صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

les plus honteuses pour les punir de ce qu'ayant connu clairement qu'il n'y avait qu'un seul vrai Dieu, ils ne l'avaient pas honoré comme ils devaient en lui rendant un témoignage public, et n'avaient pas rougi de lui associer une multitude innombrable de divinités, selon eux-mêmes ridicules et infâmes.

C'est là, à proprement parler, le crime de Socrate, qui ne le rendait pas coupable aux yeux des Athéniens, mais qui l'a fait justement condamner par la vérité éternelle. Elle l'avait éclairé des lumières les plus pures et les plus sublimes dont le paganisme fût capable: car on n'ignore pas que toute connaissance de Dieu, même naturelle, ne peut venir que de lui. Il avait sur la Divinité des principes admirables. Il se raillait agréablement de toutes les fables des poëtes, qui servaient de fondement aux ridicules mystères de son siècle. Il parlait souvent et en termes magnifiques de l'existence d'un seul Dieu, éternel, invisible, créateur de l'univers, souverain maître et arbitre de tous les événements, vengeur des crimes et rémunérateur des actions vertueuses; mais il n'osait rendre un témoignage public à toutes ces vérités. Il sentait parfaitement le faux et le ridicule du paganisme; et cependant, comme Sénèque le dit du sage, et comme il le pratiquait lui-même, il

[merged small][merged small][ocr errors]

en gardait exactement toutes les coutumes et les cérémonies, non comme agréables aux dieux, mais comme étant commandées par les lois. Il ne reconnaissait dans le fond qu'une seule Divinité; et il adorait avec le peuple cette foule de dieux ignobles, qu'une ancienne superstition avait entassés les uns sur les autres pendant une longue suite de siècles. Il tenait un langage particulier dans les écoles, mais suivait la multitude dans les temples. Comme philosophe, il méprisait et détestait en secret les idoles; comme citoyen d'Athènes et sénateur, il leur rendait en public le même culte que les autres: d'autant plus condamnable, dit saint Augustin, que ce culte, qui n'était qu'extérieur et simulé, parais-sait au peuple partir d'un fond de vérité et de conviction.

Et l'on ne peut pas dire que Socrate ait changé de conduite sur la fin de sa vie, et qu'il ait alors marqué plus de zèle pour la vérité. En se défendant devant le peuple, il déclara qu'il avait toujours reconnu et honoré les mêmes dieux que les Athéniens; et le dernier ordre qu'il donna avant que d'expirer fut qu'on immolât en son nom un coq au dieu Esculape1. Voilà donc le prince des philosophes, déclaré par l'oracle de Delphes le plus sage des hommes, qui, malgré sa conviction intime d'une unique Divinité, meurt dans le sein de l'idolâtrie et en faisant profession d'adorer tous les dieux du paganisme. En cela Socrate est d'autant plus inexcusable que, se donnant pour un homme chargé exprès du Ciel de rendre témoignage à la vérité, il manque au devoir le plus essentiel de la glorieuse commission qu'il s'attribuait : car, s'il y a quelque vérité

[blocks in formation]

dans la religion pour laquelle on doive se déclarer hautement, c'est celle qui regarde l'unité d'un Dieu et la vanité des idoles. C'est là le courage aurait été que le bien placé : et il ne devait pas coûter beaucoup à Socrate, déterminé d'ailleurs à mourir. Mais, dit saint Augustin, ce n'était pas ces philosophes que Dieu avait destinés pour éclairer le monde et pour faire passer les hommes du culte impie des fausses divinités à la sainte religion du vrai Dieu.

On ne peut disconvenir que Socrate, pour ce qui regarde les vertus morales, ne soit le héros du paganisme. Mais, pour en bien juger, qu'on mette en parallèle ce prétendu héros avec les martyrs du christianisme, c'est-à-dire, souvent de faibles enfants, de tendres vierges, qui n'ont point craint de répandre tout leur sang pour défendre et sceller les mêmes vérités que Socrate connaissait, mais qu'il n'osait soutenir en public, je veux dire l'unité d'un Dieu, et la vanité des idoles. Que l'on compare même la mort si vantée de ce prince des philosophes avec celle de nos saints évêques, qui ont fait tant d'honneur à la religion chrétienne par la sublimité de leur génie, l'étendue de leurs connaissances, la beauté et la solidité de leurs écrits; un saint Cyprien, un saint Augustin, et tant d'autres, qu'on voit tous mourir dans le sein de l'humilité, pleinement convaincus de leur indignité et de leur néant, pénétrés d'une vive crainte des jugements de Dieu, et n'attendant leur salut que de sa pure bonté et de sa

I «Non sic isti nati erant, ut populorum suorum opinionem ad verum cultum veri Dei a simulacro

rum superstitione atqne ab hujus mundi vanitate converterent. » (S. AUGUSTIN. lib. de ver. Relig. c. 2.)

miséricorde toute gratuite. La philosophie n'inspire point de tels sentiments; ils ne peuvent être l'effet que de la grace du Médiateur, que Socrate ne méritait pas de connaître.

LIVRE DIXIÈME.

MOEURS ET COUTUMES DES GRECS.

La partie la plus essentielle de l'histoire, et qui doit le plus intéresser les lecteurs, est celle qui fait connaître le caractère et les mœurs tant des peuples en général que des grands hommes en particulier dont il y est parlé; et l'on peut dire que c'est là en quelque sorte l'ame de l'histoire, au lieu que les faits n'en sont que le corps. J'ai tâché, à mesure que j'en ai trouvé l'occasion, de tracer le portrait des plus illustres personnages de la Grèce : il me reste maintenant à faire connaître le génie et le caractère des peuples mêmes. Je me renferme dans ceux de Lacédémone et d'Athènes, qui ont toujours tenu le premier rang dans la Grèce; et je réduis à trois chefs ce que j'ai à dire sur cette matière, qui sont le gouvernement politique, la guerre, la religion.

Sigonius, Meursius, Pottérus, et plusieurs autres qui ont écrit sur les antiquités grecques, fournissent de grandes lumières, et sont d'un grand secours sur la matière qui me reste à traiter.

Tome IV. Hist. anc.

16

« السابقةمتابعة »