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DU JUREMENT ET DE SES CONDITIONS.

LE jurement est un acte de religion par lequel on prend Dieu à témoin de la vérité d'un fait, ou de la sincérité d'une promesse. C'est un acte de religion, parce qu'en jurant on rend à Dieu un honneur souverain, confessant qu'il est l'auteur de toute vérité, qu'il est la vérité même infaillible et immuable, qu'il connoît parfaitement et pénètre ce qu'il y a de plus caché dans le cœur de l'homme, et qu'on a recours à son témoignage, comme au souverain Seigneur de toutes choses.

L'invocation qu'on fait du nom de Dieu dans le jurement est bien différente de celle qu'on fait dans la prière. En priant, nous invoquons Dieu pour en recevoir du secours et des grâces. En jurant, nous employons le témoignage de Dieu pour confirmer ce que nous assurons; car la fin que nous nous proposons alors est qu'on ajoute foi à ce que nous disons, parce que Dieu, qui n'ignore rien et qui est la vérité même, ne peut être témoin du mensonge ainsi, nous protestons par le jurement que, si la chose n'étoit pas vraie, nous n'oserions appeler Dieu pour la certifier; mais que, n'ayant point d'autres preuves suffisantes pour faire connoître la vérité, nous sommes obligés d'avoir recours au témoignage de Dieu qui est infaillible et infiniment au-dessus de toutes les créatures. C'est pourquoi le jurement est la plus grande assurance que les hommes puissent donner pour terminer leurs différends.

On prend Dieu à témoin quand on l'atteste ou directement ou en celles de ses créatures qui portent plus particulièrement l'empreinte de sa divinité. On ne jure que par les créatures les plus considérables, dans lesquelles la bonté, la vérité, la sainteté, la puissance, la majesté de Dieu et ses autres attributs reluisent d'une manière singulière. Si l'on juroit par des créatures viles et abjectes, ce serment paroîtroit illusoire; car on ne penseroit pas qu'un homme attestât Dieu dans ces sortes de créatures; par exemple, s'il juroit par son cheval ou par son épée.

Jésus-Christ a défendu de jurer par les créatures, comme si elles étoient des divinités. Il a condamné encore par cette dé

fense l'erreur des pharisiens, qui, en jurant par le ciel et par la ville de Jérusalem, croyoient ne s'engager à rien, ne faisant état que des jurements par les créatures qui favorisoient leur avarice, comme l'or du temple et les offrandes faites à Dieu. Enfin, il est défendu de jurer par les créatures, en les considérant en elles-mêmes, et s'arrêtant à leur seul témoignage, comme s'il étoit infaillible. Ce ne sont donc pas les créatures, quelque nobles qu'elles soient, que nous attestons par les serments qui se font sur la croix, le livre des évangiles et les reliques des saints, et qui sont autorisés par l'Église romaine : c'est Dieu qui reluit en elles que nous attestons.

par

Dieu même.

Le jurement que l'on fait par les créatures, pour être licite, doit être accompagné des mêmes circonstances que celui dans lequel on invoque expressément le nom de Dieu; c'est-à-dire, qu'il faut qu'il soit fait avec vérité, avec jugement et avec justice ; et il y a la même obligation de l'exécuter, parce qu'en jurant les créatures on est censé jurer par On peut, pour jurer, se servir de signes ou de paroles. De signes, comme quand on lève la main, qu'on la met sur l'évangile ou sur la poitrine. De paroles, comme quand on dit : Vive Dieu; Dieu m'est témoin; qu'il me soit en aide; par Dieu, etc. Il est honteux pour le christianisme que cette dernière expression soit devenue aujourd'hui si familière, surtout dans ce royaume; en sorte que nous pourrions dire avec saint Augustin qu'on entend ordinairement plus de serments que de paroles. Quoique, selon le sentiment de la plupart des théologiens, il faille, pour faire un serment, avoir intention de prendre Dieu à témoin, une coutume si licencieuse ne peut qu'être la source d'un nombre infini de parjures. Car l'habitude peut-elle empêcher qu'on n'ait souvent cette intention, au moins d'une manière confuse, et peut-on ne regarder que comme une bagatelle de prendre à tout instant le nom de Dieu en vain, et de le mêler dans les plus frivoles discours, comme un ornement libre, et dont la disposition ne tire pas à conséquence?

Le seul mot juro, je le jure, prononcé avec intention de jurer pour assurer ce que l'on dit ou ce que l'on promet, est quelquefois un véritable jurement; comme lorsqu'un juge interroge une partie sur quelque point, ou lui fait promettre quelque chose, lui demandant son serment, et que cette partie répond qu'elle

le jure; elle fait alors un jurement véritable, parce que l'intention du juge est de l'engager par la religion du serment à dire la vérité. Mais lorsqu'on ne défère pas le serment à un homme, et qu'il emploie dans le discours le mot juro, je le jure, comme une simple affirmation pour faire comprendre que l'on doit tenir ce qu'il dit pour aussi sûr et aussi vrai que s'il juroit, cette expression n'est pas un jurement.

Pareillement ces termes : Je parle devant Dieu; Dieu le sait; Dieu voit ma conscience, n'exprimeront qu'une simple assertion, s'ils ne sont pas dits dans l'intention de jurer. Il est vrai que ces expressions et autres semblables ne sont souvent qu'une manière de parler, ou qu'on ne s'en sert que pour mieux marquer la vérité de ce qu'on avance; mais comme elles sont ambiguës, et que l'esprit de ceux qui les entendent leur donne quelquefois plus de sens et d'énergie qu'elles n'en ont par ellesmêmes, il faut s'en abstenir et en faire abstenir les autres autant qu'on pourra. Un confesseur examinera, dans le tribunal, si les pénitents qui s'en accuseront auront cru jurer; et alors il les traitera sur ce pied-là, à moins peut-être qu'ils n'aient cru par simplicité que ces manières de parler sont de petits jurements qui n'obligent pas sous peine de péché mortel, comme font certains autres dont ils ont grand soin de ne pas se servir.

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On doit aussi blâmer ceux qui se servent dans leurs discours de ces expressions corrompues : Pardi, mordi, têtedî, parsandi, parce que dans l'usage de notre langue elles semblent signifier la même chose que par Dieu, mort Dieu, tête de Dieu, de Dieu d'on vient qu'on les appelle des jurements abrégés, par le sang juramenta devirtata. Beaucoup de personnes en sont autant scandalisées que si l'on prononçoit tout-à-fait ces jurements. Les confesseurs doivent imposer aux pénitents, qui ont contracté la mauvaise habitude de mêler ces sortes de termes à leurs discours, des pénitences propres à les en corriger: car, certainement ils ne sont pas toujours excusables de péché. Quand même ces paroles, à force d'être triviales, passeroient pour ne rien signifier, et qu'alors elles ne fussent pas proprement des jurements, si les personnes qui les prononcent n'avoient aucune intention de jurer, néanmoins on n'en doit pas souffrir l'usage, surtout dans la colère, parce qu'outre le scandale on s'expose, par ces termes et par tous autres semblables, à prendre la couture

de jurer, et de tomber ensuite dans le parjure. Un confesseur doit toujours se souvenir de demander aux pénitents, qui s'accusent de les avoir dits, s'ils avoient intention de jurer, ou si en les disant ils croyoient faire mal.

Ces paroles: Ma foi, par ma foi, foi de chrétien, d'homme d'honneur, de gentilhomme, seroient de véritables jurements, si par là on entendoit la foi par laquelle on croit les mystères de la religion, parce que ce seroit jurer par Dieu même, qui est l'auteur des vérités que la foi nous enseigne; et, si en jurant ainsi on avoit fait un mensonge, ce seroit un véritable parjure. Si au contraire on ne se sert de ces termes que comme d'une façon de parler qui ne signifie rien, ou pour assurer qu'une chose est véritable, ou pour marquer seulement qu'un homme a dessein de dire la vérité comme la doit dire un prêtre, ou un chrétien, ou un gentilhomme, ou un homme d'honneur, on ne jure pas; mais quoique cela soit vrai à la rigueur, il faut d'un côte avoir toujours égard à l'intention; et, de l'autre, éviter toutes ces sortes d'expressions, parce qu'elles sont dangereuses, qu'elles n'édifient point du tout, et qu'elles embarrassent souvent la conscience.

Quoique ces mots : Certainement, en vérité, ne forment pas un jurement, il y en auroit un à dire : En vérité de Dieu. Il en est de même quand on assure quelque chose sur son âme; cette dernière formule renferme même une forme d'exécratior, et l'on ne peut trop s'en abstenir.

Lorsque des gens simples; ou grossiers, ou peu instruits, s'accusent en confession d'avoir juré leur foi, ou vraiment, ou en vérité ou en conscience, et d'avoir juré faux en se servant de ces manières de parler, il est de la prudence des confesseurs de ne pas d'abord les juger coupables de péché mortel; car plusieurs d'entre eux s'imaginent que ces manières de parler sont de petits jurements qui n'obligent pas sous peine de péché mortel; et qu'il y a d'autres grands jurements dans lesquels on prend Dieu à témoin, qui obligent sous peine de péché mortel, et dont ils se donnent bien de garde de se servir: ces personnes ne sont pas coupables de péché mortel, en assurant un mensonge avec ces expressions, si elles n'ont pas eu intention de prendre Dieu à témoin de ce qu'elles disoient. Cependant on doit leur défendre pareillement pour l'avenir ces sortes d'expressions.

On divise le jurement en assertoire et en promissoire. Par le premier, on prend Dieu à témoin de la vérité d'un fait présent on passé par le second, on l'atteste sur la sincérité d'une promesse et du dessein où l'on est de l'exécuter. Quand cette promesse est onéreuse à ceux à qui on la fait, le jurement s'appelle comminatoire : tel étoit celui par lequel David voulut s'engager à détruire sans miséricorde tout ce qui appartenoit à Nabal. Dans le jurement assertoire, on n'appelle Dieu que comme témoin; dans celui qui est promissoire, il semble qu'on l'appelle, et comme témoin, et comme caution de ce que l'on promet. Souvent en jurant on se contente d'invoquer Dieu comme témoin de ce que l'on jure; alors le jurement est invocatoire. Quelquefois aussi on ajoute l'exécration ou l'imprécation; et c'est lorsque non-seulement on prend Dieu pour témoin, mais qu'on l'appelle encore pour juge et pour vengeur du parjure, en se souhaitant du mal à soi-même ou à d'autres, si la chose n'est pas comme on la dit être, ou si l'on ne tient pas la promesse que l'on fait. On donne à ce jurement le nom d'imprécatoire ou d'exécratoire. Selon saint Augustin sur le psaume 7, l'abus que l'on en fait est le péché le plus grief qui se commette en matière de jurement, parce que la circonstance de l'exécration ou de l'imprécation renferme une plus notable irrévérence envers Dieu. C'est jurer avec imprécation que de jurer sur sa vie, sur sa tête, sur ses enfants; car c'est comme si l'on disoit : Que Dieu m'ôte la vie, la tête, mes enfants.

Le jurement se divise encore en simple et solennel. Le simple est celui qui se fait entre personnes privées, sans aucune solennité : le solennel est celui qui se fait en public, avec quelque solennité; par exemple, en touchant de la main l'évangile, ou les reliques des saints, ou en justice devant son propre juge, ou devant d'autres supérieurs, quoiqu'ils n'aient pas la qualité de juges.

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Le Seigneur ne nous commande pas de jurer; mais il nous permet quand il dit (Deuter. 6. 13) qu'on ne doit jurer que par lui le jurement est même un acte de religion. On voit dans l'Écriture que Dieu a juré pour exciter notre attention, notre crainte et notre espérance. Saint Paul s'est servi, en différentes occasions, du jurement, pour persuader à ceux à qui il parloit qu'il leur disoit la vérité. L'église catholique approuve

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