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dangers? de l'évangile, ou de l'épître qui m'indiquait ce sujet, je passais aux psaumes X, XXX, LXX, Xc, etc, par ce moyen je récréais l'imagination, j'excitais la curiosité, je nourrissais la piété.

Prévenu de cette juste réflexion qu'un prédicateur ordinairement n'est chargé de porter la parole qu'en certains temps, certains lieux, à certaines personnes, et qu'au contraire l'Esprit-Saint dans la Bible instruit tous les hommes, de tous les temps, de tous lieux et de toutes les conditions. J'ai observé d'écrire, et ce qu'en effet le texte m'autorisait à écrire, et ce qu'un orateur pourrait dire ailleurs utilement, mais en convenant avec moi-même d'écarter de mon discours les endroits concernant des auditeurs que je n'étais point dans le cas d'avoir, comme sout les rois, les reines, etc., etc. Il est peu, ou

il n'est point de personnes dont un prédica teur n'ait occasion de parler; s'ensuit-il delà qu'il ait aussi occasion de parler à toutes, de les instruire toutes? La conséquence serait évidemment fausse. Une autre plus vraie et qui suit de ces trois observations, c'est qu'un prédicateur abrége beaucoup quand il retranche de son instruction tout ce qu'il peut en retrancher, sans rien rabattre de ce qu'exigent indispensablement les preuves, les portraits, le détail, etc.

Ce que je dis d'un prédicateur, je le dis aussi d'un écrivain; il abrége beaucoup quand il évite les répétitions. De là la brièveté de cette Préface dont le lecteur trouvera le supplément dans nos Homélies. (tom. I, disc. prélim.; tom. IV, disc. sur l'homme; tom. XIV, pag. 525), s'il se donne la peine de l'y chercher.

EXPLICATION

LITTÉRALE, DOGMATIQUE ET MORALE

DE LA GENÈSE.

CITÉ

DE DIEU (7)

PREMIÈRE INSTRUCTION.

BONHEUR DES PREMIERS HABITANTS DE LA CITÉ de Dieu.

Omnis scriba doctus in regno cœlorum... profert de thesauro suo nova et vetera.

Tout docteur bien instruit de ce qui regarde le royaume des cieux... lire de son trésor des choses nouvelles et anciennes, et il les distribue à ses disciples dans le besoin. (Matth. xin, 52.)

Sans nous flatter d'être du nombre de ces docteurs qui possèdent toute la science qui

(7) Ceux qui ont un peu lu les ouvrages de saint Augustin ne regarderont point comme étrangère à la chaire évangélique, cette idée de Cité de Dieu. Ce Père a composé un traité divisé en vingt-deux livres, intitulé de ce beau nom; c'est le plus riche, le plus savant de tous ses ouvrages; il y fait l'apologie du christianisme, sur lequel les païens rejetaient tons les malheurs de l'empire; il exécute ce dessein en montrant que les biens et les maux de la vie présente ne décident pas de la vérité ou de la fausseté de la religion de ceux, ou qui jouissent de ces biens, ou qui souffrent ces maux; il y fait l'histoire de la cité de Dieu, et celle de la cité de Babylone; il commence l'une et l'autre à Adam; il les suit jusqu'à son temps, et même jusqu'à celui du jugement dernier; il indique les principes d'où sortent ces cités opposées; ce sont deux amours opposés selon le saint; l'amour de Dieu jusqu'au mépris du monde, est celui qui bâtit la cité de Dieu, et l'amour du monde jusqu'au mépris de Dieu, est celui qui

concerne le royaume des cieux; sans croire que nous nous soyons amassé un trésor bien abondant, des richesses immenses qui se trouvent dans les deux Testaments; sans vouloir assurer que nous vous ayons toujours communiqué ce trésor selon vos besoins, nous pouvons au moins nous rendre ce témoignage, que nous n'avons jamais perdu de vue la méthode dont parle Jésus-Christ dans la manière de vous instruire.

Elle exige d'un bon pasteur qu'il com

båtit la cité de Babylone. Ce sont les paroles de saint Augustin dans son ouvrage de la Cité de Dieu.

Ailleurs il dit: Hi duo amores quorum alter sanctus est, alter immundus... distinxerunt conditas in genere humano civitates duas, sub admirabili et ineffabili providentia Dei cuncta... ordinantis alteram justorum, alteram iniquorum. Quorum etiam quadam temporali commistione peragitur sæculum, donec ultimo judicio separentur.» (De Gen. ad litt., cap. 11, n. 15.)

Il dit encore dans ses Confessions (c. 12, n. 15): Il y a une sagesse qui a été créée avant toutes choses, savoir ces esprits et ces intelligences célestes qui composent la cité sainte du Seigneur, cette cité qui est notre mère et qui est éternelle dans les cieux; mais dans quels cieux? sinon dans ce ciel des cieux qui vous loue, mon Dieu! et qui vous appartient; dans ce ciel en comparaison duquel celui que nous voyons n'est que terre.

Comme il y a, dit-il encore (De civit.,lib. x1, c.13),

mence par communiquer ses connaissances sur le Nouveau Testament: Profert de thesauro suo nova, et nous vous avons communiqué les nô'res sur tous les livres de ce Testament depuis le premier jusqu'au dernier pendant les années précédentes. Elle exige d'un pasteur zélé qu'il instruise ensuite sur l'Ancien et qu'il montre l'accord des figures avec les vérités, des prophéties avec les événements, et c'est ce que nous nous proposons de faire au moins dans les saints temps d'Avent et de Carême; si sur ce point nous nous écartons de l'usage aujourd'hui plus communément suivi dans les chaires chrétiennes; nous avons la consolation de penser que nous nous rapprochons de celui que suivirent les Origène, les Basile, les Grégoire de Nysse, les Chrysostome, les Ambroise, ces grands saints qui étaient remplis de l'esprit de Jésus-Christ. Qui mérite, autant que ces orateurs fameux, d'être imité dans le choix des sujets? La nouvelle carrière dans laquelle nous entrons est pénible; elle est longue, il est vrai, et peut-être finirons-nous celle de notre vie avant d'avoir couru celle que nous nous ouvrons; quoi qu'il en soit, après avoir recommandé notre entreprise aux justes de l'ancienne alliance surtout, après vous avoir invités à vous procurer, où la sainte Bible, ou du moins quelque abrégé de ce livre, j'en commence l'explication par ces paroles qui sont à la tête: Au commencement (8), Dieu (9) créa le ciel et la terre. Je prends pour sujet principal de mon discours le bonheur de nos premiers parents dans l'état d'innocence; je m'y propose de bâtir la cité de Dieu au milieu de vous, en fortifiant les justes, et de détruire la cité de Babylone en y convertissant les pécheurs. 'Tenons fermé le Livre de la Genèse; ouvrons les uns après les autres, tous ceux que nous ont laissés les écrivains profanes et modernes; ceux d'Egypte, ceux de Chaldée, ceux des Grecs, ceux des Romains, et tout récemment ceux de notre France (10), que saurons-nous après les avoir lus avec la constance qu'exige leur grand nombre

pour les anges une cité de Dieu, il y a aussi une cité de Babylone. Les habitants de celle-ci sont ces esprits superbes qui ont acquiescé à cette pensée de Lucifer : Je serai semblable au Très-Haut, et les habitants de celle-là sont ces esprits humbles qui ont crié avec saint Michel: Quis ut Deus? qui est comme Dieu? qui est semblable à Dieu ? qui peut subsister sans lui? qui a quelque chose qu'il n'ait reçu de lui. Reconnaissons ces deux sociétés d'anges tout opposées, l'une qui est bonne et l'autre qui est mauvaise; une brûlante du pur amour, l'autre, etc. Illam luminosa pietate tranquillam, isiam tenebrosis cupiditatibus turbulentam, etc.

(8) La plupart des Pères entendent par ces paroles: In principio: le Fils de Dieu, in Verbo tuo, in Filio tuo, etc., dit saint Augustin au livre 11 de ses Confessions.

(9) Voy. dans la Préface la réponse à Voltaire

sur ce mot.

(10) J'entends Buffon, dont le système des époques a été si ingénieusement inventé, si puissamment combattu avec les armes de la religion et même de la raison.

et leur extrême profondeur? que sauronsnous? par exemple sur cette question dont il nous importe tant d'avoir la solution : Depuis quand environ, cet univers existe-t-il? peut-être dirons-nous, en imitant le faste et l'ignorance de ces écrivains, peut-être dirons-nous avec les uns, qu'il existe depuis 36,605 ans, environ (11); ou avec les autres, qu'il est depuis 76,000 ans (12); ou avec d'autres encore (ce qui annonce une bien plus haute antiquité) nous dirons qu'il était il y a 302,000 ans et au delà (13); ou enfin ce qui n'est plus seulement faux, mais absurde, peut-être dirons-nous qu'il est éternel (14): l'éternité convient-elle à des êtres caducs et périssables? à des êtres qui ont pu exister ou ne pas exister?

Fermons au contraire tous ces livres dont les auteurs ont erré sans boussole, au gré de leur imagination, ou de leur orgueil, et ouvrons celui de la Bible; prenons-en les âges divers, remontons du cinquième au quatrième, et de ce quatrième jusqu'au premier, quelle différence nous mettrons entre celuici et ceux-là: c'est alors que nous nous écrierons avec le Roi-Prophète De quoi, ô mon Dieu, ces prétendus sages, ces méchants nous entretiennent-ils, sinon de fables destituées de toute vérité et de toute vraisemblance: Narraverunt mihi iniqui fabulationes? (Psal. CXVIII, 85.) Alors remoniant du siècle où nous sommes à celui qui a commencé le sixième âge du monde, puis de ce sixième âge au premier; alors prenant les époques de chacun de ces âges et suivant l'ère chrétienne vulgaire (15), nous trouverons (16) que cet univers existe depuis six mille ans environ, et nous pourrons dire avec confiance qu'au commencement de ces six mille ans qui courent, Dieu créa le ciel et la terre, qu'il les tira du néant par la force de sa parole, qu'il leur donna alors l'existence qu'il leur conserve encore aujourd'hui : In principio creavit Deus cœlum et terram.

Lorsqu'une fois nous aurons ouvert le volume sacré, ne le fermons plus que nous ne l'ayons lu, médité, approfondi, autant que

(11) C'est la chronologie des Egyptiens. (12) C'est celle de Buffon.

13) C'est celle des Chaldéens, qui selon d'autres, porte 370,000; selon d'autres 720,000.

(14) Non-seulement l'auteur des questions sur l'Encyclopédie l'assure, mais il cite pour lui saint Thomas dans ses Sermons de la foi catholique, liv. 11, au ch. 32, 37, et il y a maladresse de prendre ces objections pour des réponses. N'est-ce qu'ignorance? n'est-ce pas mauvaise foi?

(15) Suivant cette ère on compte 4,156 ans avant Jésus-Christ.

(16) En suivant la Vulgate et l'hébreu, car la chronologie des LXX fait le monde plus ancien de 1450; de 600 ans avant le déluge; de 850 depuis le déluge jusqu'à Abraham. Le P. Petau avoue qu'on ne peut connaître que par conjectures, les années qui se sont écoulées depuis le commencement du monde jusqu'à l'ère chrétienne, parce que l'Ecriture qui est le seul endroit d'où on, puisse tirer avec certitude cette connaissance, ne marque pas exactement les temps.

la grâce nous en aura rendus capables. Que de nouvelles découvertes nous ferons, à proportion que nous avancerons dans cette étude! Nous saurons d'où nous venons, et quelle est notre première origine; où nous allons et quelle est notre fin dernière; ce que nous étions d'abord, par la bonté de Dieu, et ce que nous sommes devenus par notre faute. Nous apercevrons deux cités qui, dès les premiers temps, s'élèvent l'une à côté de l'autre ; celle que nous nommons la cité de Dieu, parce qu'elle a Dieu pour architecte, et les justes pour habitants; celle que nous appelons la cité de Babylone, parce qu'elle a pour fondateur le prince de ce monde figuré par Babylone, et pour habitants tous ces méchants dont les impies Babyloniens étaient les images. Nous verrons qu'à peine le Seigneur a eu commencé sa cité, que Satan a travaillé à la renverser, pour établir la sienne sur ses ruines. Nous verrons que comme le Seigneur élève et fait subsister sa cité dans la postérité de Seth, de même Satan élève et fait subsister la sienne dans la postérité de Caïn. Nous observerons, non sans peine, que les habitants de la dernière prévalent sur ceux de la première; qu'ils les subjugent, qu'ils les corrompent tellement, qu'au bout de seize siècles, la cité de Dieu est réduite à une seule famille de justes.

N'allons pas plus loin. A ces idées générales, substituons-en de particulières, et pour nous occuper de celles qui tiennent la première place dans les Livres saints, admirons d'abord le grand bonheur des premiers habitants de la cité de Dieu; entretenons

(17) Sur la différence de la Vulgate et des Septante, voici la sage réflexion de Duguet. Dans l'impuissance où nous sommes de concilier les calculs aussi différents que ceux du texte hébreu ou de la Vulgate, et des Septante, et l'affectation d'ajouter ou de retrancher étant manifeste, il me paraît plus équitable de rejeter l'addition sur les Septante, et de regarder l'hébreu comme pur et sincère, l'originalˇméritant d'être préféré, dans le doute, aux copies dont il est la source et qui, lorsque les soupçons sont égaux, ne peuvent se défendre, comme lui, par la seule antiquité. C'est la règle que saint Jérôme et saint Augustin nous proposent, et qui est fondée sur l'équité naturelle. L'un et l'autre ne peuvent être vrais, dit le dernier, il faut plutôt s'en rapporter à la langue orientale, sur laquelle les versions ont été faites.

Dieu a permis la différence de l'hébreu et des Septante pour nous apprendre qu'il n'importe point de savoir à quels moments précis le déluge, la construction de la tour de Babel, etc., sont arrivés et que ceux qui ne s'occupent que de ces épines, ne cherchent dans l'Ecriture que ce qu'elle regarde comme très-peu nécessaire.

(18) Notre raison, dit saint Augustin, conciliant l'immutabilité de Dieu avec la création (Conf., lib. xi, c. 15), elle doit être persuadée que Dieu a eu de toute éternité la volonté de créer le monde, mais que le changement qui est arrivé alors étant tombé sur la créature seule qui a passé du nonêtre à l'être, la volonté du Créateur est demeurée toujours immuable: Seigneur! ajoute-t-il, vous êtes avant tous les temps, et vous êtes toujours le même; rien ne se change dans le monde que par vous, et

:

nous (17) 1o des biens extérieurs que Dien leur prépara, chacun des cinq jours qui précédèrent celui de leur création; 2° des biens intérieurs dont il les enrichit au moment même de leur création de ces deux considérations naîtra la connaissance de Dieu, de sa puissance, de sa sagesse, de sa bonté (18). De cette connaissance naîtront ensuite en vous les sentiments d'adoration, d'admiration, de reconnaissance, d'amour; ceux par conséquent que j'ai à cœur de vous inspirer dans ce discours. A parler humainement, quelle haute idée ne vous formeriez-vous pas d'un prince à qui, avant sa naissance, on préparerait des palais, des meubles, des appartements, des jardins semblables à ceux de Salomon, pour la richesse, la rareté, l'élégance et la magnificence? Ne diriez-vous pas les uns aux autres, dans l'étonnement: Quel pensez-vous que sera cet enfant ? Eh! qu'eussiez vous donc dit du bonheur futur d'Adam, si vous eussiez existé avant lui, et si vous eussiez assisté à la production des ouvrages que son Créateur fit les cinq premiers jours du monde, pour lui préparer une demeure digne de lui?

Le premier jour (19) il dit (20), et les temps commencèrent; il dit, et le néant obéit; il dit, et de rien il créa ce ciel qui couvre ma tête, cette terre qui est l'escabeau de mes pieds. Quel potentat qui commence par un chef-d'œuvre de cette nature! Quelle puissance de cet être à qui un si grand ouvrage ne coûte qu'une parole, qu'un acte de sa volonté non, elle n'est rien moins qu'infinie; elle franchit un espace infini, celui qui est entre l'être et le non-être.

rien ne se change en vous. Que celui qui entend ces choses vous loue, ô mon Dicu! et que celui qui ne les entend pas, vous loue encore, et qu'il aime mieux une ignorance humble qui éclaire sa volonté, et qui l'approche de vous, qu'une science présomptueuse qui lui obscurcirait le cœur, et l'éloignerait

de vous.

(19) Ut ingressuro in civitatem aliquam rege, opere pretium est præmittere satellites aliosque omnes ut bene adornatis palatiis rex honestius ibi agat, ita quasi regem... rebus terrenis præfecturus, prius omnem hunc ornatum fabricavit et tandem præficiendum hominem formavit. (S. CHRYSOST., hom. 8 in Gen.)

(20) On demande, dit saint Augustin (Confes., lib. xi, c. 12), ce que faisait Dieu avant qu'il créât le ciel et la terre. A quoi je ne réponds pas, ajoute-t-il, ce qu'on rapporte que répondit assez adroitement une certaine personne: Dieu, dit-elle, préparait avant le monde des supplices à ceux qui feraient des questions trop curieuses: car je n'aime point une réponse par laquelle on se moque de celui qui a proposé une question très-difficile, ou on loue celui qui a répondu une chose fausse. Et pour moi j'aimerais beaucoup mieux avouer mon ignorance sur ce point, que de dire contre la vérité que Dieu se préparait alors à punir ceux qui feraient de semblables questions, puisqu'on peut le faire innocemment et utilement, pour s'instruire de ce qu'on ne sait pas, et pour louer Dieu de ce qu'on peut apprendre... Il est aisé de répondre qu'avant le monde Dieu était en lui-même;il jouissait de lui-même;il n'avait pas plus besoin de toutes les créatures avant de les faire, qu'il n'en eut besoin quand il les eut faites

Mais comment admirerais-je cette puissance, si je n'en voyais les effets? comment verrais-je ces effets, sans le secours de la lumière? C'est pour nous le procurer que Dieu dit le premier jour : Que la lumière soit faite (21), « Fiat lux. » A ces mots, elle sortit des ténèbres, comme le ciel et la terre étaient sortis du néant: et la lumière fut faite, dit l'historien sacré, parlant de cette étonnante production et de toutes les autres des six jours, comme s'il racontait les plus ordinaires et les plus faciles. Quelle sublime simplicité! mais ce n'est point le style, ce sont les paroles mêmes de Moïse, qui doivent 'occuper.

Dieu, continue-t-il, vit que cette lumière était bonne, et il sépara la lumière des ténèbres, en ordonnant d'abord à la lumière de succéder aux ténèbres, afin que pendant qu'elle luirait, l'homme pût vaquer à ses affaires et pourvoir à ses besoins, en ordonnant ensuite aux ténèbres de succéder à la Jumière, afin, dit saint Chrysostome (lib. II De confess.) que l'homme enveloppé de leurs sombres voiles s'assoupit plus facilement, et qu'il dormit plus tranquillement. C'est ainsi que l'attention du Créateur au besoin ae sa créature, s'étend jusqu'à l'heure du repos. Oh! le bon père, qui pourvoit de la sorte aux nécessités de ses enfants ! Il donna à la lumière le nom de jour, et aux ténèbres le nom de nuit; et du soir et du matin se fit le premier jour. C'est ce que Moïse nous dit des biens préparés, ce jour, aux habitants futurs de la cité de Dieu.

Le second jour Dieu fit le firmament, et il sépara les eaux qui étaient sous le firmament, de celles qui étaient au-dessus du firmament, c'est-à-dire qu'il divisa les eaux en deux parties, que les eaux s'élevèrent audessus du firmament, au-dessus de cet espace qui commence de la surface de la terre, et qui se termine à la dernière des étoiles fixes, attendant là les ordres du Seigneur, et se tenant toujours prêtes pour exécuter ses vengeances sur la tête des coupables mortels. Voilà l'ouvrage du second jour, en considération des citoyens de la ville sainte.

Le troisième jour Dieu dit : Que les eaux qui sont sous le ciel se rassemblent en un seul lieu, et que l'élément aride paraisse et cela se fit ainsi, d'une seule parole. A ce tonnerre effroyable, ces eaux effrayées se rassemblent avec empressement, elles s'entassent, elles se roulent les unes sur les autres avec impétuosité, elles vont avec précipitation remplir les grands réservoirs qui leur sont préparés autour de la terre et en ses diverses sinuosités; alors je vois les montagnes qui s'élèvent, les collines qui s'abaissent, les campagnes qui s'étendent, tout l'aride qui paraît; et je m'écrie avec le Prophète : O

(21) Le lecteur qui a ma Doctrine chrétienne s'apercevra facilement que ce discours n'est qu'un abrégé des 4, 5, 6 et 7 instructions sur le Symbole.

(22) Il y a plusieurs opinions sur la nature de cette lumière; on l'entend des anges, des astres, d'un

Dieu! que vos œuvres sont grandes! que vos desseins sont profonds! « Quam magnificata sunt opera tua! nimis profundæ factæ sunt cogitationes tuæ.» (Psal. xci, 6.)

Une autre merveille opérée le même jour, est ce tapis si large, si long et d'un tissu si délicat, dont Dieu couvrit la face de la terre lorsque les eaux l'eurent abandonné: ce troisième jour, Dieu dit: Que la terre produise de l'herbe verte portant sa graine, et la terre en produisit; sans délai elle vit sa surface diversifiée de prairies riantes et de riches vallons; ornée du lis blanc, de la violette pourprée et de la rose éclatante; pourvue d'herbes utiles ayant chacune so figure, son usage, ses propriétés et ses sucs nourriciers, qui montaient sans le secours des causes secondes telles que sont la pluie, le soleil et la culture. Quelle attention du Créateur à prévenir l'ingratitude de l'homme toujours porté à attribuer la fertilité de la terre à ses soins et à l'aide des saisons!

Mais, encore, quelle bonté ne nous marque-t-il pas en disant: Que la terre produise une herbe verte? Cette couleur est la plus douce et la plus amie de l'œil; elle le délasse au lieu de le tendre; elle le soutient, au lieu de l'épuiser; c'en est assez pour qu'elle soit choisie et préférée au blanc et au rouge qui ont trop de vivacité; au violet et au bleu qui n'en ont pas assez. Qui ne voit en cela la bonté d'un Dieu préparant des délices presque continuelles à l'habitant des campagnes?

Une troisième merveille qu'il opéra le troisième jour, est la création des arbres. Il dit: Que la terre produise des arbres fruitiers qui portent du fruit, chacun selon son espèce, et qui renferment leur semence, pour se reproduire sur la terre, el cela se fit ainsi. A ces mots vous eussiez vu un verger immense paraître tout à coup sur la surface de la terre; ici des cyprès et des cèdres couvrir la cime des montagnes; là, des ormeaux offrir leur ombre aux voyageurs, si dès lors il en eût existé; portant des arbres chargés de fruits excellents, renfermant leur semence, et possédant en elle cette espèce d'immortalité dont nos yeux nous assurent: vous avez ouvert votre main, Seigneur! et vous avez rempli la terre de biens et de richesses; vous nous avez préparé une table magnifiquement servie, en ordonnant à la terre de produire ce qui pouvait contribuer à nos délices.

Après avoir enrichi la terre de ces arbres et de ces fleurs, dont la beauté surpasse celle de Salomon dans toute sa gloire, il fallait orner le dôme de cette demeure de l'homme futur, et ce que Dieu fit le quatrième jour. Ce jour, il fit deux grands corps lumineux; l'un plus grand, pour présider au jour, et l'autre moindre (22), pour présider à la nuit. Il fit aussi ces étoiles, qui ne nous paraissent

corps lumineux qui a tenu la place des astres pendant trois jours. Le concile de Latran a défini que les anges avaient été créés en même temps que le monde. Parlant d'eux, Hugues de Saint-Victor dit : Sicut primo die Deus divisit lucem a tenebris, ita tunc simul angelos a dæmonibus... dispescuit.

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que des points, et qui cependant sont autant de corps d'un diamètre beaucoup plus grand que n'est celui du soleil. Si cela est, comme nous ne pouvons en douter, d'après le témoignage constant des astronomes les plus habiles, qu'elle est donc leur distance intinie de notre globe! on conjecture que celle de toutes les étoiles fixes la plus proche de nous en est éloignée de 27,664 fois plus que le soleil; par conséquent qu'elle est distante de la terre de neuf cent douze milliards neuf cents millions de lieues (23). Si tel est l'espace qui nous sépare de l'étoile la plus voisine de notre globe, quel est celui qui nous sépare de la dernière, qui en a avant elle peut-être plus d'un million? combien ici de millions, de milliards de lieues à compter! Les nombres ne suffisent plus; l'imagination se perd dans cette élévation (24). Cependant cet intervalle qui règne entre ce temple et la plus haute des étoiles, est rempli de la substance divine. Ah! qu'il est donc grand! qu'il est immensece Dieu qui est tout entier dans ces espaces immenses! Ubique totus (25).

Et toi, homme! comprends-tu ce que dit un prophète, que toutes les nations ne sont devant lui que comme une goutte d'eau? (Isa. XL.15) Eh! si cette terre que tu habites n'estellemême qu'un atome imperceptible en comparaison des astres, qu'es-tu donc de plus que le néant? que sont tes terres et les fonds? rendre et poussière! Abats ta face devant cet Etre immense, et confesse qu'il n'y a, pour cette majesté suprême, qu'honneur et que gloire, et pour toi que honte et confusion.

Le cinquième jour, Dieu dit: Que les eaux produisent des animaux vivants qui nagent dans les eaux (26), et ces mots sont à peine prononcés que, du sein stérile des eaux, je vois sortir des peuples innombrables de reptiles qui, sans pieds, sans mains, se jouent dans les eaux, qu'ils fendent avec une vitesse presque incroyable. Quelle vertu ! quelle fécondité d'une parole qui a peuplé les mers et qui, jusqu'à ce jour, en a conservé les habitants, nonobstant la guerre constante et opiniâtre qu'ils se font les uns aux autres. L'événement seul suffirait pour prouver que ces reptiles sont faits pour l'homme; car, que verriez-vous, en certaines saisons, si vous étiez placés ou sur les rives de la mer, ou à l'embouchure des grands fleuves? vous

(23) Lorsqu'ici les incrédules objectent que la lune n'est point un corps lumineux, que Moïse est sur cet objet aussi mauvais physicien que l'auteur de l'Ecclésiaste, qui dit que le soleil se lève, etc., nous leur répondons que les auteurs sacrés en traitant des choses naturelles, ont dû parler le langage commun du genre humain : le langage entendu de tous les hommes, et que tel est celui dont Moïse et Salomon se sont servis, celui dont nos philosophistes mêmes se servent tous en nous contredi

sant.

(24) Les milliers se comptent ici pour rien.

(25) Selon Huyghens, un des plus habiles astronomes du dernier siècle, un boulet parcourant 4,320 lienes en un jour, mettrait sept cent (moins neuf) mille ans pour arriver à l'étoile fixe la plus près de nous.

verriez certains poissons se présenter à la main du pêcheur lorsqu'ils peuvent servir à nos usages: vous en verriez d'autres remonter le long des fleuves jusqu'à nous, et nous dire que si l'Océan est riche c'est pour nous; verriez-vous ce spectacle sans être touché de reconnaissance envers le bienfaiteur qui vous le procure?

Le même jour et du même sein où les poissons avaient été créés, sortirent encore des volatiles sans nombre, les uns ne s'éloignant pas de la terre, les autres prenant leur vol dans les airs; les uns restant avec les hommes et les autres s'enfuyant dans les forêts les plus sombres; les uns aimant la lumière et les autres préférant les ténèbres, tous devenant pour l'homme autant de sujets de réflexions morales et utiles au salut (27).

Si nous suivons l'opinion de plusieurs interprètes, le cinquième jour (28) Dieu dit à la terre: Que la terre produise des animaux vivants chacun selon son espèce, les animaux domestiques, les reptiles et les bêtes sauvages de la terre, selon leurs différentes espèces, et cela se fit ainsi. La terre produisit des animaux domestiques, c'est-à-dire des animaux destinés à nourrir l'homme, à le vêtir, à le garder, à le soulager dans ses travaux, à lui obéir. A cette première espèce d'animaux le Seigneur en ajouta une seconde et une troisième, celle des reptiles dont les uns vont en s'allongeant et se raccourcissant et les autres en se glissant; celle des animaux sauvages qui habitent dans les solitudes et qui se nourrissent, les uns d'herbes et de grains, comme le paisible cerf, les autres de sang et de carnage, comme le cruel lion; et après les avoir créés, il leur répéta ce qu'il avait dit aux poissons et aux animaux en ces termes: Croissez et multipliezvous; remplissez les eaux de la mer et que les oiseaux se multiplient aussi sur la

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