'autre du chemin, dans les lieux où il pouvoit être tombé quelques gouttes de ces deux liqueurs. Par les fourmis, nous avons conjecturé le côté de l'huile, et par les mouches celui du miel.» Voyez SAGACITÉ.

PÉNITENCE.

1.THÉODOSE-LE-GRAND donna deux exemples égalementillustres: l'un des terribles excès auxquels la colère peut emporter les meilleurs princes, lorsqu'ils ne prennentconseil que de leursadulateurs;l'autre,du généreux repentirque peut exciter dans leurame un zèle salutaire. Thessalonique, capitale de l'Illyrie, étoit devenue une ville des plus grandes et des plus peuplées de l'empire. La licence s'y étoit accrue dans la même proportion que l'opulence et le nombre des habitans. Le peuple étoit passionné pour les spectacles. Il chérissoit, il estimoit même ces vils ministres des divertissemens publics, qui sont la perte des mœurs, parce qu'ils ne peuvent se faire des partisans sans diminuer l'horreur des vices dont ils sont infectés. Botheric commandoitles troupesen Illyrie. Son échanson se plaignit à lui des poursuites criminelles d'uncocherducirque,embraséd'unepassionbrutale.Botheric fit mettre en prison cet infame séducteur.Comme le jour des courses du cirque approchoit, le peuple, qui

croyoit ce cocher nécessaire à ses plaisirs,vintdemander son élargissement. Sur le refus du commandant, il semutina. La sédition fut violente:plusieurs magistrats y perdirent la vie ; et Botheric fut assommé à coups de pierres.

il

La nouvelle de cet attentat excita l'indignation de Théodose. Il vouloit d'abord mettre à feu et à sang toute la ville. Ambroise et les évêques des Gaules qui tenoient alors un synode à Milan, vinrent à bout de l'appaiser. Il leur promit de procéder selon les règles de la justice; mais ses courtisans, et sur-tout Rufin, effacèrent bientôt ces heureuses impressions. Rufin, homme de fortune, s'étoit élevé, à la faveur des vertus qu'il savoit feindre, jusqu'à la confiance de l'empereur: il étoit alors maître des offices, et tenoit le premier rang dans les conseils. Appuyé de ses partisans, il fit entendre à Théodose qu'il étoit nécessaire de donner un exemple capable d'arrêter pour toujours les séditions, et de maintenir l'autorité du prince dans la personne de ses officiers. Il ne lui fut pas difficile de rallumer un feu mal éteint. On résolut de punir les Thessaloniciens par un massacre général. Théodose recommanda expressément de cacher à S. Ambroise la décision du conseil ; et, après avoir donné ses ordres, sortit de Milan, pour éviter de nouvelles remontrances, si le secret de la délibération venoit à transpirer. Les officiers chargés de cette barbare exécution, ayant reçu la lettre du prince, annoncèrent une coursede chars pour le lendemain, et passèrent la nuit à faire toutes les dispositions nécessaires à leur dessein. Le jour venu, le peuple, ne sachant pas qu'il couroit à la mort, se rendit en foule dans le cirque, sans s'apercevoir du mouvement des soldats dont il fut tout-à-coup enveloppé. Ceux-ci avoient ordre de passer tout au fil de l'épée, sans distinction d'àge ni de sexe. Au signal donné, ils poussent un grand cri, et se jettent avec fureur sur la multitude. On frappe; on égorge; on tue les enfans sur le sein de leurs mères.Les habitans renfermés dans cette vaste enceinte, morts, blessés, vivans accumulés les uns sur les autres, ne sont bientôt plus qu'un monceau. Ceux qui fuient trouvent la mort dans les rues de la ville. Thessalonique est jonchée de cadavres. Des étrangers, des citoyens

pacifiques, qui n'avoient eu aucune part à la sédition, furent sacrifiés à cette aveugle vengeance.

Jamais l'humanité ne montre plus de vigueur que dans ces scènes cruelles, où la barbarie triomphe. Un esclave, voyant son maître saisi parles soldats, l'arrache de leurs mains; et, pour lui donner le temps de s'échapper, il se livre lui-même,et reçoit la mort avec joie. Un marchand, nouvellement entré dans le port, courut à ses deux fils qu'il voyoit près de périr. Il demanda en grace de mourir à leur place, et offrit à cette condition tout ce qu'il possédoit d'or et d'argent. Les soldats, par une indulgence brutale,lui permirent d'en choisir un ; et le malheureux père, les regardant tour-à-tour, pleurant, gémissant, et ne pouvant se déterminer dans ce choix funeste, qui déchiroit ses entrailles, les vit enfin égorger tous deux. Le massacre dura trois heures. Sept mille, ou même quinze mille citoyens, selon d'autres, y périrent. On dit que Théodose, touché de repentir, peu de temps après le départ des courriers, en avoit dépêché d'autres pour révoquer l'ordre ; mais que ceux-ci arrivèrent trop tard, ainsi qu'on a vu presque toujours, que plus les ordres méritent d'être révoqués, plus ils volent rapidement, et s'exécutent avec promptitude.

Cette affreuse tragédie répandit par tout l'empire l'étonnement et la consternation. Ambroise et les évêques assemblés à Milan, furent pénétrés de la plus vive douleur. Le saint prélat, aussi affligé de la faute de Théodose qu'il aimoit tendrement, que du malheur des Thessaloniciens, ne différa pas d'écrire au prince, pour le rappeler à lui-même: «Non, lui disoit-il, je «n'aurai pas la hardiesse d'offrir le saint sacrifice, si " vous avez celle d'y assister. Il ne me seroit par per« mis de célébrer ces augustes mystères en la présen«< ce du meurtrier d'un seul innocent; et comment le pourrois-je devant les yeux d'un prince qui vient << d'immoler tant d'innocentes victimes? Pour partici<< per au corps de Jésus-Christ, attendez que vous vous << soyez mis en état de rendre votre hostie agréable à << Dieu; jusques-là, contentez-vous du sacrifice de << vos larmes et de vos prières. » La conscience de Théodose lui parloit encore avec plus de force et de liberté

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Sa bonté naturelle ayant enfin dissipé les noires vapeurs de sa colère, lui montroit Thessalonique en pleurs, et ses sujets égorgés. Ilne se voyoit lui-même qu'avec horreur;et,pour se laver d'un forfait siénorme,tremblant de crainte et déchiré de remords,il revint à Milan,et marcha droit à l'eglise. Ambroise sort au-devant de lui, et s'opposant à son passage,semblable à cet ange redoutable qui défendoit l'entrée du jardin d'Eden,après la chute de notre premier père : « Arrêtez, prince, lui dit-il, vous ne sentez pas encore tout le poids de votre péché. La colère ne vous aveugle plus; mais votre puissance et la qualité d'empereur offusquent votre raison, et vous dérobent la vue de ce que vous êtes. Rentrez en vous-même; considérez la poussière d'où vous êtes sorti, et dans laquelle chaque instant se hâte de vous replonger: que l'éclat de la pourpre ne vous éblouisse pas jusqu'à vous cacher ce qu'elle couvre de foiblesse.Souverain de l'empire, mais mortel et fragile, vous commandez à des hommes de même nature que vous, et qui servent le même maître:c'est le créateur de cet univers; le roi des empereurs, comme de leurs sujets. Aurezvous la hardiesse de lever les yeux dans son temple! Comment entrerez vous dans son sanctuaire ? Vos mains fument encore du sang innocent: oserez-vous y recevoir le corps du Seigneur ? Porterez-vous sur la coupe sacrée ces lèvres qui ont prononcé un arrêt injuste et barbare? Retirez-vous, prince : n'ajoutez pas le sacrilège à tant d'homicides. Acceptez la chaîne salutaire de la pénitence, que vous impose par mon ministère la sentence du souverain Juge. En la portant avec soumission, vous y trouverez un remède pour guérir vos plaies, encore plus profondes que celles dont vous avez affligé Thessalonique: » L'empereur, voulant excuser sa faute par l'exemple de David : « Vous l'avez <«<imité dans son péché, lui repartit Ambroise,imitez-le << dans sa pénitence.» Théodose recut cet arrêt comme s'il fût émané de la bouche de Dieu même. Il avoit l'ame trop élevée pour rougir de l'humiliation qu'il essuyoit à la vue d'un grand peuple: il ne sentoit que la confusion de son crime. Il retourna à son palais, en pleurant et en

soupirant. Il y demeura renfermé pendant huit mois, plongé dans cette douleur salutaire qui naît du brisement de l'ame accablée à la vue de ses fautes.

Selon la discipline ordinaire de l'Eglise, les pénitens n'étoient alors réconciliés que vers la fête de Pâques;etles meurtres volontaires n'étoient remis qu'après plusieurs années de pénitence. Aux approches de la fête de Noël, Théodose sentit redoubler sa douleur.Rufin,moins affligé que lui,quoiqu'il fût la principale cause de ses regrets, entreprit de le consoler;et,comme ce courtisan lui demandoit pourquoi il s'abandonnoit à une si profonde tristesse, l'empereur poussant un grand soupir qui fut suivi de larmes: << Hélas! Rufin, lui dit-il, se peut-il que vons ne sentiez pas mon malheur ? Je gémis et je pleure de voir que le temple du Seigneur est ouvert aux derniers de mes sujets, qu'ils y entrent sans crainte, qu'ils y adressent leurs prières à notre commun Maître, tandis que l'entrée m'en est interdite, et que le ciel même est fermé pour moi; car je me souviens de cette divine parole: Celui que vous aurez lié sur la terre, sera lié dans le ciel.-Prince, répondit Rufin, j'irai, si vous le permettez, trouver l'évêque, et je l'engagerai, par mes prières, à vous affranchir de vos liens. Il n'y

consentira pas, répliqua l'empereur ; je connois Ambroise je sens la justice de son arrêt; jamais il ne violera la loi divine par déférence pour la majeste impériale.» Sur les instances de Rufin, qui promettoit avec confiance de fléchir Ambroise, l'empereur lui permit de le tenter; et, se flattant lui-même de quelque succès, il le suivit de loin. Dès qu'Ambroise aperçut le ministre : « Rufin, lui dit-il, quelle est votre imprudence? C'est vous dont le pernicieux conseil a rempli Thessalonique de carnage et d'horreur; et vous ne rougissez pas ? vous ne tremblez pas? Vous osez approcher de la maison de Dieu, après avoir si cruellement déchiré ses images vivantes!» Rufin, se jetant à ses pieds, le supplioit de recevoir avec indulgence l'empereur qui alloit arriver. Alors Ambroise, enflammé de zèle : « Je vous avertis, « Rufin, lui dit-il, que je l'empêcherai d'entrer dans le << lieu saint ; et, s'il veut continuer d'agir en tyran, il gran

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