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soutint la concurrence des nouveautés classiques et des innovations étrangères jusqu'en 1608, le Prince des Sots continua de jouer ses pièces à l'hôtel de Bourgogne, et les représentations de la Bazoche ne cessèrent que sous Henri III. L'arrêt du Parlement, qui interdit en 1548 de jouer des Mystères, laissait le champ libre à la comédie: celle-ci profita même de la gêne croissante et du discrédit du drame chrétien; les Moralités, nous l'avons dit, remplacèrent les Miracles. De nombreux témoignages nous attestent la vogue persistante des Farces, des Sotties, des Moralités jusqu'à la fin du xvr° siècle1. L'ancien théâtre était le seul qui fût vraiment public, car les pièces de Jodelle et de Larivey n'étaient que des comédies de collége ou de cabinet qui, pour la plupart, n'ont jamais été représentées. Le théâtre moderne a commencé sous Henri IV, après la transformation de l'Hôtel de Bourgogne pris à bail en 1588 par de nouveaux comédiens, après l'établissement du théâtre du Marais, dit l'Hôtel d'Argent, fondé en l'an 1600. Le mépris où tomba dès lors, au lendemain de la Ligue, tout ce qui restait des institutions et des œuvres du moyen âge, les exigences d'un goût plus délicat, une éducation nouvelle des esprits, la séduction des grâces italiennes et la mode des imbroglios espagnols, mille causes politiques ou littéraires, mille influences très-diverses, par une action simultanée, consommèrent cette révolution dramatique, qui était la conséquence

1. Gilles Durand, qui traduisit Perse en 1567, cite les Enfants-sans-soucy comme auteurs de pièces récentes, les Conards de Rouen et les Bazochiens de Paris comme jouant encore sur leurs tréteaux. (Emile Chasles, la Comédie au XVIe siècle, p. 105). — Dans la pièce des Contents, écrite par Turnébe vers 1581, imprimée en 1584, une Bourgeoise de Paris, dont on a séduit la fille, dit : « Si je mets l'amant en justice, un chacun se rira de moi, et qui plus est, on me jouera aux Pois Pilés et à la Bazoche. » — (Janet, T. VII, 177). Nous avons cité, plus haut, une Farce et une Moralité jouées à Aix en 1596. En 1603, le Prince des Sots intenta un procès aux Confrères, qui étaient restés en possession de l'hôtel de Bourgogne, et il gagua sa cause en 1608. Depuis, on n'entend plus parler d'eux.

2. Ce théâtre, fondé en 1600, rue de la Poterie, près la Place de Grève, fut transféré, en 1620, Vieille-rue-du-Temple, dans un Jeu de Paume où il resta jusqu'en 1673. L'Hôtel d'Argent payait aux Confrères de l'llôtel de

des changements accomplis dans les mœurs publiques et dans l'état général de la société1.

Les Sotties et les Moralités, marquées plus spécialement d'un caractère propre au moyen âge, furent abandonnées, comme des vieilleries gothiques; la Farce, dont la simplicité s'accommode au goût de tous les temps, se conserva dans les théâtres inférieurs et même à l'Hôtel de Bourgogne. Elle y rencontra la Farce italienne, la brillante Commedia dell'arte, introduite en France à la fin du xvr° siècle3 : elle lui emprunta ses dénouements, ses plus fameux personnages, et sous cette forme agrandie et mélangée elle arriva jusqu'à Molière. L'esprit de l'ancienne comédie, cet esprit immortel d'observation malicieuse, s'était perpétué à travers la série des imitations et des essais par où débuta pendant un siècle la comédie moderne; il avait passé des formes gothiques aux formes savantes, les animant, tour à tour, de sa verve originale: un jour vint où cet instinct heureux, ces saillies fugitives, ces légères et piquantes ébauches, tous ces germes vivants que notre analyse a signalés se transformèrent, par le travail et l'inspiration du génie, en créations

Bourgogne un écu tournois de redevance, chaque fois qu'il jouait.-F. Parfait, T. III.

1. La grande vogue des Pastorales italiennes et des tragi-comédies espaguoles date de 1600. Hardy les fit fleurir pendant vingt ans à l'Hôtel d'Argent. 2. L'Estoile, sous Henri IV, nous parle de Farces jouées à l'Hôtel de Bourgogne. L'Hôtel d'Argent parait avoir dédaigné ce genre trop vulgaire. L'Ecole nouvelle, qui s'éleva un peu après 1620 et qui compte Corneille parmi ses représentants, la méprisa aussi. La Farce, ainsi écartée, se réfugia sur le théâtre de l'Estrapade, établi vers ce temps-là par Gros-Guillaume, Gautier-Garguille et Turlupin. Elle trouva aussi un asile sur le theatre du Pont-Neuf (1620-1630), où jouait Tabarin, et à la foire Saint-Germain. C'est là qu'elle fit alliance avec la Commedia dell' Arte. Suard, Mélanges de Littérature, T. IV, p. 131, 132, 140.

3. La Commedia dell' Arte s'introduisit en France à plusieurs reprises, en 1570, 1576, 1584, 1588, 1600, 1613, 1621. Vers ce temps, elle s'y tixa. Elle était dans tout son éclat en 1645. Moland, Molière et la Comédie italienne.

4. A l'époque où débuta Molière, la Farce, nous l'avons dit, était méprisée du public et des poètes. Molière la trouva dans les theatres inférieurs, l'y prit et la réhabilita.

puissantes; à dater de ce jour, la vraie comédie française fut trouvée, nationale et classique tout ensemble, et dans les chefs-d'œuvre qui la représentent on peut reconnaître, à côté de l'influence antique et de l'élément étranger, cette visible perpétuité de l'esprit indigène, la veine facile et riche du bon sens en belle humeur, telle que nous l'avons vue jaillir si souvent au milieu des trivialités bouffonnes de nos improvisateurs du moyen âge.

L'histoire des principaux genres poétiques est terminée. L'épopée, la poésie lyrique, le drame, la comédie ont déve loppé devant nous successivement le tableau de leurs origines, de leurs progrès, de leur entier épanouissement et de leur décadence. Si notre espoir n'est pas vain, l'étude par nous entreprise et dont une partie seulement est achevée, montrera ou plutôt a déjà prouvé combien il y avait de séve et d'énergie native dans l'imagination française, malgré de trop réelles imperfections, au temps de sa florissante jeunesse. Si long qu'il soit, l'exposé qui précède est loin d'avoir épuisé la matière poétique de notre sujet : il nous reste à étudier le genre satirique, qui a tenu dans la littérature du moyen âge une si large place, puis les variétés du genre didactique. Nous aurons enfin à conclure, à rechercher et à faire voir les causes nombreuses qui ont arrêté cet essor de génie, qui ont fait périr dans sa fleur cette poésie pleine de promesses; c'est ce que nous examinerons en jetant un regard sur les derniers poëtes, Charles d'Orléans, Villon et leurs contemporains, en passant en revue l'époque pédantesque des « grands rhéthoricqueurs » qui prélude gauchement à l'œuvre de la Renaissance, sans avoir l'enthousiasme et le talent de la Pléiade. Ces derniers chapitres sur la poésie, joints à l'histoire complète des genres en prose, formeront notre second volume.

FIN.

TABLE DES MATIÈRES

PREMIÈRE PARTIE

Crigines et formation de la langue et de la métrique françaises,
du 1er au XIe siècle.

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DEUXIÈME PARTIE

NAISSANCE ET DÉVELOPPEMENT DE LA POÉSIE FRANÇAISS
DU XI AU XVI SIÈCLE

PREMIÈRE ÉPOQUE

La poesie épique et la poésie lyrique.

CHAPITRE Ier. Les sources de la poésie épique et héroïque au moyen

âge. Les Cantilènes, du ve au xe siècle.

--

- La légende de

Charlemagne. Les mœurs féodales.

-

-

-

222-254

CHAPITRE II. La Chanson de Gestes succède à la Cantilène primi-
tive. Forme et développement de l'Épopée française. — Les
Cycles. - Trouvères, jongleurs et ménestrels. 254-273
CHAPITRE III. Le mérite littéraire des chansons de Gestes.
Analyse de la Chanson de Roland et de Raoul de Cam-
brai.
273-306
CHAPITRE IV. Le Cycle Breton. Sources historiques et poétiques
de la légende d'Artus et des poëmes de la Table-Ronde.
Romans en prose et romans en vers. - Le Saint-Graal,
- Influence littéraire

Merlin, etc.

-

-

Héros de ces poëmes.

et poétique du Cycle Breton.

-

--

306-340

CHAPITRE V. Le Cycle de l'antiquité. - Principaux poëmes: Troie,
Enée, Jules César, Alexandre. - Travaux et découvertes de

-

la critique moderne depuis 1830 jusqu'à nos jours. 310-380
CHAPITRE VI. La poésie lyrique du Midi. — Les Troubadours. —
Origines, formes diverses et caractères généraux de cetto
poésie; place qu'elle occupe dans l'histoire générale de la
littérature provençale. Les plus illustres poëtes en langue
d'oc. Comment et vers quel temps a fini la poésie des
troubadours; son influence sur les pays voisins et les litté
ratures étrangères.

siecles.

-

-

-

380-447

CHAPITRE VII. La poésie lyrique des Trouvères au x et au XI
Simplicité de l'ancienne poésie lyrique du nord.
La romance primitive: ses affinités avec la cantilène
épique. Développement du genre lyrique dans la langue
d'oil au XIe siècle. Vogue de la chanson et de la pastou-
relle. Les trouvères ont-ils imité les troubadours? 447-175

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CHAPITRE Ir. Les débris de la tragédie antique au commencement
du moyen âge. Essais de tragédies juives ou chrétiennes
sur l'ancien modèle. Pièces grecques composées à By-
Restes d'habitudes dramatiques conservées dans
les couvents. La notion même de l'ancienne tragédie a
péri.
475-488
CHAPITRE II. Origines sacrées du drame moderne. Le drame li-

-

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