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terent fes délateurs, mais parce qu'il appuyoit fon avis de ce qu'il lui fembloit qu'on ne pouvoit pas, fans une efpece de cruauté, punir capitalement une faute contre laquelle les loix avoient prononcé des châtiments plus modérés. Si Néron eût régné dans le goût de Trajan, il auroit méprifé les libelles. Comme les bons Princes ne foupçonnent point defauffeté les juftes éloges qu'ils méritent, ils n'apréhendent pas la fatyre & la calomnie. » Quand je parle de votre humanité, de » votre générofité, de votre clémence & » de votre vigilance, difoit Pline à Trajan, » je ne crains point que votre Majefté s'ima gine que je la taxe de nourrir des vices oppofés à ces fortes de vertus. »

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Il me femble néanmoins, malgré tant de: fatteurs qui s'étudient à corrompre les Rois,. en tous temps & en tous lieux, que ceux que la Providence a élevés au faîte du Gouvernement, pourroient fe garantir du poifon d'une adulation baffe & intéressée, en faifant quel ques-unes des réflexions que je vais prendre la liberté de leur propofer.

1°. Qu'ils daignent confidérer férieusement : qu'il n'y a jamais eu un feul Prince dans le monde qui n'ait été flatté; jamais peut-être un feul qui n'ait été gâté par la flatterie. " L'honneur que nous recevons de ceux qui » nous craignent, (peut fe dire un Monarque » à lui-même) ce n'eft pas honneur; ces ref» pects fe donnent à la royauté, non à moi » quel état puis-je faire de l'humble parler & » courtoife révérence de celui qui me les.. » doit, vu qu'il n'a pas en fon pouvoir de » me les refufer ?... Nul me cherche prefque

"pour la feule amitié qui foit entre luni & » moi; car il ne fe fauroit guere coudre d'a» mitié où il y a fi peu de correfpondance. » Ma hauteur m'a mis hors de proportion; » ils me fuivent par contenance ou, plutôt » que moi, ma fortune, pour en accroître » la leur tout ce qu'ils me difent & font, ce n'eft que fard , leur liberté étant bri"dée par la grande puiffance que j'ai fur eux. "Je ne vois donc rien autour de moi que » couvert & mafqué... Le bon Roi, le mé» chant, celui qu'on hait, celui qu'on aime, » ́autant en a l'un que l'autre. De mêmes ap»parences, de mêmes cérémonies étoit fer"vi mon prédéceffeur, & le fera mon fuc» ceffeur." Montaigne.

2. Seconde confidération contre la flatterie , que je tirerai de l'Auteur immortel de Télémaque c'eft aux Précepteurs des Rois qu'il appartient de leur parler dignement & éloquemment. « Ne voyez-vous pas dit le "fage Mentor à Idomenée, que les Princes, "gâtés par l'adulation, trouvent fec & auf» tere tout ce qui eft libre & ingénu? Ils vont » même jufqu'à s'imaginer qu'on manque de

zele, & qu'on n'aime pas leur autorité, dès » qu'on n'a point l'ame fervile, & qu'on ne » les flatte pas dans l'ufage le plus injufte de » leur puiffance toute parole libre leur pa» roît hautaine: ils deviennent fi délicats, que "tout ce qui n'eft point baffeffe les bleffe & » les irrite. Cependant l'austérité de Philocrès » ne vaut-elle pas mieux que la flatterie per»nicieufe des autres Miniftres ? Où trouverez» vous un homme fans défauts?. Et ce défaut » de vous repréfenter trop b hardiment la vé

writé, n'eft-il pas celui que vous devez le » moins craindre ? Que dis-je ? N'est-ce pas » un défaut néceffaire pour corriger les vô» tres, & pour vaincre le dégoût de la vé» rité où la flatterie- fait toujours tomber? II » vous faut quelqu'un qui vous aime mieux » que vous ne favez vous aimer vous-même, » qui vous parle vrai, & qui force tous vos » retranchements. Souvenez-vous qu'un Prin»ce eft trop heureux quand il naît un feul » homme fous fon regne, avec cette géné

rofité qui eft le plus précieux tréfor de lem¬ » pire, & que la plus grande punition qu'il doit craindre des Dieux, eft de perdre un

» tel ami. »

Ifocrate donnoit de pareils confeils à Nicoclès. « Ne prenez pas pour vos amis des flat"teurs, & choififfez pour vos Miniftres ceux » qui font les plus capables de vous aider à bien » conduire l'Etat. Comptez fur la fidélité, non » de ceux qui louent tout ce que vous dites nou ce que vous faites, mais de ceux qui vous

reprennent lorfque vous commettez quelque faute; permettez aux perfonnes fages & pru » dentes de vous parler avec hardieffe, afin » que quand vous ferez dans quelque embar» ras., vous trouviez des gens qui travaillent » à vous en tirer: ainfi vous faurez bientôt » difcerner les flatteurs artificieux d'avec ceux » qui vous fervent avec affection. »

30. Pline remarque judicieusement, que les Empereurs les plus haïs ont toujours été les plus flattés. «Parce que, dit-il, la diffimu "lation eft plus ingénieufe & plus artificieufe

que la fincérité. » C'eft une troifieme confidération que les Princes ne fauroient trop faire,

4°. Ils fe préferveront encore infiniment des mauvais effets de l'adulation, en ne fe livrant jamais au plaifir de fe voir louer qu'après s'être affurés que leurs actions font dignes d'é--loges, & s'être convaincus qu'ils poffedent les vertus qu'on leur accorde. L'Empereur Julien difoit que, pour compter für les louanges qu'on donne aux Rois, il faudroit que ceux qui les donnent fuffent en état de pouvoir blâmer impunément.

5. Enfin les Princes feront fort au deffus du poifon de la flatterie lorfque, contents de reconnoître par des bienfaits les louanges fenfées dont ils tâchent de fe rendre dignes, ils auront encore un plus grand empressement pour profiter des avis qu'on leur donnera, autorifer la liberté qu'on prendra de leur en donner, en mesurer le prix & la récompense par l'équité de ce à quoi on les engagera, & par l'utilité que leurs fujets en retireront. Le Prince qui agira de cette maniere eft fans dou te véritablement grand, très-grand, admirable; ou, pour me fervir de l'expreffion de Montaigne, il eft cinq cens braffes au def» fus des royaumes; il eft lui-même à soi son »-empire. »

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Si le hazard fait jamais tomber cet écrit entre les mains de quelque Roi, fils de Roi, iffus de Roi, & que leur patience s'étende jufqu'à lire cet article, je les prie d'agréer le zele avec lequel j'ofe chercher à les préserver du poifon de la flatterie, & prendre en mêmetemps leurs intérêts contre des monftres qui les trahiffent, qui les perdent, qui les empêchent de faire le bonheur de leurs peuples & d'être ici-bas les images de Dieu.

FLEURETTE.

A fleurette eft un jeu de l'efprit; c'eft un fujet galant; c'eft une jolie chofe que dit à une femme aimable l'homme qui veut lui plaire. La fleurette n'a pas un grand éclat : c'est une fimple fleur; mais elle est toujours agréa Ble lorfqu'elle réunit une expreffion ingénieufe à une idée riante.

Les fleurettes font une petite branche de la galanterie; peut-être même pourroit-on dire que la fleurette donne une image, foible à la vérité, mais pourtant affez fidelle de ce que l'amour fait fentir comme de ce que la galan terie fait dire.

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Les fleurettes n'ont pas l'air bien redoutables, & peut-être par-là font-elles un peu dangereuses: ce ne font, il eft vrai, que les armes les plus légeres de l'amour; mais enfin ce font fes armes ; & l'on fait bien que ce Dieu n'en a point qui ne puiffent blesser.

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