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CHAPITRE XV

SUR LA DESTRUCTION DE L'AUTORITÉ PATERNELLE
ET DU PATRONAGE DANS LE DÉPARTEMENT DU VAR

Par M. D. JAUBERT

Pour se rendre un compte exact de l'état moral des populations que l'on veut étudier, il faut, avant tout, jeter un rapide regard sur les conditions physiques de la région qu'elles habitent. Il faut ensuite interroger leur passé et voir ce qu'elles ont été, pour mieux comprendre ce qu'elles sont devenues.

Le département du Var, borné au nord par les derniers contre-forts des Alpes, est baigné au sud par les flots tièdes de la Méditerranée. Son sol est accidenté, entrecoupé de montagnes et de vallées qui se croisent dans tous les sens. De là, à des distances restreintes, de grandes variations de température et une grande diversité de productions. Tandis que dans certaines communes situées dans les montagnes on se livre à l'élève du bétail et à toutes les cultures usitées dans les départements du nord, dans d'autres on cultive les orangers en pleine terre, et chaque coin du sol est converti en jardin où l'on

récolte des primeurs qui sont expédiées à Paris et même à Londres. Il est peu de pays qui aient une aussi grande variété de produits que le nôtre. Nous récoltons des céréales de toute espèce, du vin, de l'huile d'olive, des fourrages, des primeurs; nous élevons des vers à soie et nous alimentons de moutons, dont la viande est renommée, les marchés d'Aix et de Marseille. Nos forêts sont mélangées d'essences résineuses, de chênes verts, de chênes blancs, et surtout de chênes-liéges.

Il suit de là que le propriétaire, et même le simple paysan, doivent avoir une multitude de connaissances pratiques. Ainsi, un bon valet de ferme doit être au courant de tout ce qui concerne les soins à donner aux bêtes de trait et même au bétail; il doit savoir conduire un attelage, tailler et cultiver la vigne et l'olivier, nettoyer les forêts, soigner le jardinage, faucher les prés, élever les vers à soie, connaître parfaitement la culture des céréales de toute espèce, etc.

Il est évident que cette variété de connaissances et d'occupations développe à la fois l'intelligence et l'activité, et qu'une race qui s'y est adonnée de père en fils depuis de longues années, acquiert sous ces rapports des aptitudes vraiment exceptionnelles.

A ces bonnes conditions, résultant du climat et de la configuration du sol, viennent s'ajouter l'influence d'un passé paisible et glorieux, et la transmission d'un sang pur et généreux.

Le département du Var fait, en effet, partie de la Provence, ce coin de la Gaule qu'occupèrent dès l'antiquité la plus reculée des colonies de Grecs et de Romains.

Pendant le moyen âge, la Provence forma une. province séparée, gouvernée par des comtes souverains. Elle fut réunie à la couronne de France en 1481, par suite du testament de Charles IV, qui la légua à Louis XI, avec la prière solennelle de la maintenir dans ses libertés, coutumes et lois fondamentales, et même de lui concéder de nouvelles franchises et de nouveaux bienfaits, prière qui formait une condition essentielle de l'hérédité.

En 1481, Palamède de Forbin, nommé gouverneur du pays avec un pouvoir absolu, confirma au nom du roi les anciens statuts, et accorda même de nouveaux priviléges.

Enfin, en 1486, les états de la Provence, assemblés à Tarascon, décidèrent de se donner d'un cœur franc au roi de France, å la condition que le pays, inséparable de la couronne, y serait attaché non comme un accessoire à un principal, mais comme un principal à un autre princi

pal, ce que le roi accepta pour lui et ses successeurs 1.

Le privilége essentiel qui, par suite de ces divers précédents, était attribué à la Provence, consistait dans ce fait que tout impôt devait être voté par les états généraux de la Provence, qui se composaient de représentants des trois ordres le clergé, la noblesse et les communes ou vigueries.

Ces états se réunissaient à tour de rôle dans chacune des villes principales du comté, et étaient présidés de droit par l'archevêque d'Aix.

Pour assurer l'exécution des décisions prises

1 Voir à ce sujet la Réforme sociale; 5e édition, 66, IV, n. 2. Le gouvernement révolutionnaire a violé cet engagement comme ceux qui avaient été pris vis-à-vis de plusieurs autres provinces. Cet acte coupable a été justement flétri par le célèbre Edmund Burke dans les termes suivants :

« Ces prétendus citoyens traitent la France exactement «< comme un pays conquis...; ils ont imité la politique des << vainqueurs les plus farouches... Ils ont rendu la France libre « à la manière dont les Romains rendirent libres la Grèce, la << Macédoine et tant d'autres pays; ils ont détruit tous les liens << de son union, sous prétexte de pourvoir à l'indépendance de «ses villes... On s'est vanté d'avoir adopté une disposition géo<< métrique au moyen de laquelle toutes les idées locales se«raient éteintes... Ce qui arrivera vraisemblablement, c'est « qu'au lieu d'être tous Français, les habitants de pays ne << tarderont pas à n'avoir plus de patrie. » Réflexions sur la révolution de France, trad. Auvray; Paris, Égron, 1823; p. 63, 338. La destruction violente des provinces et la délimitation arbitraire des départements soulevèrent du reste en France de nombreuses réclamations. (La Réforme sociale, 66, vi, note 4.)

par les états généraux, il fut décidé qu'ils seraient représentés par des procureurs des trois ordres, et en 1535 cette procuration fut réunie au consulat d'Aix. Cette union, rendant l'administration centrale et perpétuelle, eut pour résultat de constituer en réalité un gouvernement provincial républicain, sous la suzeraineté du roi.

En second lieu, le parlement avait le droit formellement reconnu de refuser l'enregistrement des édits et des ordonnances qui lui paraissaient contraires aux droits et priviléges de la Provence.

Ces libertés étendues furent à plusieurs reprises battues en brèche, à partir du règne de Louis XIII, par Richelieu, Mazarin et Louis XIV; mais l'éloignement de la Provence, la difficulté des communications, la protégeaient efficacement contre les tentatives centralisatrices.

A partir de 1640, à la vérité, les états généraux ne furent plus convoqués; mais ils étaient remplacés par l'assemblée des communautés, qui était appelée périodiquement à voter l'impôt. Du reste, les consuls d'Aix, procureurs-nés du pays, et les parlements défendaient avec fermeté et indépendance contre les gouverneurs les antiques libertés de leur province.

Tels étaient les droits généraux de la Pro

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