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trémités ou à un danger évident de mort. Comment, par exemple ceux qui sont dans une ville infectée par la peste, pourroientils être munis du secours des sacrements, si l'Église n'avoit pas le droit d'ordonner aux prêtres d'y demeurer, au risque même d'être attaqués du mal contagieux? Comment l'état pourroitil se défendre contre ses ennemis, si le prince n'avoit pas le pouvoir d'obliger les sujets à le défendre, même au péril de leur vie? L'obligation de ces lois est fondée sur le droit naturel, qui enseigne qu'il faut préférer le bien public au bien particulier.

Les lois positives fixent quelquefois le temps, et déterminent les circonstances dans lesquelles on est obligé de hasarder sa vie pour la défense de la patrie ou pour le salut des fidèles. On pourroit quelquefois s'imaginer que la nécessité de s'exposer à mourir, n'est pas extrême: la loi fixe les incertitudes. On douteroit encore plus souvent si l'on y est personnellement obligé : et la loi, en chargeant de cette obligation certaines personnes, montre qu'elle tombe précisément sur ceux qui en sont chargés, et qu'ils y sont tenus préférablement aux autres. Chacun, à la vérité, doit conserver sa vie, mais non dans le cas où le bien de l'Église et celui de l'état en demandent le sacrifice : car le salut des âmes, la gloire de Dieu, l'honneur de la religion et la conservation de l'état doivent être préférés à notre propre conservation.

COMMENT PEUT-ON DISTINGUER LES LOIS POSITIVES
QUI OBLIGENT AU PÉRIL DE LA VIE.

On est obligé d'observer une loi positive quoiqu'on ne puisse pas le faire sans s'exposer à perdre la vie : 1.o lorsque ce qu'elle défend est essentiellement mauvais, et ne peut jamais être permis, dans quelque circonstance que ce puisse être. 2.o Lorsque l'observation de la loi est plus essentielle au bien de la religion ou de la république, que ne l'est la conservation de notre vie. 3.o Quand le violement de la loi nuit plus à la religion ou à la république que la perte de notre vie. 4.° Quand on exige d'une personne qu'elle viole la loi, en haine de la religion, par mépris pour la foi, pour l'autorité de l'Église, pour l'autorité de son souverain. 5.o Lorsqu'on ne peut violer la loi, sans trahir şon Dieu, sa foi, sa religion, son roi, sa patrie.

que

Ce nous avons dit, par rapport au danger de mort, doit être également entendu de la crainte d'un mal considérable. Lorsque les lois obligent malgré le péril de mort auquel elles exposent, il n'est aucun mal qui puisse en excuser la transgression; et lorsqu'elles n'obligent point au péril de la vie, une incommodité notable en dispense communément.

Au reste, c'est une chose bien différente que d'être obligé en vertu d'une loi à faire quelque chose au péril de sa vie, et de pouvoir volontairement faire la même chose, en s'exposant au même danger : il faut de plus grandes raisons pour en faire un précepte. Il est vrai qu'il en faut aussi de considérables pour le pouvoir faire dans les cas où l'on n'y est pas d'ailleurs obligés L'homme n'est pas le maître de sa vie, et il n'a pas droit de l'exposer témérairement et sans nécessité; mais il le peut faire sans crime, et même avec mérite, dans des circonstances où il ne conviendroit pas de le lui commander. On ne pourroit qu'admirer le courage d'un ami, et la tendresse d'un père qui s'exposeroit à la mort, et même à une mort certaine pour sauver la vie d'un ami ou d'un fils. On ne pourroit que louer la charité d'une personne, qui, touchée du triste état d'un pauvre mourant, lui donneroit le seul morceau de pain qu'elle auroit dans un temps de famine pour soutenir sa propre vie; ou qui, dans un naufrage, cèderoit à quelqu'autre la planche à la faveur de laquelle elle pourroit se sauver. Il ne conviendroit pas néanmoins de faire un précepte de ces actes héroïques de charité. De même, on n'est point ordinairement obligé de sauver sa vie, en se soumettant à certaines opérations honteuses et douloureuses; mais aussi on ne pourroit légitimement les défendre.

LES LOIS FONDEES SUR DES PRESOMPTIONS OBLIGENT-ELLES TOUJOURS EN CONSCIENCE?

celle

Les lois fondées sur des présomptions sont celles qui n'ont été portées que parce que le législateur a jugé que l'action qu'il défendoit pouvoit avoir certains inconvénients, ou que qu'il prescrivoit pouvoit procurer un certain bien, quoique cela n'arrive pas toujours. Ainsi, ces lois ne sont point appuyées sur un motif absolu et sur la nature même de l'action qu'elles pres

crivent, mais sur des circonstances particulieres qui peuvent ne pas s'y rencontrer

On distingue ici deux sortes de présomptions : l'une de fait, l'autre fondée sur le danger attaché à de certaines actions. La présomption de fait est celle par laquelle le législateur présume que l'action qu'il défend a été faite d'une certaine manière et a eu réellement de certains inconvénients: alors, ou ce que le législateur présume est réellement arrivé, ou il ne l'est pas. Dans le premier cas la loi oblige sans difficulté; dans le second, on peut croire que l'intention du législateur n'a point été d'obliger à l'obéissance, à moins qu'il n'ait marqué expressément le contraire. C'est une espèce d'axiome, dit un célèbre théolo gien, qu'une loi fondée sur la présomption, n'oblige point en conscience, lorsque la présomption est fausse : lex in præsumptione fundata, non obligat quandò præsumptio falsa est.

S'il y avoit une loi qui ordonnât d'obliger deux personnes mariées en face de l'Église d'habiter ensemble comme mari et femme, nonobstant un empêchement dirimant secret, pour lequel l'une d'elles demande la dissolution de son mariage, sans cependant pouvoir prouver cet empêchement; celle qui le connoît certainement, et en est très-assurée, devroit plutôt, dit le droit, se soumettre humblement à l'excommunication que le juge prononceroit contre elle pour la forcer d'habiter avec l'autre, que d'obéir à sa sentence. La raison en est que cette loi et cette sentence sont fondées sur une fausse présomption de fait le législateur et le juge auroient présumé qu'il n'y avoit point d'empêchement, parce qu'il n'avoit point été prouvé. Or, la vérité doit l'emporter sur la présomption: debet potiùs excommunicationis sententiam humiliter sustinerc, quàm per carnale commercium peccatum mortale operari. ( Sylo. t. 2, q. 96, art. 4, 9. 20, concl. 1.)

Une loi qui prescriroit une chose évidemment contraire au bien public, laquelle cependant le législateur n'auroit ordonnée que parce qu'il la regardoit comme utile et même nécessaire à la société ; cette loi, dis-je, n'obligeroit point en conscience : elle ne devroit même pas être regardée comme une véritable loi, parce que toutes doivent tendre au bien public.

Les lois fondées sur la présomption du danger attaché à certaines actions, sont celles qui ont pour objet des choses qu'il

seroit dangereux de permettre ou de tolérer, parce qu'elles ne se font point communément sans produire de pernicieux effets, ou sans être suivies de quelque mauvaise circonstance. Ainsi "l'Église défend de faire profession dans les ordres religieux, avant que d'avoir seize ans accomplis, parce que communément, avant cet âge, on n'a point la maturité d'esprit nécessaire pour prendre un pareil engagement. Il est certain que cette loi oblige toujours, même dans le cas où l'on verroit que celui qui n'a pas encore seize ans, et qui veut s'engager dans l'état religieux, connoît la force de l'obligation qu'il contracteroit par-là.

Il y a plusieurs autres lois, tant ecclésiastiques que civiles, qui obligent pareillement, dans les circonstances même où le mal qu'on a prévu devoir résulter des actions qu'elles défendent, ne se rencontre point; et quoique les conséquences sur lesquelles ces lois sont fondées, n'aient point lieu dans tous les cas. En voici la raison : le motif de ces lois est que les actions qu'elles défendent, produisent communément de mauvais effets; or, ce motif subsiste toujours. Le législateur en portant sa loi: n'a pas jugé que ce qu'il craignoit se rencontreroit toujours dans tous les cas et dans toutes les circonstances. L'Église, par exemple, n'ignoroit pas que plusieurs de ceux qui n'ont pas seize ans, ont quelquefois plus de lumières, de connoissances, et de force d'esprit, que ceux qui ont atteint cet âge; et qu'ils peuvent même, en certains cas, trouver quelque avantage pour leur salut à s'engager plus tôt; mais aussi, l'Église sait qu'en général et communément la plupart ne peuvent prudemment s'engager dans l'état religieux avant l'âge de seize ans. Ce n'est point sur une simple conjecture que sa loi est appuyée, mais sur la certitude d'un danger réel et véritable; et, quoi qu'il en puisse être d'une circonstance particulière, les vœux solennels, faits avant l'âge de seize ans, sont communément prématurés, indiscrets, et exposés à un repentir d'autant plus funeste qu'il seroit inutile, sans la loi qui les défend. Qui n'eût pas cru être dans le cas de l'exception, si elle en eût autorisé quelqu'une à cette loi ? C'est d'ailleurs un príncipe de droit, et même de l'équité naturelle, que les dispositions des lois soient formées sur ce qui arrive communément, sans avoir égard aux circonstances rares et particulières, et que par conséquent elles établissent un ordre général auquel tout le monde soit obligé de se conformer.

QUELLE EST LA MATIÈRE Des lois.

Nous appelons ici matière des lois, les actions et les choses que les lois prescrivent, qu'elles permettent, ou qu'elles dé

fendent.

Les lois ne peuvent avoir pour objet que les actions libres des créatures raisonnables : ces actions peuvent seules être soumises à leur direction. Ce qui se fait nécessairement d'une certaine manière n'a pas besoin de règle : l'homme n'en est pas responsable, puisqu'il n'est point le maître de le faire, ou de l'omettre à son gré; de le suspendre, ou de le continuer, lorsqu'il le juge à propos. C'est pour cette raison que les premiers mouvements ne sont point soumis à l'empire des lois ; ils s'élèvent en nous lorsque nous y pensons le moins, et sans que notre volonté y ait aucune part. Ce qui dépend de nous et ce que les lois nous ordonnent, c'est d'arrêter ces mouvements, dès que nous nous en apercevons, et que nous y faisons réflexion ; ou au moins, d'y refuser notre consentement.

Les choses qui sont l'objet des lois, sont ou bonnes, ou mauvaises, ou indifférentes. L'office de la loi est de commander ce qui est bon et louable, ou du moins de l'approuver; de prescrire le temps et les circonstances où on doit le faire. Ainsi, la loi naturelle commande d'aimer Dieu; elle approuve la libéralité et le désintéressement. Ainsi, la loi de l'Église qui ordonne d'entendre la messe les jours de fêtes, de se confesser une fois chaque année, et de communier à pâques, établit seulement la nécessité de faire ces actions dans un certain temps que la loi de Dieu n'a point prescrit. Ainsi, l'obligation d'offrir à Dieu des sacrifices, qui est de droit naturel, est déterminée par la loi chrétienne au seul sacrifice de la messe, que cette loi nous enseigne être le plus agréable à Dieu; et la loi ecclésiastique a réglé la manière et le temps de l'offrir.

On peut pousser trop loin la pratique des vertus, et il peut y avoir de l'indiscrétion et du danger; ainsi, il est du devoir des législateurs d'y mettre des bornes, et de fixer le sage milieu audelà duquel on ne peut aller. C'est pour cette raison que, quelque louable que soit en lui-même le désir du martyre, l'Église

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