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d'en faire une heureufe épreuve: elle me fuffit; & je ne veux pas vous laiffer ignorer plus long-tems que » c'est moi-même qui ai fait courir ces Lettres dans » l'armée. »

20. Les Athéniens, fatigués de la longue & fâcheufe guerre qu'ils avoient contre les habitans de Mégare au fujet de l'ifle de Salamine, firent une loi qui défendoit, fous peine de la vie, d'avancer, ni par écrit, ni de vive-voix, qu'on dût recouvrer cette ifle. Solon, ne pouvant fouffrir cette infamie, & voyant que la plûpart des jeunes gens ne demandoient qu'à recommencer la guerre, mais qu'ils n'ofoient la proposer, à cause de cette terrible ordonnance, s'avifa de contrefaire le fou, & fit répandre dans toute la ville, qu'il avoit perdu l'efprit. Jamais ce grand homme n'avoit été fi fage. Il compofa un beau poëme, pour engager les Athéniens à reprendre Salamine; & il l'apprit par coeur. Un jour qu'on ne s'attendoit à rien moins, il fortit de la maison, avec un chapeau fur fa tête, & courut à la place, où, le peuple s'étant affemblé autour de lui, il monta fur la pierre d'où les héraults avoient coutume de faire leurs proclamations, & commença à réciter fon poëme. Les citoyens en furent fi touchés, que la loi fut révoquée fur le champ, la guerre réfolue, & Solon élu général.

21. Il y eut de grands différends entre Alcibiade & Thucydide, à l'occafion de la guerre qu'Athènes avoit contre Lacédémone. Thucydide fit la paix avec les Spartiates, au nom des Athéniens, & voulut qu'ils envoyaffent à Athènes des ambaffadeuts, pour la ratification du traité. Cette paix n'étoit point du goût d'Alcibiade; &, pour l'empêcher, il alla trouver, de nuit, les ambassadeurs; feignit d'être ami des Lacédémoniens, & leur dit que le peuple d'Athènes étoit fier; que, s'ils lui parloient avec autant de douceur qu'au fénat, ce n'étoit pas le moyen de réuffir; qu'il regarderoit leur modération comme une preuve de la né ceffité qui les forçoit de faire la paix, & qu'il propo feroit encore de nouvelles conditions; qu'à fon égard étant soupçonné d'être ami des Lacédémoniens, il étoit

obligé de leur être contraire en public; mais qu'il les ferviroit fidèlement, lorfqu'il le pourroit avec sûreté. Les ambaffadeurs, dupes de fon apparence de franchife, promirent de fuivie fon confeil. Il prévint enfuite le peuple, & lui perfuada que le fénat ne cherchoit qu'à le tromper; qu'il étoit faux que les Lacédémoniens acceptaffent les conditions propofées, & qu'ils le feroient bientôt voir. Le lendemain, les ambaffadeurs de Lacédémonë parlerent devant le peuple d'Athènes bien différemment qu'il n'avoient fait dans le fénat; ce qui furprit extrêmement Thucydide. Alcibiade, comme il en étoit convenu, parla pour les Athéniens; &, de part & d'autre, les chofes allerent fi loin, qu'il fut réfolu de continuer la guerre. Alcibiade en fut chargé, comme il souhaitoit, après s'être servi des ennemis eux-mêmes, pour fe mettre en état de les vaincre.

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22. L'empereur Henri II, étant en voyage, s'arrêta à Verdun, & alla rendre vifite à Richard, abbé de S. Vannes. En entrant dans le cloître, il prononce ces paroles du Pfeaume 131: « C'eft ici mon repos pour » toujours; c'est l'habitation que j'ai choisie. » L'évêque Heimon, qui l'accompagnoit, va rapporter ces mots à l'abbé. « Prenez garde, lui dit-il, à ce que vous » ferez. Si vous recevez l'empereur pour religieux » comme il le demandera, vous perdez l'empire. L'abbé reçoit l'empereur, & le conduit avec refpect áu chapitre. Là, devant tous les religieux, il ofe l'interroger fur le deffein qui l'amene dans cette folitude. Henri lui répond, le vifage baigné de larmes, qu'il veut faire pénitence parmi eux, quitter le monde & l'empire, & prendre l'habit de religieux. « Voulez» vous, dit l'abbé, felon la régle, & à l'imitation de » Jesus-Chrift, être obéiffant jufqu'à la mort? » L'empereur répond, avec humilité, qu'il n'a pas d'autre deffein. Eh bien ! reprend l'abbé, je vous reçois pour » moine. Je me charge du foin de votre ame; mais je » veux que vous faffiez tout ce que je vous ordonne» rai. » Henri promet tout; & Richard replique auffitôt : « Je vous ordonne de continuer à gouverner l'em

»pire; d'être ferme en rendant la juftice, & d'ufer de » toute votre autorité pour procurer aux peuples la paix & la tranquillité. » Henri n'infifte pas davantage, & le retire.

23. Un docteur, étant dans fa chambre, occupé à travailler, fut interrompu dans fes méditations par une jeune fille qui lui demanda du feu. « Eh! dans quoi, » ma mie, voulez-vous le mettre, lui demanda-t-il? "Ici, Monfieur, » répondit la petite qui prit un peu de cendres dans fa main, fur lefquelles elle pofa quelques charbons. Le docteur furpris jetta par terre fes livres qui ne lui auroient jamais fourni une pareille reffource, & s'écria : « Avec toute ma fcience, aurois-je eu cet » efprit-là ? »

24. L'abbé de Baignes, chef de la mufique de Louis XI, étoit un homme fertile en inventions, & qui fçavoit adapter fon génie induftrieux aux circonftances les moins attendues. Le monarque lui demanda, un jour, un concert exécuté par des pourceaux. Il croyoit, par la bizarrerie de cette demande, réduire l'adroit abbé à l'impoffible. Cependant il l'entreprit, & en vint même à bout, à la fatisfaction du Roi. Il rassembla quantité de pourceaux de différens âges, & dont les cris, par conféquent, devoient produire différens tons. Il les mit tous fous un pavillon de velours magnifique au-devant duquel étoit une table de bois, où l'on montoit par plufieurs degrés qui formoient une efpece de jeu d'orgues. Différens aiguillons, qu'il touchoit, alloient piquer ces pourceaux; & ces animaux aiguillon-. nés pouffoient des cris qui formoient une harmonie dont la nouveauté devoit faire le plus grand mérite, & qui ne laiffa pas de donner du plaifir au Roi.

25. Kiuperli-Nuuman, qui fut Grand-Vifir en 1710, avoit contracté une phantaifie qui tenoit de la folie. Il croyoit avoir toujours une mouche fur le nez. Il la chaffoit de la main; & pour le moment elle s'envoloit; & au même moment elle y revenoit de même. Les plus fameux médecins furent confultés. Ils furent employés auffi, fans pouvoir déraciner cette mouche imaginaire. Il n'y eut qu'un médecin François, nommé

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Le Duc, qui eut l'honneur de cette cure. Auffi ne s'y prit-il pas comme les autres, & n'alla point raisonner doctement avec le Vifir, pour le convaincre qu'il n'y avoit rien de ce qu'il croyoit. Au contraire, la premiere fois qu'il fut introduit chez lui, il fe récria, en appercevant Nuuman, fur la grandeur & la groffeur de cette mouche importune, qui venoit impudemmentfiéger fur le nez du Vifir; & par-là il gagna fa confiance. Il lui ordonna d'abord des juleps & d'autres potions innocentes, fous prétexte de le purger. Enfin, un beau jour, il fe mit en devoir de lui couper fa mouche. Il tire fon petit couteau, & le lui paffe légèrement fur le nez. Après cette feinte opération, il lui montre une mouche morte, qu'il tenoit à deffein cachée dans fa main. Kiuperli s'écrie auffi-tôt, que c'étoit la mouche même qui le tourmentoit depuis fi long-tems; &, par cette adreffe, fa phantaifie fe guérit parfaitement.

26. On pilloit la maifon d'un riche négociant. Un pauvre Arabe ayant mis la main fur un fac plein d'or; &, craignant que les gens attroupés dans la maison & dans la rue ne lui enlevaffent fa proie, il s'avifa de le jetter dans une des marmites qui étoient auprès du feu dans la cuifine; enfuite, ayant mis la marmite fur fa tête, il fe retira en grande diligence. Ceux qui le virent rirent beaucoup de ce qu'il s'étoit arrêté à une marmite pleine de viande, pendant que tous les autres emportoient des chofes plus précieuses. Le pauvre continuoit fon chemin fans s'arrêter, & leur difoit : « J'ai pris ce » qui eft préfentement le plus nécessaire à ma fa"mille; & il paffa, de cette maniere, fans perdre fon butin.

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27. Un voyageur ayant fait bonne chère dans un cabare l'hôte lui demanda fon payement. « Eh! mon » patr n, je n'ai pas le fou, dit le paffager; mais, fi » vous voulez, je vous payerai, en vous chantant les » plus olies chanfons du monde. --- Ce n'eft point cela, » Monfieur; c'eft de l'argent qu'il me faut Mais fi »j'en ch ante une qui vous plaife, ne la prendrez-vous » pas pour argent comptant? A la bonne heure! » mais je crois que vous re réuffirez guères. --Voyons."

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Auffi-tôt le nouvel Orphée fait entendre une voix mélodieufe; mais fes doux accens, comme on le penfe, ne flatent point l'auditeur. Enfin, après avoir inutilement épuisé fa verve chanfonniere, il met la main à la bourfe, & feint de la délier. « Oh! pour le coup, dit-il, » je vais vous en chanter une qui fera de votre goût. » A ces mots, il entonne celle qu'on appelle en Italie la Chanfon du Voyageur: « Mettez la main à la bourse, " & payez l'hôte de céans. Eh bien ! n'eft-elle » dites-moi? Vous plaît-elle enfin, celle-là? » je l'avoue. Vous voilà donc payé? Adieu, notre » hôte; au revoir. »

"

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pas bonne,

Oui,

28. Deux bourgeoifes, qui fe piquoient de noblesse; s'appelloient toutes deux Colin, fans être parentes. L'une dit à l'autre : « Au moins, Madame, vous ne » descendez pas des bons Colins, comme moi. » Celleci lui répondit avec vivacité : « C'est vous, Madame, » qui defcendez des faux Colins; pour moi, je fuis de » la bonne roche. » Enfin, après bien des difputes fort vives, elles convinrent de prendre pour juge un célèbre avocat qui connoiffoit parfaitement leur famille. Cet arbitre fut fort embarrassé. Il ne vouloit fâcher ni l'une ni l'autre, ni entretenir la folie d'aucune. Un tour ingénieux le tira d'affaire. « Mefdames, leur dit-il, voici » le moyen de vous accommoder. Il y a deux Colins » auffi anciens l'un que l'autre ; Colin-Maillard, & » Colin-Tampon. Que l'une de vous deux fe faffe def» cendre de Colin-Maillard : l'autre reconnoîtra Colin» Tampon; & vos deux familles feront également an » ciennes. »

29. Un Gafcon qui ne fçavoit où aller dîner, apprit qu'un bourgeois marioit fa fille, & la dotoit de cent mille livres. Il s'avifa, le jour où l'on donnoit le repas du contrat, d'aller, à l'heure du dîner, demander ce bourgeois qu'il ne connoiffoit pas, & de lui dire : « Mon» fieur, j'ai une proposition à vous faire, qui vous vau» dra cinquante mille livres; mais il faut du tems pour » vous l'expliquer. » Le bourgeois lui dit : « Nous allons » dîner; vous ferez des nôtres. Après le repas je vous don y nerai audience. » C'est ce que demandoit le Gafcon.

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