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ner l'imitation. Comment, en effet, pourraientils, devant l'exemple des États-Unis, prétendre que les hommages rendus à Dieu par un culte public sont un débris suranné d'une « civilisation » arriérée, une pratique incompatible avec les exigences du « progrès», une contrainte offensante pour la « liberté »? Le peuple le plus réellement dégagé des souvenirs historiques du passé, le plus largement mêlé aux merveilleux progrès matériels de notre époque, le plus justement fier de son self-government et de ses libertés, est précisément aussi l'un de ceux qui ont le mieux conservé sur ce point, avec les vieilles traditions nationales, la pratique du Décalogue éternel 12.

C'est à tous les gens de bien d'unir leurs efforts pour rendre efficaces de tels exemples, plus persuasifs que de longs discours. Cessons d'ailleurs de ne vouloir emprunter aux Américains que des rouages constitutionnels maladroitement imités 13, que les abus du suffrage universel, les excès de la démocratie ou l'omnipotence des politiciens. Sachons imiter les solides croyances et le sentiment religieux qui leur ont permis de résister si longtemps à l'ac

12 Voir ci-après, en ce qui touche le respect du IIIe commandement, le chapitre v. 13 Le Programme des Unions, lettre de M. Butler Johnstone.

tion dissolvante de leurs institutions, et qui sont encore si fortement empreints dans la constitution politique comme dans les mœurs privées.

Quand sur une personne on prétend se régler,
C'est par les beaux côtés qu'il lui faut ressembler,
Et ce n'est pas du tout la prendre pour modèle,
Ma sœur, que de tousser et de cracher comme elle.

En attendant, la différence profonde entre les sentiments unanimes des Américains et les aspirations de nos révolutionnaires radicaux justifie toujours le jugement que portait en 1813, après avoir parcouru l'Europe, le plus ardent démocrate parmi les fondateurs de l'Union américaine. Sans doute de trop nombreux symptômes de corruption rendent menaçant l'avenir des États-Unis; mais, tant que les croyances demeureront fermes, la nation restera digne d'être maîtresse d'elle-même. Soumise à Dieu, elle possède la vraie liberté; car, selon la belle expression de Sénèque, parere Deo, libertas est. On comprend donc que Jefferson ait pu dire : << Les hommes de nos États... peuvent avec sé«< curité se réserver à eux-mêmes un contrôle << salutaire sur les affaires publiques, et un degré de liberté qui, dans les mains de la « canaille des villes d'Europe, serait bientôt

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«< employé à la destruction des intérêts pu

<< blics 14. »

CHAPITRE IV

SUR LA NOTION DU RESPECT

OBSERVÉE CHEZ UN OUVRIER DU GRAND-DUCHÉ DE BADE

Par M. LAMA CHE.

Il y a plusieurs années déjà, Sainte-Beuve, dans l'un de ses Lundis', louait l'auteur de la Réforme sociale d'avoir voulu « relever parmi nous la statue du Respect ». Un modeste incident de ma vie déjà longue m'a fait vivement saisir sur quels sentiments se fondent la di gnité de l'homme et le respect qu'il inspire. Je raconte ici cet épisode, espérant que le récit fera naître dans l'esprit des lecteurs quelques-unes des réflexions salutaires que le fait éveilla naguère dans ma pensée.

Pendant le mois de novembre 1870, j'étais à Rastadt, pour essayer d'adoucir la situation de mes deux fils, prisonniers de guerre dans

14 Conseil, Mélanges politiques de Jefferson, t. II, p. 223, 230. 1 Nouveaux Lundis, t. IX, p. 61-201.

les casemates de cette place, et dont l'un était malade. Un jour, éprouvant le besoin de secouer mes tristes pensées, je fis une excursion à une certaine distance de la ville. La campagne était presque déserte; l'hiver commençait à sévir rigoureusement; toute la jeunesse virile était aux armées. Les quelques gens que je rencontrai, ouvriers ou paysans, me saluèrent tous, à l'exception d'un cantonnier qui travaillait sur la route, et qui, à mon passage, me toisa d'un œil assez malveillant. Il ne me devait pas le salut; je n'aurais pas remarqué son procédé s'il n'avait contrasté avec celui des autres. Après avoir parcouru quelques kilomètres, je revins sur mes pas, et je remarquai, posée sur un piédestal au bord extérieur de la route, une statue que je n'avais pas aperçue en allant : c'était la statue de saint Jean Népomucène, le martyr du secret de la confession, en grand honneur parmi les populations catholiques de l'Allemagne. Elle était fort bien et n'aurait pas déparé une belle église. Tout en la regardant, j'élevai mon cœur vers Dieu, le priant, par l'intercession de son serviteur, de me venir en aide dans mes peines, et en même temps tout naturellement je me découvris et je fis le signe de la croix. Quand je retournai pour continuer mon chemin vers

Rastadt, je revis mon cantonnier à peu de distance de la statue. Il venait d'être témoin de mon petit acte religieux, et me regardait d'un tout autre air que la première fois. Quand je repassai près de lui, il me salua avec un geste très-prononcé de respect. Que s'était-il passé dans l'âme de cet homme? La première fois, reconnaissant un Français à son allure et au ruban rouge qui ornait sa boutonnière, il avait obéi à un premier mouvement d'antipathie contre un homme appartenant à une nation en guerre avec la sienne. Et puis, afin d'exciter contre nous les paysans allemands appelés à nous combattre, et de leur inspirer confiance en eux-mêmes, on leur avait dit que nous étions une nation, une armée de révolutionnaires et d'impies que Dieu destinait à être châtiés par leurs mains. Sans doute, ce cantonnier l'avait ouï dire aussi, et l'avait cru. Mais il venait de voir de ses yeux un Français à cheveux blancs qui honorait Dieu et ses saints, et lui-même alors, oubliant son antipathie nationale, se plaisait à honorer ce vieillard.

Je rentrai à Rastadt en faisant des réflexions que l'on devinera aisément sur les causes qui ont produit, en France, l'absence générale de respect qui se manifeste de tant de manières,

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