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établis; on suit ceux qui marchent devant, sans examiner où conduit le sentier qu'ils tiennent: on ne daigne pas se demander à soi-même, si l'on ne se trompe point: il suffit de savoir qu'on n'est pas le seul à se méprendre.

Il y a plus; dans l'affaire qui doit décider d'une destinée éternelle, on ne fait pas même usage de sa raison. On ne demande point d'autre garant de sa sûreté que l'erreur commune ; on ne doute pas, on ne s'informe pas, on ne se défie pas, tout est bon. On est épineux, difficile, défiant, plein de précautions, quand il s'agit d'intérêts terrestres ; mais on ne croit pas que les intérêts éternels méritent une si grande attention; et on est alors persuadé qu'il suffit de se conduire par instinct, par opinion, par impression étrangère: on ne veut rien y mettre du sien; et on se laisse entraîner indolemment à la multitude et à l'exemple. Sur tout autre point, on rougiroit de penser comme la foule : on se pique même d'outrer la singularité, dans sa façon de penser sur tout le reste. Sur le salut tout seul, on consent à être du sentiment vulgaire; ou si l'on s'en écarte, c'est pour traiter légèrement ce qui s'y trouve de plus conforme aux véritables règles; et il semble que, pour ce grand intérêt seulement, la raison ne nous ait pas été donnée. Est-il question d'affaires temporelles? on sait développer les motifs qu'on a eus de prendre un parti plutôt qu'un autre; on sait justifier son choix, par la solidité de ses raisons: mais dans l'affaire du salut, si on est interrogé sur les raisons qu'on a eues de préférer les abus, les usages et les maximes du monde aux règles de l'Evangile, on n'a rien à répondre, sinon qu'on n'est pas le seul, et qu'il faut vivre comme tout le monde vit. On se pique de raison et de sagesse, quand il s'agit de choses vaines : on est enfant, quand il s'agit de la vérité. En un mot, on pense que l'affaire du salut ne doit être regardée que comme une de ces entreprises qui ne demandent aucune mesure, aucune précaution; que l'on peut hardiment abandonner à l'incertitude des événements, et dont on peut renvoyer le succès au hasard, sans le faire dépendre du travail et des soins de l'homme.

Nous avons donc tous besoin d'une règle sûre, constante, invariable, qui nous dirige, qui nous éclaire, qui nous rassure dans la voie par laquelle nous devons parvenir au bonheur éternel qui nous est destiné. Ne la cherchons dans le cœur de pas

l'homme; il a trop de répugnance pour tout ce qui le gene: aussi le voyons-nous continuellement occupé à trouver des prétextes, où pour adoucir la sévérité de la loi, lorsqu'il se voit obligé de de s'y soumettre, ou pour en violer tout-à-fait les préceptes. Tantôt il fait tous ses efforts pour accommoder la loi aux temps, aux circonstances, à ses projets; tantôt sa vanité lui fait trouver, dans l'élévation du rang et de la naissance, des priviléges contre la loi, tantôt, rapportant tout à lui-même, il se persuade 'que ses intérêts doivent l'emporter sur la loi; les plus légers inconvénients lui paroissent des raisons contre la règle

De là viennent les variations éternelles de la morale chez la plupart des hommes. Comme ils ne puisent pas leurs lumières dans cette raison souveraine qui éclaire tous les esprits, et qui est le docteur immuable de la vérité, mais dans la corruption de leur cœur et dans la vanité de leurs pensées, ils qualifient le bien et le mal selon leurs caprices, les vices et les vertus sont presque parmi eux des noms arbitraires. Ils ignorent que le caractère le plus inséparable de la vérité est d'être toujours la même; que le bien et le mal tirent leur immutabilité de celle de Dieu, qui est glorifié par l'un, tandis que l'autre l'outrage; que la sagesse, la sainteté et la justice de Dieu sont les seules règles de nos mœurs; qu'il n'appartient pas aux hommes de changer à leur gré ce que les hommes n'ont pas établi, et ce qui est plus ancien que les hommes.

Quelle sûreté peut-on trouver après cela dans les leçons de leur morale, toute fondée sur l'instabilité, les variations éternelles de leur doctrine! Les règles changent avec les siècles; de nouveaux temps leur amènent de nouvelles lois; les temps et les coutumes décident toujours de leurs mœurs. En un mot, ce n'est pas la doctrine qui change les mœurs; c'est le changement des mœurs qui entraîne toujours celui de la doctrine.

Il n'en est pas ainsi de la vérité. Elle est immuable dans sa durée: elle voit tout changer autour d'elle; elle seule ne change point. Les devoirs qu'elle nous prescrit, fondés sur les besoins et sur la nature de l'homme, sont de tous les temps et de tous les lieux, comme elle. Au milieu des changements des mœurs et des siècles, la vérité demeure toujours la règle immuable des siècles et des mœurs. La ferveur ou le déréglement des générations n'ajoute ni ne diminue rien à l'indulgence ou à la sévé

rité de ses lois; le zèle ou la complaisance des hommes ne les rend ni plus austères, ni plus accommodantes; la rigueur outrée ou le relâchement excessif des opinions et des doctrines humaines laissent à ces lois toute leur sage sobriété, et elles forment cet Evangile éternel que l'ange, dans l'Apocalypse (Apoc. 14. 6), annonce du haut du ciel à tous ceux qui habitent sur la terre, à toute langue et à toute nation.

Vérité immuable dans son étendue: elle égale tous les états et toutes les conditions; elle est la même pour les grands et pour le peuple, pour le prince et pour les sujets; elle ne connoît, dans les devoirs qu'elle impose aux hommes, ni pauvre, ni riche, ni noble, ni roturier, ni maître, ni esclave; tous sont obligés d'écouter ses lois et de lui obéir; elle ne voit dans les hommes que le titre de fidèle qui les égale tous; elle ne les distingue point par leurs noms et par leurs places, mais par leurs vertus; et les plus grands à ses yeux sont ceux qui sont les plus saints. Le prétexte du rang et de la naissance ne peut rendre innocente à ses yeux la transgression de ses lois; les priviléges de la dignité n'obtiendront jamais d'elle le changement et l'adoucissement de ses préceptes; l'usage et la coutume ne la forceront jamais à permettre les abus; et elle nous dira toujours que c'est une pure illusion de croire qu'il y a une autre voie de salut pour les grands que pour le peuple.

Vérité immuable dans toutes les situations de la vie: elle ne connaît ni conjoncture difficile, ni perplexité, ni péril apparent, ni prétexte du bien public, qui puisse permettre de violer, ni même d'adoucir le devoir; elle condamne sévèrement tous les tempéraments qui dispensent de lui rendre gloire lorsqu'il faut se déclarer pour elle, et qui persuadent qu'on peut la retenir dans l'injustice, lorsqu'il s'agit de soutenir ses intérêts.

Ce n'est donc pas des lumières humaines que nous devons attendre la connoissance de nos devoirs. Nos défauts sont communs aux autres hommes; leur raison n'est pas moins timide et moins bornée que la nôtre. Il ne tient pas à eux, le plus souvent, que ce que nous savons le mieux ne devienne incertain : quand ils seroient même consommés en science et en sagesse, ils doivent néanmoins être considérés comme rien, si la sagesse de Dieu n'est point en eux.Comment pourront-ils pourvoir au besoin que nous avons d'être éclairés et réformés, puisque nous sommes tous

plus ou moins privés de la gloire de Dieu; puisque nous avons tous des penchants corrompus dans leur source, pour lesquels il faut une règle qui les rectifie et qui les redresse.

Nous avons des passions : l'ordre demande qu'elles soient toutes réglées par le frein de la loi. Nous sentons nous-mêmes que notre corruption se répand sur les plus petites, comme sur les plus grandes choses; que l'amour-propre infecte toutes nos démarches, et que partout nous nous retrouvons foibles, et toujours opposés à l'ordre et au devoir. Nous ne trouvons presque plus en nous que des principes d'erreur et des sources de corruption; la justice et la vérité nous sont devenues comme étrangères; nos penchants nous entraînent, comme malgré nous, vers les objets illicites.

A ce poids de corruption, qui nous rend le devoir si difficile, ajoutons les piéges qui nous environnent, les exemples qui nous entraînent, les objets qui nous amollissent, les occasions qui nous surprennent, les complaisances qui nous affoiblissent, les afflictions qui nous découragent, les prospérités qui nous corrompent, les situations qui nous aveuglent, les bienséances qui nous gênent, les contradictions qui nous éprouvent, tout ce qui est autour de nous et qui n'est pour nous qu'une tentation continuelle.

Si nous jetons encore un coup-d'œil sur les misères qui nous sont propres, que verrons-nous dans notre cœur? Une opposition presque insurmontable à l'ordre et à la justice; le dégoût pour la vertu et pour ses maximes; une paresse invincible à qui tout coûte, et à qui tout ce qui coûte devient presque impossible; une fierté que le devoir ne peut obliger à plier ni à se soumettre ; une inconstance de cœur qui se lasse bientôt de luimême; qui est incapable de suite et d'uniformité; qui ne peut s'assujétir à la règle, parce que la règle est toujours la même; qui veut, et qui ne veut plus; qui passe en un clin-d'œil d'un abattement excessif à une joie vaine et puérile, et ne met qu'un instant entre la résolution la plus sincère et l'infidélité qui la viole.

Dans une situation si misérable, que deviendra l'homme, lorsqu'il s'agira de se déterminer sur ce qu'il doit faire et sur ce qu'il doit éviter, s'il est livré à son ignorance, aux égarements de son cœur, aux illusions de son esprit ; s'il ignore que l'ordre et l'innocence sont le bonheur qu'il doit chercher sur la terre?

que

Dès l'homme est l'ouvrage de Dieu, l'homme ne peut plus vivre que conformément à la volonté de son auteur. Dieu ne l'a point créé pour le laisser vivre au hasard sur la terre,sans lui manifester sa volonté; sans lui prescrire ce qu'il devoit à son créateur, aux autres hommes, et ce qu'il se devoit à luimême. Aussi, en le tirant de la boue, il imprima dans l'être de l'homme une lumière vive, sans cesse montrée à son cœur, qui régloit tous ses devoirs. Il lui donna un esprit pour penser ; il le remplit de la lumière de l'intelligence. Il créa dans lui la science de l'esprit ; il remplit son cœur de sens, et il lui fit voir les biens et les maux, en lui donnant le jugement nécessaire pour les connoître. Le Seigneur fit luire alors son œil sur le cœur de l'homme, en l'éclairant de sa lumière, pour lui faire voir la grandeur de ses auores; afin que l'homme relevât, par ses louanges, la grandeur du nom de Dieu; qu'il le glorifiât de ses merveilles; qu'il publiât la magnificence de ses ouvrages. Le Seigneur prescrioit alors à l'hommc l'ordre de sa conduite, par les saintes ordonnances qu'il lui donna : il le rendit le dépositaire de la loi de vie, en lui confiant ses divins préceptes. Il fit avec lui une alliance éternelle, et il lui apprit les ordonnances de sa justice, dans la loi qu'il lui donna (Eccli. c. 17. 5, 10).

Il y a donc un ordre immuable qui règle les devoirs de l'homme : ordre selon lequel il est évident que l'homme doit être soumis à Dieu, préférer Dieu à la créature, aimer Dieu plus que les créatures. Ordre immuable, puisqu'il est fondé sur la nature de Dieu et des créatures. C'est pour lui-même que Dieu nous a faits: il est donc notre fin essentielle; aussi veut-il que nous l'aimions. Ce n'est pas que Dieu ait besoin de nous; mais c'est que, le devoir de l'aimer étant essentiellement juste, il est impossible que Dieu, qui est la justice même, ne le prescrive pas à l'homme; il est impossible que Dieu n'exige pas de nous cet amour essentiel, parce qu'il est impossible que l'homme ne soit pas obligé de se rapporter à sa fin. Dieu s'aime nécessairement; il est sa fin à lui-même, son bonheur et sa gloire. Il veut nécessairement pour lui tout ce qu'il fait passer du néant à l'être : il est impossible qu'il veuille que ses ouvrages soient indépendants de lui, et à plus forte raison que l'homme, qu'il a créé à son image, ne lui soit pas soumis. Aussi la religion est-elle la fin de l'homme. Or, en quoi consiste l'idée précise

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