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Plat.

p. 36-38.

s'il n'avait pas la cinquième partie des suffrages. Cette loi était sagement établie pour mettre un frein à la hardiesse et à l'impudence des calomniateurs. Mélitus aurait été obligé de payer cette amende, si Anytus et Lycon ne se fussent joints à lui, et ne se fussent aussi portés pour accusateurs. Leur crédit entraîna un grand nombre de voix, et il y en eut deux cent quatre-vingtune contre Socrate, et par conséquent deux cent vingt pour lui. Il ne tint donc qu'à trente et une voix 'qu'il ne fût renvoyé absous : car, en ce cas, il y en aurait eu deux cent cinquante et une; ce qui aurait fait la pluralité.

Par cette première sentence 2, les juges déclaraient simplement que Socrate était coupable, sans rien statuer sur la peine qu'il devait souffrir; car, lorsqu'elle n'était pas déterminée par la loi, et qu'il ne s'agissait pas d'un crime d'état (c'est ainsi, je crois, qu'on peut expliquer le mot de Cicéron, fraus capitalis), on laissait au coupable le choix de la peine qu'il croyait mériter. Sur sa réponse, on opinait une seconde fois, et ensuite il recevait son dernier arrêt. Socrate fut averti qu'il avait droit de demander diminution de peine, et qu'il pouvait faire changer la punition de mort en un exil, en une prison, ou en une amende pécuniaire. Il répondit géné

I Dans Platon le texte varie, et met 33 ou 30, ce qui marque qu'il peut être défectueux.

La vraie leçon est trois, τpeiç póval: le nombre des juges fut de 556; dont 281 contre Socrate, et 275 pour. Il n'en fallait que 3 de plus pour que le nombre des suffrages fût égal des deux parts (FISCHER, ad Apol. Socrat., p. 139).

- L.

2 « Primis sententiis statuebant tantùm judices, damnarent an absolverent. Erat autem Athenis, reo damnato, si fraus capitalis non esset, quasi pœnæ æstimatio. Ex sententia, quum judicibus daretur, interrogabatur reus, quam quasi æstimationem commeruisse se maximè confitere

tur. » (Cic. de Orat. lib. 1, n. 231232.)

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reusement qu'il ne choisirait aucune de ses punitions, parce que ce serait se reconnaître coupable. «< Athéniens, « dit-il, pour ne pas vous tenir plus long-temps en sus«pens, puisque vous m'obligez de me taxer moi-même « à ce que je mérite, je me condamne, pour avoir passé << toute ma vie à vous instruire, vous et vos enfants; << pour avoir négligé, dans cette vue, affaires domestiques, emplois, dignités; pour m'être consacré tout «< entier au service de la patrie, en travaillant sans cesse << à rendre vertueux mes concitoyens : je me condamne, <«< dis-je, à être nourri le reste de mes jours dans le << Prytanée aux dépens de la république 1. » Cette dernière réponse 2 révolta tous les juges. Ils le condamnèrent à boire la ciguë, qui était une sorte de supplice fort usitée parmi eux.

«

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Cette sentence n'ébranla en rien la constance de Plat. p. 39. Socrate. « Je vais, dit-il, en s'adressant aux juges avec «< une noble tranquillité, être livré à la mort par votre <<< ordre; la nature m'y avait condamné dès le premier << moment de ma naissance : mais mes accusateurs vont « être livrés à l'infamie et à l'injustice par l'ordre de la « vérité. Auriez-vous exigé de moi que, pour me tirer.

des

<< de vos mains, j'eusse employé, selon la coutume,
<< paroles flatteuses et touchantes, et les manières timides

1 Il paraît dans Platon qu'après ce discours, Socrate, apparemment pour éloigner de lui toute idée de fierté et de bravade, offrit modestement de payer une amende proportionnée à son indigence, c'est-à-dire une mine (cinquante livres), et que, forcé par ses amis qui se rendirent ses cautions, il fit monter cette offre jusqu'à trente mines (PLAT. in Apolog. Socrat. p. 38). Mais Xéno

phon assure positivement le con-
traire (pag. 705). On peut peut-être
les concilier en disant que Socrate
d'abord refusa de faire aucune offre ;
et qu'ensuite il se laissa vaincre aux
pressantes sollicitations de ses amis.

2 «Cujus responso sic judices exar-
serunt, ut capitis hominem innocen-
tissimum condemnarent.» (Cic. de
Orat. lib. 1, n. 233.)

De animi Tranquillit. P. 475.

<< et rampantes d'un suppliant? Mais, en justice comme
«<< à la
guerre, un honnête homme ne doit pas sauver sa
<< vie par toute sorte de moyens. Il est également dés-
<< honorant dans l'une et dans l'autre de ne la racheter
<< que par des prières, par des larmes, et par toutes les
<«< autres bassesses que vous voyez faire tous les jours à
«< ceux qui sont où je me vois. »

Apollodore, l'un de ses disciples et de ses amis, s'étant avancé pour lui témoigner sa douleur de ce qu'il mourait innocent: Voudriez-vous, lui répliqua-t-il en souriant, que je mourusse coupable?

Plutarque, pour montrer qu'il n'y a que la partie de nous-mêmes la plus faible, c'est-à-dire le corps, sur laquelle les hommes aient quelque pouvoir, mais qu'il y a en nous une autre partie infiniment plus noble, qui est entièrement supérieure à leurs menaces et inaccessible à leurs coups, cite ces belles paroles de Socrate, qui regardaient encore plus ses juges que ses accusateurs: Anytus et Mélitus peuvent me tuer, mais ils ne peuvent me faire de mal. Comme s'il eût dit : La fortune (c'était le langage des païens) peut m'ôter les biens, la santé, la vie; mais j'ai en moi-même un trésor que nulle violence étrangère ne peut m'enlever; je veux dire la vertu, l'innocence, le courage, la grandeur d'ame.

Ce grand homme, pleinement convaincu de ce principe qu'il avait si souvent inculqué à ses disciples, que le crime est le seul mal que doive craindre le sage, aima mieux être privé de quelques années qui lui res

«

1 << Maluit vir sapientissimus quod superesset ex vita sibi perire, quàm quod præterisset; et, quando ab hominibus sui temporis parùm intelligebatur, posterorum se judiciis re

servavit, brevi detrimento jam ultimæ senectutis ævum seculorum omnium consecutus. » (QUINT.lib. 1, cap. 1.)

taient peut-être encore à vivre que de se voir enlever en un moment la gloire de toute sa vie passée en se déshonorant pour toujours par la démarche honteuse qu'on lui conseillait de faire auprès des juges. Voyant que les hommes de son siècle le connaissaient peu et lui rendaient peu de justice, il s'en remit au jugement de la postérité, et, par le sacrifice généreux qu'il fit des restes d'une vieillesse déja fort avancée, il acquit et s'assura l'estime et l'admiration de tous les siècles.

§ VII. Socrate refuse de se sauver de la prison. Il passe le dernier jour de sa vie à s'entretenir avec ses amis sur l'immortalité de l'ame. Il boit la ciguë. Punition de ses accusateurs. Honneurs rendus à la mémoire de Socrate.

Après que la sentence eut été prononcée1, Socrate, avec cette même fermeté de visage qui avait tenu les tyrans en respect, s'achemina vers la prison, qui perdit ce nom dès qu'il y fut entré, dit Sénèque, étant devenue le séjour de la probité et de la vertu. Ses amis l'y suivirent, et continuèrent à le visiter durant trente jours qui se passèrent entre sa condamnation et sa mort. La . cause de ce long délai était que les Athéniens envoyaient tous les ans un vaisseau dans l'île de Délos pour y faire quelques sacrifices 2; et il était défendu de faire mourir

2

I & Socrates eodem illo vultu, quo aliquandò solus triginta tyrannos in ordinem redegerat, carcerem intravit, ignominiam ipsi loco detracturus: neque enim poterat carcer videri, in quo Socrates erat. » (Sen. in consolat, ad Helv. cap. 13.)

Socrates carcerem intrando pur

gavit, omnique honestiorem curiâ reddidit.» (Id. de Vit. beat. cap. 27.) 2 Thésée, lorsqu'il conduisit en Crète les sept jeunes garçons et les sept jeunes filles qui devaient périr avec lui, fit vœu à Apollon d'envoyer chaque année une théorie ou députation, s'ils échappaient à la mort.

Plat.

in Criton.

personne dans la ville depuis que le prêtre d'Apollon avait couronné la poupe de ce vaisseau pour marque de son départ, jusqu'à ce que le même vaisseau fût de retour. Ainsi l'arrêt ayant été prononcé contre Socrate le lendemain de cette cérémonie, il fallut en différer l'exécution de trente jours qui s'écoulèrent dans ce voyage.

Pendant ce long temps, la mort eut tout le loisir de présenter à ses yeux toutes ses horreurs, et de mettre sa constance à l'épreuve, non-seulement par les dures rigueurs du cachot où il avait les fers aux pieds, mais encore plus par la vue continuelle et la cruelle attente d'un événement avec lequel la nature ne se familiarise point. Dans ce triste état il ne laissait pas de jouir de cette profonde tranquillité d'esprit que ses amis avaient toujours admirée en lui. Il les entretenait avec la même douceur qu'il avait toujours fait paraître; et Criton remarque que la veille de sa mort il dormait aussi paisiblement qu'en un autre temps. Il composa même alors un hymne en l'honneur d'Apollon et de Diane, et tourna en vers une fable d'Ésope.

La veille du jour, ou le jour même que devait arriver de Délos ce vaisseau dont le retour devait être suivi de la mort de Socrate, Criton, son intime ami, vient le trouver de grand matin dans la prison pour lui apprendre cette triste nouvelle, et pour lui annoncer en même temps qu'il ne tient qu'à lui de sortir de la prison; que le geôlier est gagné; qu'il trouvera les portes ouvertes; et il lui offre une retraite sûre en Thessalie. Socrate se prit à rire de cette proposition, et lui demanda

C'est en mémoire de cet événement
que les Athéniens envoyaient tous

les ans des offrandes solennelles à Délos (PLAT. Phædon. § 1). — L.

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