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une injustice le don purement gratuit du préciput à leur aîné. Leurs sourdes protestations ont souvent intimidé le père de famille, qui a préféré s'abstenir d'instituer un héritier plutôt que de susciter des haines opiniâtres. Et si le père n'a pas reculé devant ce danger, l'aîné a été mis, par une action judiciaire en partage ou par des exigences absolues, dans l'impossibilité de conserver le domaine patrimonial.

Peut-être est-il permis de penser que le meilleur moyen de restaurer dans tout son éclat l'antique tradition serait de ramener les pères et leurs héritiers principaux au sentiment des devoirs de ceux-ci, et de convaincre tous les membres de la famille qu'en instituant un nouveau chef, on lui confère un honneur parfois plus onéreux que profitable. Il faudrait démontrer que faïré un oustal, faire une maison, ce n'est pas favoriser un enfant au détriment des autres, c'est maintenir pour de longues années, en vue du profit réel de tous, l'association que la nature avait créée et que la mort du père ne doit pas dissoudre.

Pour compléter cette notice, il resterait à exposer les voies et moyens par lesquels le principal héritier parvient à désintéresser ses frères et sœurs, lorsque toutes les légitimes lui sont réclamées, et qu'il ne réalise aucun

gain en dehors de la culture de son domaine. Mais ce travail, déjà trop étendu, ne doit avoir pour objet que les mœurs successorales du Rouergue, tandis que la question des voies et moyens se rattache à la partie économique et financière de la réforme sociale. Les faits à signaler de ce point de vue n'auraient pas d'ailleurs de caractère bien spécial, et n'ajouteraient que peu de chose à ce que nous a appris la Monographie des Mélouga.

CHAPITRE XIV

LES PETITES SUCCESSIONS DEVANT LES LOIS CIVILES ET FISCALES Par MM. Michel SEVIN et Paul CAUVIN

Avocats à la cour d'appel de Paris.

L'auteur des Ouvriers européens a démontré depuis longtemps que les lois françaises sur les successions étaient plus préjudiciables à la petite propriété qu'à la grande. Voici un document des plus intéressants à l'appui des conclusions formulées par M. Le Play.

Dans le courant de l'année 187..., la dame S*** est décédée à Paris, laissant pour héritiers sa

mère et ses quatre frères et sœurs, dont trois encore en minorité. De cette succession, d'ailleurs peu importante, dépendait un petit terrain situé dans le département de la Seine.

Aussitôt après le décès de la dame S***, l'un de ses héritiers majeurs se préoccupa de liquider aussi rapidement que possible la succession dont une part venait de lui échoir. Il mit donc l'immeuble en vente afin de se procurer les fonds nécessaires à l'acquittement des diverses charges inhérentes à la qualité d'héritier. Il ne tarda pas à rencontrer un acquéreur, avec lequel il tomba d'accord pour le prix. En conséquence, un acte sous seings privés fut dressé, par lequel le terrain en question était vendu moyennant la somme de 900 francs.

Ce fut seulement alors que les deux contractants, aussi étrangers l'un que l'autre à la pratique des affaires, apprirent par des tiers que la présence de mineurs parmi les héritiers était un empêchement absolu à toute vente amiable, et que leurs conventions ne pouvaient avoir aucune valeur.

Il fallut donc recourir aux formalités ruineuses de la licitation.

La procédure fut conduite avec la plus rigoureuse économie; les actes strictement nécessaires furent seuls signifiés, et les taxateurs re

tranchèrent à l'avoué poursuivant la plupart des émoluments alloués par le tarif. Néanmoins, les frais faits pour parvenir à la vente de l'immeuble, et mis à la charge exclusive de l'acquéreur, se sont élevés au chiffre énorme de 708 francs. Il en est résulté que ce dernier, ne vou lant pas dépasser la somme qui avait été primitivement fixée, déclara aux héritiers qu'il ne consentirait à laisser prononcer l'adjudication à son profit qu'à la condition de pouvoir imputer les frais sur son prix d'acquisition, et de ne payer aux vendeurs que la différence entre ces frais et la somme précédemment stipulée dans la vente amiable.

Contraints, à défaut de tout autre enchérisseur, d'accepter ces conditions onéreuses, les héritiers de la dame S*** n'ont retiré de la vente judiciaire de leur terrain que la somme dérisoire de 192 francs, au lieu des 900 francs qui auraient pu leur revenir presque intégralement, s'ils eussent été libres de se soustraire aux désastreux effets de la protection de la loi.

Ainsi, le rapport des frais à la valeur réelle de l'immeuble a été de 78 fr. 67 c. pour 100; c'està-dire que plus des trois quarts et près des quatre cinquièmes de cette petite propriété ont été dévorés par les frais de vente en justice.

Quant au rapport des mêmes frais (708 francs)

à l'émolument des héritiers (192 francs), il serait, dans l'espèce, de 368 fr. 75 c. pour 100; mais il importe de remarquer que la licitation n'est qu'un épisode de la procédure imposée par la loi aux malheureux héritiers. L'état liquidatif dressé par le notaire devra subir l'homologation du tribunal, et on peut prévoir que les 192 francs provenant de la vente seront complétement absorbés par les frais ultérieurs 1.

1 Un défenseur du principe de l'égalité des partages, M. le sénateur Jules Brame, ancien député du Nord, a cité « sous sa responsabilité personnelle », dans une brochure publiée avant la promulgation des dernières lois fiscales, les faits suivants, qui méritent d'être signalés tout particulièrement aux lecteurs de l'Annuaire :

« Dans le Pas-de-Calais, 37 ares de terre ont été vendus 845 francs; les frais préparatoires se sont élevés à 1,862 francs. Dans le département du Nord, six lots de terre vendus pour un prix total de 36 fr. ont exigé 758 fr. 85 de frais. Dans le même département, des lots vendus 51, 58 et 55 fr. ont donné lieu à des frais respectifs s'élevant à 210, 250 et 501 fr. 92. Dans le département de Seine-et-Oise, des lots vendus 69, 70 et 105 fr. correspondent à des frais de 440, 627 et 1,125 fr. Dans la SeineInférieure, divers lots adjugés 500, 1,125, 50, 25 et 25 fr. ont entraîné respectivement des frais de 1,056, 1,574, 935, 611 et 1,906 fr. Nous pourrions appuyer ces faits par cent mille autres de même nature. Ils se reproduisent sans cesse dans chacune des localités de l'Empire... » — « Un statisticien ne serait pas embarrassé pour démontrer que les partages judiciaires font de plus nombreuses victimes que tous les fléaux réunis... » (L'Héritage dévoré par le fisc et la procédure. Brochure in-8° de 63 pages; 2e édition, 1867. Paris, Librairie internationale.)

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