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SUR

LE TRAITÉ DES FAITS ET GESTES

DE CHARLEMAGNE.

PEU d'ouvrages historiques du neuvième siècle contiennent, sur leur origine et l'authenticité de leurs récits, autant de détails et des détails aussi positifs que celui dont nous publions ici la traduction. La préface du premier livre est perdue; mais, dans celle du second et dans le cours de sa narration, l'auteur nous apprend à peu près tout ce que nous avons besoin de savoir. Nous y voyons qu'il écrivit à la demande de l'empereur Charlesle-Gros, auquel il dédia son ouvrage, et qu'il y travaillait en 884. On sait qu'au mois de décembre 883, Charles-le-Gros passa quelques jours à Saint-Gall; ce fut donc très-probablement à cette époque que l'historien commença à écrire; le 30 mai de l'année suivante, il avait fini son premier livre et entamait le second; alors, dit-il, il était lui-même déjà vieux. Il y a donc lieu de

croire que le second livre fut terminé à la fin de

l'an 884; et nous avons ainsi la date précise d'une histoire, ou plutôt d'un recueil d'anecdotes composé il y a bientôt mille ans.

Quant aux faits, le moine de Saint-Gall nous indique avec la même précision les sources où il les a puisés. C'était d'après des conversations, non d'après des livres, qu'il écrivait. Tout ce qui se rapporte à l'état de l'Église sous Charlemagne, et aux relations de ce prince avec les évêques ou les clercs, il le tenait de Wernbert ou Wérembert, célèbre moine de Saint-Gall, contemporain de Louis-le-Débonnaire et de Charlesle-Chauve. Tout ce qui a trait aux guerres de Charlemagne, à sa cour, à sa vie politique et domestique, il l'avait entendu conter par Adalbert, père de ce même Wernbert, et l'un des guerriers qui, à la suite du comte Gérold, avaient pris part aux expéditions de Charlemagne contre les Saxons, les Esclavons et les Avares, qu'il appelle les Huns. Il avait aussi, dit-il, recueilli les récits d'une troisième personne qu'il ne nomme pas. A d'écrivains de ces temps coup sûr, peu barbares nous font aussi bien connaître leurs aud'autorités semblent mériter plus

torités, et peu

de confiance que celles qui sont ici indiquées.

Cependant le moine de Saint-Gall en a luimême inspiré fort peu à la plupart des érudits, et ils le traitent avec un mépris presque mêlé de courroux. En en recherchant les raisons, on n'en trouve aucune autre si ce n'est qu'il raconte des anecdotes indignes, à leur avis, de la gravité de l'histoire, et ne parle point, comme il convient, de Charlemagne et du clergé. « Il est inutile, dit << dom Bouquet dans sa préface, de nous mettre << en peine davantage de rechercher le nom de «< cet auteur, car l'ouvrage le déshonore plus qu'il << ne l'honore. Outre qu'il est rempli de fables et « d'historiettes mal assorties, Charles y est re<< présenté comme un homme qui exerce des «< cruautés, qui ne respire que menaces, qui

jette la terreur partout; en sorte que, si nous « ne le connaissions pas d'ailleurs, nous aurions << de lui des sentimens peu avantageux. Les évê<< ques y sont traités indignement; leurs mœurs, «<leur faste et leur ambition sont repris avec trop << d'aigreur et avec indécence..... Enfin il y a de << nombreuses erreurs et des fautes énormes de «chronologie. »

En ce qui touche le clergé, le moine de Saint

Recueil des historiens des Gaules et de la France, t. 5, préface, p. x.

que

l'ont pu

faire,

Gall s'était attendu à de tels reproches; il s'excuse en plusieurs endroits de la liberté de ses récits, déclare qu'il n'en dirait pas tant s'il ne comptait sur la protection de l'empereur à la demande duquel il écrit, et laisse entrevoir que, s'il osait, il en dirait bien davantage. Mais, quant à Charlemagne, le moine anonyme était, à coup sûr, fort loin de prévoir qu'on l'accuserait d'avoir voulu ternir sa gloire. Il l'admirait autant au seizième, dix-septième ou dix-huitième siècle, les plus monarchiques érudits; et en recueillant, sur ce prince, les anecdotes que lui avaient racontées les contemporains, il était fermement convaincu qu'il rassemblait et prouvait tous ses titres aux respects de la postérité. Mais la flatterie, qui bien souvent descend au tombeau avec ceux qu'elle a vantés, devient quelquefois au contraire, à mesure que le temps s'écoule, plus absolue et plus exigeante. Un moine du neuvième siècle ne partageait point, sur les actions et les vertus d'un empereur, la susceptibilité des Bénédictins modernes. Que Charlemagne eût commis des cruautés, qu'il se fût entouré de concubines, qu'il eût traité cavalièrement quelques évêques, un pauvre reclus de Saint-Gall ne songeait point à s'en in

digner, ne le remarquait même pas; ses oreilles et ses yeux étaient fort accoutumés à de tels spectacles, et il se fût indigné à son tour s'il eût entendu prétendre que son héros était déshonoré par quelques faits de cette sorte. Son admiration, à la fois moins ombrageuse et plus robuste, n'en était nullement troublée, et pour regarder Charlemagne comme le plus clément et le plus sage des rois, il ne soupçonnait pas qu'il eût besoin de taire ce qui, au dire de dom Bouquet, «nous << donnerait aujourd'hui de ce grand homme des «< sentimens peu avantageux. »

C'est précisément par cette peinture naïve de son temps et de son héros que l'ouvrage du moine de Saint-Gall mérite toute notre attention. Qu'il ait voulu écrire un panégyrique de Charlemagne, cela n'est pas douteux; mais sa flatterie est contemporaine et ne s'épouvante ni de la brutalité des actions, ni de la grossièreté des mœurs, ni de la trivialité des plaisanteries, car elle ne s'en doute même pas. Il se peut aussi que, parmi les anecdotes recueillies par l'élève d'Adalbert, beaucoup soient controuvées; il se peut que le vieux soldat de Charlemagne, retiré auprès d'une abbaye, ait charmé son repos en racontant à un enfant des aventures embellies ou défigurées, à

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