صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

2o LA PROVIDENCE.

Le Dieu qui crée est aussi le Dieu qui conserve. Il vit en même temps qu'il fait vivre. Le lien entre lui et sa créature ne disparaît pas dès qu'elle est créée. Après le dogme de la création vient celui de la providence.

Il y a, dans la prière, autre chose que l'élan des désirs ou des douleurs de l'âme vers des satisfactions, des forces ou des consolations que l'àme ne trouve point en elle-même : il y a l'ex

pression d'une foi, instinctive ou réfléchie, obscure ou claire, chancelante ou ferme, dans l'existence, la présence, la puissance et la sympathie de l'Être à qui la prière s'adresse. Sans une certaine mesure de foi et d'espérance en Dieu, la prière ne jaillirait pas ou se tarirait soudainement dans l'âme. Si elle résiste, si elle survit partout à toutes les dénégations, à tous les doutes, à toutes les ténèbres qui assiégent le genre humain, c'est que le genre humain porte en lui-même un indestructible sentiment du lien permanent qui l'unit à Dieu et Dieu à lui.

Bien loin de détruire ce sentiment, l'expérience et le spectacle de la vie l'expliquent et le confirment. L'homme, en réfléchissant sur sa destinée, reconnaît trois sources diverses et fait, pour ainsi dire, trois parts des faits qui la remplissent. Il subit des événements qui sont la conséquence de lois générales, permanentes, indépendantes de sa volonté, mais que son intelligence observe et

[merged small][ocr errors][merged small]

comprend. Il fait lui-même, par l'acte de sa volonté libre, des événements dont il se reconnaît l'auteur, qui ont leurs conséquences et entrent dans le tissu de sa vie. Il éprouve des événements qui ne sont, à ses yeux, ni le résultat de lois générales auxquelles rien ne peut le soustraire, ni le fait de sa propre liberté; des événements dont il ne voit pas la cause, ni la raison, ni l'auteur.

L'homme attribue les événements de cette dernière sorte tantôt à une cause aveugle qu'il nomme le hasard, tantôt à une intention intelligente et suprême qui est Dieu. Et quand son esprit est choqué de l'inanité de ce mot le hasard qui n'explique et ne dit rien, l'homme imagine une puissance mystérieuse, impénétrable, qui n'est qu'un enchaînement nécessaire de faits inconnus, et qu'il appelle la fatalité, le destin. Pour rendre compte de cette part obscure et accidentelle de la vie humaine qui ne dérive ni de lois générales saisissables, ni de la volonté libre de l'homme lui

même, il faut choisir entre la fatalité ou la providence, le hasard ou Dieu.

J'exprime sans hésitation ma pensée. Quiconque admet, comme explication, la fatalité et le hasard ne croit pas vraiment en Dieu. Quiconque croit vraiment en Dieu compte sur la providence. Dieu n'est pas un expédient inventé pour expliquer le premier fait, un acteur appelé pour ouvrir, par la création, la scène du monde, et relégué ensuite dans une complète inutilité et inertie. Par cela seul qu'il est, Dieu assiste à son œuvre et la maintient. La providence, c'est le développement naturel et nécessaire de l'existence de Dieu; c'est la présence constante et l'action permanente de Dieu dans la création. L'instinct universel et invincible qui porte l'homme à la prière est en harmonie avec ce fait suprême : celui qui croit en Dieu ne peut pas ne pas recourir à lui et le prier.

On élève des objections au nom de Dieu même. Il n'agit, dit-on, que par des lois générales et per

manentes; comment lui demander des volontés spéciales et accidentelles? Il est immuable, toujours complet et toujours le même : comment concevoir qu'il se prête à la mobilité des sentiments et des vœux humains? La prière qui monte vers lui oublie ce qu'il est. A la providence de Dieu on oppose sa nature.

Cette objection, si souvent reproduite, ne laisse pas de m'étonner. La plupart de ceux qui l'élèvent proclament en même temps que Dieu est incompréhensible et que nous ne saurions pénétrer le secret de sa nature. Que font-ils done sinon prétendre à comprendre Dieu, et de quel droit opposent-ils sa nature à sa providence si sa nature est, pour nous, un mystère impénétrable? Je n'ai garde de leur reprocher leur ambition; elle est le privilége et la gloire de l'homme; mais qu'en la conservant, ils ne méconnaissent pas les limites de sa puissance : il faut choisir : il faut, ou bien cesser de croire en Dieu parce qu'on ne peut

« السابقةمتابعة »