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<< vivre : je connois votre dessein.-Quel dessein, maî«tre Pierre ?-Vous le savez mieux que moi, M. le « curé; il n'est pas nécessaire de vous le dire.-Maître « Pierre, expliquez-vous.-Monsieur, n'avez-vous pas <«< dit qu'il falloit tuer le vieil homme? Je suis vieux, ilest << vrai; mais la vieillesse n'est pas un crime; et d'ailleurs <«<mon travail peut encore me nourrir. » M. Ollier vit alors quel étoit le sujet de la méprise du jardinier : il eut beaucoup de peine à le désabuser, et à lui prouver que le vieil homme n'étoit autre chose que le péché que nous devions détruire au dedans de nous-mêmes.

26. Louis XIV ayant choisi Racine et Boileau pour écrire son histoire, voulut qu'ils l'accompagnassent dans sa campagne de 1678. M. de Cavoie, ami des deux poètes, voulut un peu rire à leurs dépens dans cette occasion. Il vint trouver Racine la veille du départ, et lui demanda s'il avoit eu l'attention de faire ferrer ses chevaux à forfait? Racine, qui n'entend rien à cette question, le prie de lui en donner l'explication. « Croyez<< vous donc, lui dit M. de Cavoie, que quand une armée << est en marche, elle trouve par-tout des maréchaux? « Avant que de partir, on fait un forfait avec un maré< chal de Paris, qui vous garantit que les fers qu'il met « aux pieds de votre chevaly resteront six mois.C'est « ce que j'ignorois, répond Racine: pourquoi Boileau ne << m'en a-t-il rien dit? Mais je n'en suis pas étonné: il ne << songe à rien. » Ilva trouver Boileau, pour lui reprocher sa négligence. Boileau avoue son ignorance, et lui dit qu'il faut promptements'informer du maréchal le plus fameux pour ces sortes de forfaits. Ils n'eurent pas le temps de le chercher : dès le soir même, M. de Cavoie raconta au roi le succès de sa plaisanterie, et divertit beaucouple monarque. Une autre fois,après une marche fort longue, Boileau, très-fatigué, alla se jeter sur un lit, en arrivant, sans vouloir souper. M. de Cavoie, qui le sut, alla le voir après le souper du roi, et lui dit, d'un air consterné, qu'il avoit à lui apprendre une fâcheuse nouvelle. «Le roin'est pas content de vous. Ilaremarqué « anjourd'hui une chose qui vous fait un grand tort. «Eh! quoi done? s'écria Boileau tout alarmé.

Je ne

<< puis me résoudre à vous la dire ; je ne saurois affli<< ger mes amis. » Enfin, après l'avoir laissé quelque temps dans l'agitation, il lui dit : « Puisqu'il faut vous « l'avouer, le roi a remarqué que vous vous teniez « tout de travers à cheval. -Si ce n'est que cela, ré<pondit Boileau, laissez-moi dormir. »

27. Un jour de marché, un musicien amusoit la populace par ses chansons; mais l'heure où le marché s'ouvroit étant venue, on donna un signal qui fit partir tout le monde: il ne resta qu'un seul homme auprès du nouvelAmphion. Celui-ci s'approche de l'amateur,le remercie de ne l'avoir pas abandonné, et l'appelle le favori d'Apollon, puisqu'il préféroit aux soins grossiers de la vie, les beaux-arts et la musique. L'homme, qui se voyoit seul, lui demanda si l'on avoit donné le signal pour aller au marché? « Oui, vraiment, répondit le musi<< cien. Je vous remercie beaucoup de m'avoir averti, << car je suis sourd. Adieu ! jusqu'au revoir! »

28. Un Gascon, nouveau Parisien, venoit d'acheter un coteret, et craignant qu'on ne s'en apercut, il le portoit caché sous son manteau. Voyant un crocheteur qui s'approchoit de trop près : « Retire-toi, lui dit-il, tu cas« seras mon luth. » Le crocheteur s'écarta; et le nourrisson de la Garonne avoit à peine marché dix ou douze pas, qu'une pièce de son coteret tomba. « Monsieur, <«< s'écria aussitôt le porte-faix; monsieur, ramassez << une corde de votre luth, qui vient de tomber. »

29. Un aubergiste des environs de Phalsbourg tomba en léthargie. On le crut mort; et, au bout de quelque temps, on l'ensevelit. Sa femme, tout en pleurant le pauvre défunt, s'aperçut qu'on avoit employé à cet effet un drap tout neuf et très-fin; et, comme elle étoit fort. avare: << Helas! dit-elle, ce drap est trop beau pourun << mort ; il me servira beaucoup mieux à moi, qui suis << vivante.>> Elle avoit,dans sa maison, un habit d'arlequin qu'une troupe de bateleurs lui avoient laissé pour payement à leur passage. Elle s'enferme dans la chambre du mort, découvre le cercueil, reprend son drap, habille le cadavre en farceur, et,à cela près, rétablit les choses dans leur premier état. L'heure du convoi étant arri

vée, quatre hommes emportent la bière sur leurs épaules, selon l'usage du pays. Le prétendu mort se réveille de sa léthargie, s'agite, se débat. Les porteurs s'effraient ils laissent tomber le cercueil qui se brise, et l'on en voit sortir un arlequin.

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30. Deux Bas-Normands étant dans un cabaret de Limoges, parloient de cette grande année platonique, où toutes choses devoient retourner en leur premier état.Ils voulurent faire accroire à l'hôte, qui les écoutoit attentivement, qu'il n'y avoit rien de plus que cette révolution: «< de sorte, dirent-ils, que dans seize mille ans « d'ici, nous serons encore à boire chez vous, à pareil << jour;» et là-dessus, ils le prièrent de leur faire crédit jusques-là. « Je le veux bien, dit le cabaretier; mais, << parce qu'il y a seize mille ans, jour pour jour, que << vous étiez ici à boire comme vous faites et que « vous vous en allâtes sans payer, acquittez le passé, « et je vous ferai crédit pour l'avenir. >>

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31.Quatre chevaliers d'industrie ayant fait bonne chère dans un cabaret, firent monter un garcon, et arrêtèrent avec lui le prix du repas.Le premier feignit de mettre la main à la poche;mais le second le retint,et dit qu'il vouloit payer l'écot;le troisième témoigna le même empressement: enfin le quatrième, qui ne vouloit pas se laisser vaincre en générosité, défendit au garcon de rien recevoir de ses compagnons. Comme personne ne vouloit céder, l'un d'eux dit: « Pournous accorder,il faut mettre « << un bandeau sur les yeux du garçon, et celui d'entre « nous qu'il prendra, se chargera de la dépense. » On applaudit à cette proposition, on l'exécute; mais, tandis que le garcon tâtonnoit dans la chambre, ils défilèrent l'un après l'autre. Le maître monte; notre colin-maillard, qui l'entend, court à lui, l'arrête; et, le serrant étroitement : « Eh! pour le coup, lui dit-il, ce sera << vous qui payerez l'écot. » Il ne se trompa point.

32. Un Gascon, à jeûn depuis deux jours, médita de dîner aux dépens de Jacques Romain,jacobin, etcélèbre architecte qui avoit entrepris le pont des Tuileries. Il considéroit l'ouvrage comme s'il eût été un grand connoisseur.Frère Romain,qui l'observoit,curieux de savoir

ce qu'il avoit dans l'esprit, lui demanda son sentiment. << Mon frère, dit le Gascon, j'ai une chose importante

à vous dire sur ce pont; mais j'ai appétit, il faut que << j'aille dîner auparavant. » Le religieux l'invita aussitôt à venir manger avec lui. Celui-ci ne se fit pas prier. Après que le Gascon eut bien mangé, il dit au religieux: << Cadédis, mon frère, vous faites un pont sur la lar« geur de la rivière, et vous avez raison; car, si vous «< l'eussiez entrepris sur la longueur, je ne sois pas gen« tilhomme, si vous eussiez réussi ! Après cet excellent avis, il fit la révérence, et prit congé du bon cénobite.

33. Un homme de province, qui étoit venu à Paris dans le temps du carnaval, fit la partie d'aller au bal avec un de ses amis, et se déguisa en diable. Ils se retirèrent avant le jour. Comme le carrosse qui les conduisoit passa dans le quartier où le provincial logeoit, il fut le premier qui descendit. On le laissa le plus près qu'on put de sa porte, où il courut promptement frapper, parce qu'il faisoit grand froid. Il fut obligé de redoubler les coups, avant de pouvoir réveiller une grosse servante de son auberge, qui vint enfin, moitié endormie, lui ouvrir, mais qui, dès qu'elle le vit, referma au plus vite la porte, et s'enfuit, en criant de toute sa force: Jésus Maria! Le provincial ne pensoit point à son habillement diabolique; et, ne sachant pas ce que pouvoit avoir la servante, il continua de frapper, et toujours inutilement. Enfin, mourant de froid, il prit le parti de chercher gîte ailleurs. En marchant le long de la rue, il apercut de la lumière dans une maison; et, pour comble de bonheur, la porte n'étoit pas tout-à-fait fermée. Il vit en entrant un cercueil, avec des cierges autour, et un prêtre qui s'étoit endormi, en lisant son bréviaire, auprès d'un fort bon brasier. Tout étoit tendu de noir, et l'on ne sentoit pas de froid dans ce lieu-là. Le provincial s'approcha du brasier, et s'endormit tranquillement sur un siége. Cependant le prêtre s'éveilla, et voyant la figure de cet homme endormi, il ne douta pas que ce ne fût le diable qui venoit prendre le mort; et là-dessus il fit des cris si épouvantables, que le provincial, s'éveillant en sursaut, fut tout effrayé, croyant voir le mort à ses trousses. Quand

il fut revenu de sa frayeur, il fit réflexion sur son habillement, et comprit que c'étoit ce qui avoit causé son embarras. Comme il n'étoit pas loin de la fripperie, et que le jour commençoit à paroître, il alla changer d'habit, et revint à son auberge, où il n'eut pas de peine à se faire ouvrir. Il apprit, en entrant, que la servante étoit malade, et que c'étoit une visite que le diable lui avoit rendue, qui causoit son mal. Le provincial n'eut garde de dire qu'il étoit lé diable. Il sut ensuite qu'on publioit dans le quartier que le diable étoit venu pour enlever monsieur un tel. Le confesseur attestoit la chose; et, ce qui rendoit le bruit trèscroyable, c'est que le pauvre défunt avoit été maltôtier. 34. Un Gascon s'étoit mis au service du duc de la Feuillade. Ce seigneur, entreprenant un voyage, avertit ses domestiques de se tenir prêts un tel jour, à telle heure. Le Gascon fut retenu au lit par la paresse, et étoit encore dans ses draps, lorsque le duc étoit sur le point de partir. Les autres domestiques, après l'avoir long-temps cherché, entrent enfin dans sa chambre, tirent les rideaux de son lit, et lui reprochent sa mollesse, lui disant qu'il falloit qu'il fût bien paresseux pour être au lit, lorsque son maître étoit déjà prêt à monter à cheval. Le Gascon, feignant d'être surpris : « Quoi! s'écria-t-il, M. le duc « est levé, et je suis encore au lit! Ah! mes amis, << fermez vite les rideaux ; je suis indigne de voir la « lumière. » En prononçant ces mots, il se rendormit. 35. A la première représentation du Devin du Village, deux hommes, dont l'un étoit pour la musique francaise, l'autre pour la musique italienne, soutenoient leurs divers sentimens avec tant d'opiniâtreté, qu'ils troubloient l'attention des spectateurs. La sentinelle s'approcha pour leur faire baisser la voix. Mais le lulliste dit au grenadier: « Monsieur est donc bouffo<< niste? » Cette saillie déconcerta tellement le pauvre soldat, qu'il retourna tout confus reprendre son poste.

36. Les mousquetaires, les gardes-du-corps, les gendarmes, les chevaux-légers entroient autrefois gratis à la comédie, et le parterre en étoit toujours rempli. Le célèbre Molière,qui dirigeoit alors le spectacle, pressé par les

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