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fue avec ces fecours qu'elle résista aux 'armes de Charles-Emmanuel & aux trésors de Philippe II, Prince dont l'ambition, le defpotilme, la cruauté & la fuperftit on affurent à fa mémoire l'exécration de la postérité. Henri IV, qui avoit fecouru. Geneve de 300 foldats, eut bientôt après befoin lai-même de fes fecours; elle ne lui fut pas inutile dans le temps de la ligue & dans d'autres occafions: de là font venus les priviléges dont les Genevois jouiffent en France comme les Suiffes.

Ces peuples, voulant donner de la célébrité à leur ville, y appellerent Calvin, qui jouissoit avec juftice d'une grande réputation homme de lettres du premier ordre, écrivant en latin auffi bien qu'on le peut faire dans une langue morte, & en français avec une pureté finguliere pour fon temps ; cette pureté que nos habiles Grammairiens admirent encore aujour d'hui, rend fes écrits bien fupérieurs, à prefque tous ceux du même fiecle, comme les ouvrages de MM. de Port-Royal fe diftinguent encore aujourd'hui par la même raifon des rapfodies barbares de leurs adverfaires & de leurs contemporains. Calvin, Jurifconfulte habile, & Théologien auffi éclairé qu'un hérétique le peut être, dreffa, de concert avec les Magiftrats, un recueil de loix civiles & eccléfiaftiques, qui fut approuvé en 1543 par le peuple, & qui eft devenu le code fondamental de la République. Le fuperflu des biens eccléfiaftiques qui fervoient, avant la réforme, à nourrir le luxe des Evêques & de leurs fubalternes, fut appliqué à la fondation d'un hôpital, d'un college & d'une académie; mais les guerres que Geneve eut à foutenir pen

dant près de foixante ans, empêcherent Tes arts & le commerce d'y fleurir autant que les fciences. Enfin le mauvais fuccès de l'éscalade tentée en 1602 par le Duc de Savoie a été 'époque de la tranquillité de cette république. Les Genevois repoufferent leurs ennemis qui Jes avoient attaqués par furprife; & pour dégoûter le Duc de Savoie d'entreprifes femblables, ils firent pendre treize des principaux Généraux ennemis. Ils crurent pouvoir traiter comme des voleurs de grand chemin des hommes qui avoient attaqué leur ville fans décla ration de guerre ; car cette politique finguliere & nouvelle, qui consiste à faire la guerre fans l'avoir déclarée, n'étoit pas encore connue en Europe; & eût-elle été pratiquée dès-lors par les grands Etats, elle eft trop préjudiciable aux petits pour qu'elle puiffe jamais être de leur goût.

Le Duc Charles-Emmanuel fe voyant repouffé & fes Généraux pendus renonça à s'emparer de Geneve. Son exemple fervit de leçon à fes fucceffeurs ; & depuis ce temps cette ville n'a ceffé de fe peupler, de s'enrichir & de s'embellir dans le fein de la paix. Quelques diffentions inteftines, dont l'avantderniere a éclaté en 1738, ont de temps en temps altéré légérement la tranquillité de la république; mais tout a été heureusement pacifié par la médiation de la France & des Cantons confédérés, & la fûreté eft aujourd'hui établie · au dehors plus fortement que jamais, par deux nouveaux traités, l'un avec la France en 1749, l'autre avec le Roi de Sardaigne, en 1754.

C'est une chose très-finguliere qu'une ville qui compte à peine vingt-quatre mille ames,

:

dont le territoire morcelé ne contient pas trente villages, ne laiffe pas d'être un Etat fouverain & une des villes les plus floriflantes de l'Europe riche par fa liberté & par fon commerce, elle voit fouvent autour d'elle tout en feu fans jamais s'en reffentir; les événements qui agitent l'Europe ne font pour elle qu'un fpectacle dont elle jouit fans y prendre part: attachée aux Français par fes alliances & par fon commerce, aux Anglois par fon commerce & par la religion, elle prononce avec impartialité fur la juftice des guerres que ces deux nations puiflantes fe font l'une à l'autre, quoiqu'elle foit d'ailleurs trop fage pour prendre aucune part à ces guerres juge tous les Souverains de l'Europe fans les flatter fans les bleffer & fans les crain

dre.

&

La ville eft bien fortifiée, & fur-tout du côté du Prince qu'elle redoute le plus, du Roi de Sardaigne. Du côté de la France elle eft prefque ouverte & fans défenfe. Mais le fervice s'y fait comme dans une ville de guerre; les arfenaux & les magasins font bien fournis; chaque citoyen y eft foldat, comme en Suiffe & dans l'ancienne Rome. On permet aux Genevois de fervir dans les troupes étrangeres; mais l'Etat ne fournit à aucune puiffance des compagnies avouées, & ne fouffre dans fon territoire aucun enrôlement.

Quoique la ville foit riche, l'Etat est pauvre par la répugnance que témoigne le peuple pour les nouveaux impôts, même les moins onéreux. Le revenu de l'Etat ne va pas à cinq cens mille livres, monnoie de France; mais l'économie admirable avec laquelle

il'est administré, fuffit à tout, & produit me me des fommes en réserve pour les befoins

extraordinaires.

On diftingue dans Geneve quatre ordres de perfonnes: les citoyens qui font fils de bourgeois & nés dans la ville; eux feuls peuvent parvenir à la magiftrature: les bourgeois qui font fils de bourgeois ou de citoyens, mais nés en pays étranger, ou qui, étant étrangers, sont acquis le droit de bourgeoifie que le Magiftrat peut conférer; ils peuvent être du Confeil général, & même du grand Confeil appelle des deux cens. Les habitants font des étrangers, qui ont permiflion du Magiftrat de demeurer dans la ville, & qui n'y font rien autre chofe. Enfin les natifs font les fils des habitants ils ont quelques priviléges de -plus que leurs peres mais ils font exclus du

gouvernement.

A la tête de la république font quatre Syndics, qui ne peuvent l'être qu'un an, & ne le redevenir qu'après quatre ans. Aux Syndics eft joint le petit Confeil, compofé de vingt Confeillers, d'un Tréforier & de deux Secretaires d'Etat, & un autre corps qu'on appelle de la justice. Les affaires journalieres & qui demandent expédition, foit criminelles, foit civiles, font l'objet de ces deux corps.

Le grand Confeil eft compofé de deux cens cinquante citoyens ou bourgeois; il eft juge des grandes caufes civiles, il fait grace, il bat monnoie, il élit les membres du petit Confeil, il délibere fur ce qui doit être porté au Confeil général. Ce Confeil général embraffe le corps entier des citoyens & des bourgeois, excepté ceux qui n'ont pas vingt-cinq ans, les banque

routiers

routiers, & ceux qui ont eu quelque flétrif fure. C'eft à cette affemblée qu'appartiennent le pouvoir législatif, le droit de la guerre & de la paix, les alliances, les impôts & l'élection des principaux Magiftrats., qui fe fait dans la Cathédrale, avec beaucoup d'ordre & de décence, quoique le nombre des votants foit d'environ quinze cens perfonnes.

: On voit par ce détail que le gouverne ment de Geneve a tous les avantages, & aucun des inconvéniens de la Démocratie; tout eft fous la direction des Syndics; tout émane du petit Confeil pour la délibération, & tout retourne à lui pour l'exécution: ainfi il femble que la ville de Geneve ait pris pour modele cette loi fi fage du gouvernement des anciens Germains.

Le droit civil de Geneve eft prefque tout tiré du droit Romain, avec quelques modifications: par exemple, un pere ne peut jamais difpofer que de la moitié de fon bien en faveur de qui il lui plaît; le refte fe partage également entre fes enfants. Cette loi affure d'un côté la dépendance des enfants, & de l'autre elle prévient l'injuftice des peres.

M. de Montefquieu appelle avec raifon une belle loi, celle qui exclut des charges de la république les citoyens qui n'acquittent pas leurs dettes propres.

L'on n'etend point les degrés de parenté qui prohibent le mariage au delà de ceux que marque le Lévitique: ainfi les coufins-germains peuvent fe marier enfemble; mais auffi point de difpenfe dans les cas prohibés. On accorde le divorce, en cas d'adultere, ou de défertion malicieuse Tome 111.

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