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mais la prévention ne les a point aveuglés ; ils sont disposés à écouter la justification de leurs frères, et ils souhaitent sincèrement de les trouver innocents; enfin l'horreur qu'ils ont du schisme, et l'amour qu'ils ont pour leurs compagnons d'armes vont si loin, qu'oubliant leurs intérêts, ils offrent de les recevoir au milieu de leurs partages, et sont prêts de se dépouiller en leur faveur d'une partie de leurs terres, plutôt que de les voir sortir de la synagogue.

De leur côté les deux tribus et demie persuadées de la pureté du zèle des autres, ne 'offensent point de leurs reproches, elles s'en justifient sans aigreur, et tout se termine à la paix, parce que d'une part on ne désirait point de trouver des coupables, et que de l'autre on était disposé à s'expliquer de bonne foi et avec modération. Que d'hérésies et de schismes auraient été étouffés dans leur naissance, si l'on eût procédé avec eette simplicité et cette charité! mais l'orgueil, l'intérêt, l'esprit de parti, le désir de dominer, l'attachement à son propre sens, la honte de revenir sur ses pas, le refus d'écarter ce qui aplanirait les difficultés, seront dans tous les temps des semences de discorde entre les frères, et des obstacles à la paix, comme l'exemple des douze tribus dans l'occasion dont nous parlons, sera toujours un exemple de zèle, d'équité, d'attachement à l'unité, et une preuve des secours spirituels que procure la communion des saints, l'union étroite des justes avec les justes. Il résulte de cette union, que les uns craignent pour les autres, et que si ceux-ci tombent, ils sont aussitôt relevés par ceux-là. N'est-il donc pas important d'en conserver le lien? de vous attacher par choix à la religion qui forme ce lien?

Pour engager les Israélites à choisir celle de Moïse, Josué leur rappelait les miracles de toute-puissance opérés en leur faveur en Egypte, au désert, dans la terre promise et ses environs; et moi, mes frères, pour vous engager à choisir celle de Jésus-Christ, je Vous rappellerai en peu de mots les miracles de bonté dont ces premiers étaient la figure; je vous dirai Souvenez-vous que vos pères ont servi les dieux étrangers, et que vous les suivriez vous-mêmes, si le Seigneur n'avait fait pour vous gratuitement, ce qu'il a fait gratuitement pour Abraham. Vous avez été tirés de la captivité du péché; vous avez été baptisés dans le sang de Jésus-Christ figuré par la mer Rouge; vous avez été introduits dans l'Eglise, nourris du pain des anges dans le désert de ce monde, sans l'avoir mérité tant de grâces que je nomme, et tant d'autres que je ne nomme pas, ne vous Jécident-elles pas pour la religion de JésusChrist contre toute autre? Faut-il y ajouer les menaces des châtiments préparés à ux qui négligent les grâces et les promesses du Seigneur? Ecoutez-les donc un inslant.

Si vous abandonnez le Seigneur, et si vous servez des dieux étrangers, il se tournera contrevous; il vous affligera et vous ruinera après

tous les biens qu'il vous a faits; vos ennemis, bien loin qu'ils vous exterminent, deviendront à votre égard, comme un filet, comme des pointes qui vous perceront les côtés, et comme des épines dans vos yeux, jusqu'à ce qu'il vous enlève et vous chasse de cette terre excellente qu'il vous a donnée, de cette terre d'où coulent le lait et le miel; de cette terre où coulent le lait de la grâce et le miel de sa douceur! quel malheur ne serait-ce pas pour vous, que ce dernier surtout? la crainte, la reconnaissance pour les biens que vous avez reçus, l'espérance des secours que vous pouvez attendre de cette société dont l'Evangile est le lien, ne sont-ce pas là des motifs assez forts pour vous engager à choisir la religion chrétienne et catholique en la préférant à tout autre?

Mais, que fais-je, en vous proposant des motifs pour embrasser notre sainte religion? vous parler comme si vous ne l'aviez pas encore optée, n'est-ce pas vous offenser? Divine religion! pouvons-nous trop nous féliciter de vous avoir choisie? pouvons-nous trop nous engager à vous suivre toujours? Les Israélites, si nous en exceptons peut-être un petit nombre, ne penchaient pas vers la révolte, lorsque Josué les asseinbla à Sichem. Cependant il semble supposer qu'ils balancent entre Dieu et les idoles. La raison de sa conduite se présente d'elle-même; c'est pour avoir lieu d'exiger d'eux de nouvelles protestations, et de les lier à Dieu par de nouveaux vœux. Pourquoi donc ne pourrais-je point, par un innocent artifice, fondé sur l'exemple de ces grands hommes, agir avec vous, comme si vous n'aviez pas encore ehoisi, afin de vous fixer pour toujours dans votre choix ?

Deux obstacles surtout pourraient nuire au dessein que vous en avez formé; l'un vient de la vraie, et l'autre de la fausse religion. Je m'explique: 1° La religion chrétienne et catholique a des côtés rebutants, qui peuvent être un obstacle à votre persévérance dans le choix que vous en avez fait. Ces côtés rebutants sont ses mystères et ses préceptes. Ce sont ses mystères qui alarment la raison. Ce sont ses préceptes qui désespèrent la nature paresseuse et délicate. Ce sont les mystères d'un Dieu en trois personnes, d'un Dieu devenu chair pour nous, d'un Dieu caché sous les dehors de notre humanité, d'un Dieu homme caché sous les apparences du pain et du vin, et tant d'autres que l'esprit numain ne peut comprendre. Ce sont les préceptes de marcher par la voie étroite, de renoncer à soi-même, de crucifier ses vices et ses concupiscences, et tant d'autres qui révoltent le cœur ami des plaisirs et des voluptés. C'est surtout par rapport à ces préceptes et à leurs difficultés, que le conducteur des Hébreux leur disait: Si vous croyez que ce soit pour vous un malheur de servir le Seigneur : « Sin malum vobis videtur ut Domino serviatis» cela se voit parce qu'il ajoute un peu après: Vous ne pourrez servir le Seigneur, si vous ne lui êtes très-fidèles, parce que c'est un Dieu saint, un Dieu jaloux,

et il ne vous pardonnera pas vos crimes et vos péchés. Voilà donc la vraie raison pour laquelle vous ne pourrez, ou plutôt pour laquelle peut-être vous ne voudrez bientôt plus servir le Seigneur, c'est qu'il est un Dieu saint, jaloux, sévère. C'est qu'il est un Dieu saint, et qu'il vous en coûterait trop pour être saint comme lui. C'est qu'il est un Dieu qui ne souffre aucun partage, qui ne s'accommode ni au temps, ni aux lieux, ni aux personnes, un Dieu qui réprouve tout ménagement; un Dieu jaloux, qui ne veut rien s'il n'a tout: Fortis æmulator est. Encore si après avoir suivi nos penchants, il était assez indulgent pour ne nous en point punir! mais il est un Dieu qui ne pardonne point: « Nec ignoscet sceleribus vestris atque peccatis. » C'est peut-être ce que vous serez tentés de dire, et ce qui sera un obstacle à votre constance dans la foi, à moins que nous ne le levions dès à présent..

Si la chose est difficile dans la pratique, elle est très-facile dans la théorie; il ne faut pour cela que proposer les questions suivantes: Dieu serait-il Dieu, s'il n'était incompréhensible? ne peut-il faire que ce que nous pouvons concevoir ? s'il ya des mystères dans la nature même, est-il surprenant qu'il y en ait dans la religion? Voilà la réponse aux diffcultés tirées des mystères. Le cœur de l'homme n'est-il point corrompu? ses passions n'ont-elles pas besoin de frein? les péchés qui en sortent, n'ont-ils pas besoin, d'être punis? Voilà la réponse aux difficultés tirées des préceptes de la religion: retenezles, l'une et l'autre ; elles suffisent pour lever l'obstacle qu'opposeront à votre persévérance les côtés rebutants de la religion chrétienne et catholique.

2° Tel d'entre vous, mes enfants, qui surmontera ce premier obstacle, ne surmontera peut-être pas le suivant, celui qu'opposent les côtés séduisants des fausses religions. Josué le craignait pour ses Israélites, et je le crains pour vous; Josué craignait pour ses Israélites qu'ils ne se décidassent un jour en faveur de l'idolâtrie, à raison 1o de son antiquité chez les Chaldéens, desquels descendaient Tharé, Nachor et Abrahani ; chez les Egyptiens qu'ils quittaient, et chez les Chananéens avec lesquels ils se trouvaient confondus; à raison 2° de ses principes et de ses exemples qui concouraient efficacement à nourrir les passions et à corrompre les mœurs: c'est par un effet de cette crainte qu'il leur disait: Choisissez aujourd'hui, voyez qui mérite la préférence et qui vous adorerez, ou les dieux auxquels ont servi vos pères dans la Mésopotamie, ou les dieux des Amorrhéens au pays desquels vous habitez, ou le Dieu d'Abrahain: seulement, avant de choisir, remarquez bien la toute-puissance de celui-ci et la faiblesse méprisable de ceux-là: c'est ce que disait Josué aux Israélites. Et moi, je crains pour vous qu'un jour vous ne vous décidiez pour ces nouvelles religions, dont les sectaires donnent une pleine et entière liberté (363) Ici et à la place de ce qui suit, les enfants peuvent réciter le Règlement de vie.

à leur esprit et à leur ceur; à leur esprit en ne croyant que ce qu'il leur plaît de croire, et à leur cœur en se livrant à ses inclinations corrompues. C'est par un effet de cette crainte que je vous répète: Choisissez aujourd'hui, voyez quel Dieu vous adorerez; si ce sera celui que se forgent les impies, ou si ce sera celui que reconnaissent les vrais fidèles. Il vous serait peut-être plus facile et plus commode d'en adorer un qui, loin de punir le vice et de récompenser la vertu, ne connaltrait ni l'un ni l'autre; mais qu'est-ce qui doit vous décider dans votre choix? est-ce la facilité de faire tout ee que vous voudrez? n'est-ce pas plutôt la certitude de la religion qui vous est proposée, ses caractères de divinité, ses avantages réels?

Pères et mères, j'attends ici votre réponse, tant pour vous-mêmes que pour vos enfants ne me dites-vous pas ce que Josué disait à tout le peuple pour le porter, par son exemple, à un choix juste et raisonnable: Pour ce qui est de moi et de ma maison, nous servirons le Seigneur: « Ego autem et domus mea serviemus Domino; » si cela est, si c'est cela que vous criez à vos enfants par vos exemples. encore plus que par vos paroles, bientôt ils. Vous répliqueront comme les Hébreux à Josué: A Dieu ne plaise que nous l'abandon nions jamais, et que nous servions l'orgueil, l'avarice et les autres dieux étrangers. C'est le Seigneur notre Dieu qui nous a tirés de la servitude du démon, qui nous a appelés à la lumière admirable de son Evangile, qui nons a admis à son banquet sacré en ce jour, c'est lui que nous servirons parce qu'il est notre Dieu, le nôtre particulièrement Serviemus. Domino, quia ipse est Dominus Deus noster. Est-il ici un pécheur qui, confondant sa voix. avec celle de la multitude, ne s'oblige par un vœu semblable à servir le Seigneur le reste de ses jours! Justes et pécheurs, jeunes et vieux, hommes et femmes, vous tous qui composez cette assemblée, ne prenez-vous pas le même engagement? ne renouvelezvous pas ici l'alliance que vous fites autrefois avec le Seigneur sur les fonts sacrés?

Instruisez-vous donc des devoirs qu'elle vous impose, et des avantages qu'elle vous procure (363); observez avec grande altention tout ce qui est écrit dans le livre de la loi, sans vous en détourner ni à droite ni à gauche; prenez garde de ne point vous mêler parmi les méchants qui se trouveront au milieu de vous; tandis que ceux-ci se rendront à la compagnie de leurs semblables, rendez-vous dans les assemblées des saints; ayez soin sur toutes choses d'aimer le Sei gneur votre Dieu; craignez-le, servez-le avec un cœur parfait et sincère; ôtez du milieu de vous les dieux étrangers, ôtez-en ces passions dont les objets sont comme autant d'idoles auxquelles les pécheurs sacrifient. S'il en est quelques-unes que vous ne puissiez tout à fait détruire, rendez les tributaires (364); devenez-en plus humbles, en voyant la faiblesse qui vous empêche de

(364) Cette pensée est empruntée de saint Grégoire le Grand qui dit: Dum inter acta sublimia,

vaincre un moindre ennemi; bumiliezvous dans les victoires que vous remportez sur de plus grands; cherchez à devenir les premiers en prenant pour vous les dernières places (365); tournez vos cœurs vers le Seigneur, le Dieu d'Israël, qui vous les demande sans partage.

Voilà les devoirs que Dieu vous impose, voici les promesses qu'il vous fait. A ces conditions, i combatira pour vous contre vos ennemis; il les exterminera; il vous mettra en possession de la terre qu'il vous a promise; il vous rendra souverainement, éternellement heureux; pour participer à ces promesses, ne vous soumettrez-vous pas de tout votre cœur aux conditions qui vous sont prescrites?

C'est donc vous-mêmes que je prends à témoin du choix que vous faites aujourd'hui du Seigneur et de sa religion: Testes vos estis quia et ipsi elegeritis vobis Dominum. J'ajoute et ces pierres que vous voyez, et

vitia quædam parva retinemus, quasi Chananæum vivere in terra nostra concedimus, qui tamen nobis tributarius efficitur, quia hoc ipsum vitium quod subigere non possumus, ad usum nostræ humilitatis retorquemus. › (Moral., lib. iv, c. 22.)

cette chaire d'où vous m'entendez, et ce temple où vous êtes assemblés, et tout ce qui vous environne ici, servira de monument et de témoignage, qu'il a entendu les paroles de votre alliance; il déposera contre vous, si vous en avez violé un seul article; il déposera pour vous, si vous les avez observés tous; pourriez-vous les observer parfaitement sans la grâce?

Mon Dieu! pénétrez-nous de notre impuissance à tout bien, tandis que votre main salutaire ne nous soutient pas; faites que nous ne comptions ni sur nos promesses, ni sur nos résolutions, mais sur vous seul, mon Dieu! et sur l'assistance de votre Esprit; faites qu'étant par nous-mêmes indignes de tout secours, nous obtenions par l'humble aveu de notre faiblesse, la force de vous aimer sans partage sur la terre, pour posséder en vous toute la plénitude de la joie dans le ciel, Amen.

(365) C'est, selon Origène, ce que nt entendre Josué aux Israélites, en prenant son partage le dernier, et en choisissant pour lui des montagnes el des précipices

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INSTRUCTION PREMIÈRE. DEVOIRS ET QUALITÉS DES JUGES (366). (Judic. 1-v.)

Cum Dominus judices suscitaret... fleetebatur misericordia... postquam autem mortuus esset judex, revertebantur.

Lorsque Dieu leur avait suscité des juges, il se laissait fléchir à sa miséricorde, mais après que le juge était mort, 'ils retombaient aussitôt dans leurs péchés. (Judic. 1, 18, 19.)

Si ce que l'Ecriture dit ailleurs (Eccli. XXXVIII, 1) est vrai, qu'il faut honorer le médecin à cause du besoin qu'on en a, combien donc les juges ne doivent-ils pas paraître honorables à nos yeux? ils sont les dieux de la terre. Deux fois celui du ciel leur donne ce nom auguste, une première fois par la bouche de Moïse, disant au peuple: Vous ne parlerez jamais mal des dieux, pas même lorsque vous croirez en avoir reçu quelque injustice. (Exod. xxII, 28.) Une seconde fois par la bouche de David, disant aux juges mêmes, pour élever leur âme, et humilier leur cœur Vous êtes des dieux, mais des dieux mortels comme le reste des hommes. (Psal. LXXXI, 6.) La raison pour laquelle ils sont ainsi nommés, c'est que le Seigneur leur confie une portion de son autorité, qu'ils ca exercent la juridiction sur leurs seniblables, et que leurs jugements sont les juge

ments de Dieu. De tels hommes ne sont-ils pas bien grands et bien dignes de notre vénération?

Mettez-les en place, ces hommes, le bon ordre règne dans la société, les citoyens jouissent paisiblement de leur fortune, de leurs droits, de leurs priviléges; ou s'ils sont troublés dans leur possession, ce n'est que pour un moment; l'injustice est aussitôt repoussée dans l'antre ténébreuse d'où elle décochait ses flèches contre le juste: supposez au contraire que ces mêmes hommes ne subsistent point, ce n'est plus dans la société que désordre et que confusion; ni la fortune, ni l'honneur, ni la vie même des citoyens ne sont plus en sûreté; la vertu se cache et le vice se montre avec audace. L'histoire des Israélites en fait foi: Lorsque Dieu leur avait suscité des juges, ils retournaient à lui, ils pleuraient leurs péchés, ils faisaient pénitence: Ils fléchissaient la miséricorde divine: « Cum Dominus judices suscitaret..... flectebatur misericordia, et audiebat afflictorum gemitus. » Mais après que le juge étail mort, ils retombaient aussitôt dans leurs péchés, et faisaient des actions encore plus criminelles que celles de leurs pères, en suivant les dieux étrangers, en les servant et les adorant Postquam autem mortuus esset judex, revertebantur, et multo faciebant pe

(366) Sous le nom de Juges nous entendons non-seulement les juges civils, mais aussi les juges militaires et ecclésiastiques,

jora
quam fecerant patres eorum, sequentes
deos alienos, servientes iis et adorantes illos. Ils
ne revenaient point des égarements de leurs
cœurs, ni de la voie très-dure et très-impie
parlaquelle ils avaient accoutuméde marcher:
Non dimiserunt adinventiones suas, et viam
durissimam per quam ambulare cœperunt.
Voilà donc ce que nous apprend l'expé-
rience des temps les plus reculés, c'est que
sans les juges, il n'y a plus que fraude, que
mauvaise foi, qu'injustice entre les hom-
mes, il n'y a plus qu'impiété, qu'irréligion
des hon mes envers Dieu. Qu'ils sont donc
nécessaires! qu'ils sont donc vénérables! que
nous les honorerons donc ensuite de ces pre-
mières réflexions! Les suivantes vous regar-
deront vous-mêmes, juges de la terre ! ofli-
ciers de justice! hommes de robe! qui que
vous soyez, et quelque fonction que vous
exerciez dans l'ordre de la magistrature!
elles me regarderont moi-même comme
juge dans un ordre supérieur qui a pour ob-
jet les biens spirituels et j'aurai soin de me
les appliquer; elles seront tirées de l'his-
toire des hommes illustres qui nous ont pré-
cédés dans la judicature civile, militaire, ec-
clésiastique. Nous admirerons ici le désin-
téressement de l'un; là, le courage de l'au-
tre, et là encore, la piété, la justice, la lu-
mière d'un autre. Après avoir admiré les
qualités personnelles de ces juges, nous vou-
drons les avoir,nous-mêmes, et y exceller;
c'est le fruit que j'espère tirer de ce discours
sur le livre intitulé de leurs noms.

celui-ci, qui peut également nuire et favo-
riser; elle induirait à négliger la poursuite
et la punition des délits où l'intérêt public
est sans partic; elle fournirait à chaque mo-
ment des preuves de ce que dit l'Ecriture,
que la cupidité est la racine de tous les maux
(1 Tim. vi, 10), et que rien n'est plus mé-
chant et plus dangereux qu'un avare, quelle
que soit sa condition: Avaro nihil est scele-
stius. (Eccli. x, 9.)

Avant que les Israélites n'eussent des rois, ils furent gouvernés par des juges au nombre de dix-neuf, dont les deux premiers furent Moïse et Josué, les deux derniers furent Héli et Samuel. Nous vous avons parlé des deux premiers en vous expliquant le premier livre des Rois. En vous expliquant celui-ci, nous vous parlerons des quinze intermédiaires dont le premier fut Othoniel, le second Aod, le troisième Samgar, le quatrième Barac ou Débora; nous vous ferons surtout remarquer le désintéressement du premier et le courage des suivants, parce que ces qualités sont absolument nécessaires à tout juge.

Il faut d'abord qu'il soit désintéressé, et comme Jéthro le disait à Moïse, il faut qu'il soit l'ennemi déclaré de l'avarice (Exod. XVIII, 21): si cette passion dominait un juge, que de fautes elle lui ferait commettre contre Dieu, et contre les homines! de l'autorité de Dieu elle ferait un instrument d'injustice; elle porterait à prendre des émoluments où il n'en est point dû, et à en tirer au delà de l'ordonnance lorsqu'elle en accorde; elle inclinerait contre le pauvre de qui elle n'attendait rien, en faveur du riche de qui elle espérerait quelque chose; elle inspirerait autant d'indifférence pour le travail qu'exige la cause de celui-là, que d'ardeur pour les recherches que demande la cause de

(367) L'auteur n'a sur sa paroisse point d'autres magistrats que du parlement.

(368) Elle était peut-être comme le collége et

Ajouterai-je ici que l'expérience de mes auditeurs justifierait ces remarques, si elles avaient besoin d'être justifiées? à Dieu ne plaise qu'une parole aussi fausse et aussi injurieuse sorte jamais de ma bouche, soit dans cette chaire de la vérité et de la charité, ' soit ailleurs! Ce que j'ajouterai, (eh! que ne puis-je dire ici indistinctement de tous subalternes ce que je vais dire de leurs supérieurs! mais le cri public ne s'y opposeraitil pas?) ce que j'ajouterai d'après une expérience universelle, constante et avouée, c'est qu'aucune cour souveraine ne fut peut-être jamais plus ennemie que la nôtre, de l'avarice et de ces présents qui aveuglent les sages. Ce ne sera donc pas, mes frères (367), pour arracher à cette basse inclination, ceux qui la composent, c'est plutôt pour les affermir dans la vertu contraire que je vais leur proposer ainsi qu'à leurs ofliciers, l'exemple d'un juge détaché des biens de ce monde. C'est celui d'Othoniel.

Il était de la tribu de Juda, et frère puiné, ou cousin de Caleb dont il devint le gendre, de la manière que je vais dire. Ce Caleb, à l'âge de quarante ans, avait été envoyé par Moïse comme espion pour reconnaître la terre sainte. De retour de sa mission, il résista avec Josué aux dix autres espions qui, par leur faux rapport, jetaient la terreur dans les cœurs; pour récompenser sa fermeté, Moïse lui dit alors: La terre où vous avez mis, le pied sera votre héritage, et l'héritage de vos enfants pour jamais. Quarante cinq ans après cette promesse, Caleb la rappela à Josué et lui deinanda pour son partage, Hébron, ville forte et habitée par des géants de la race d'Enac, afin, lui dit-il, que j'éprouve si le Seigneur sera avec moi, et si je pourrai exterminer ces hommes formidables; après avoir exterminé de ce lieu, Sésaï, Ahiman, Tholomaï, trois enfants d'Enac, il marcha vers Cariath-Sepher, c'est-à-dire, la ville des lettres (368), et dit asscz haut pour être entendu de la jeunesse militaire qui l'accompagnait: Je donnerai ma fille Axa en mariage à quiconque prendra et détruira Cariath Sepher; Othoniel cousin germain de Caleb et plus jeune que lui, ayant eu assez de courage pour attaquer cette ville, et assez de bonheur pour la prendre, reçut donc Axa en mariage, et semblait par cette alliance pouvoir prétendre à des richesses immenses en fonds de terre. Voyez cependant à quoi il borne ses désirs. Un champ est tout ce qu'il con

l'académie où les lettres s'enseignaient parmi les Chananéens.

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seille à son épouse de demander à son père. Celle-ci étant montée sur son âne et soupirant, dit donc à Caleb: Donnez-moi votre bénédiction, et accordez-moi une grâce: vous m'avez donné une terre exposée au midi où tout sèche, gjoutez-y-en une autre qui soit arrosée d'eau. Ce qu'elle avait demandé lui fut accordé ; Caleb, dit l'historien, lui donna en haut et en bas des lieux arrosés d'eau. (Josue XIV, 6-15; XV, 13-19.)

Ce fait si peu intéressant en lui-même serait-il rapporté s'il ne renfermait quelque leçon? Outre celle du parfait désintéressement que nous y remarquons, saint Grégoire y en a encore vu une autre, il a regardé Axa assise sur son âne soupirant et se plaignant à son père de la sécheresse de la terre, comme une figure excellente de notre âme, lorsqu'étant assise, c'est-à-dire, ayant l'empire sur les mouvements déréglés de sa propre chair, elle reconnaît humblement la sécheresse spirituelle où elle est par ellemême; c'est alors qu'elle soupire pour recevoir les eaux divines de son Créateur, afin d'arroser la stérilité de la terre, et c'est par ses humbles et ardents soupirs qu'elle mérite que Dieu la remplisse abondamment des eaux supérieures et inférieures, de ces grâces qui arrosent ce qu'il y a d'élevé, et ce qu'il y a d'abaissé, ce qu'il y a de spirituel et de matériel en l'homme. C'est ce que saint Grégoire a vu, dans l'histoire d'Axa soupirante, et ce qu'il a écrit dans ses Dialogues (lib. in) de cet événement.

Quand arriva-t-il? fut-ce avant? fut-ce. après la mort de Josué? L'Ecriture ne nous le marque pas, et il est impossible de le savoir d'ailleurs. Quand arrivèrent les faits rapportés par Samuel (369)? fut-ce avant celui de la judicature d'Othoniel? La chose est également incertaine, et sans rechercher trop scrupuleusement leur époque, sans me permettre de longues réflexions sur aucun d'eux, sans vouloir les rapporter tous, sans suivre chaque tribu dans son canton et sa province, pour en examiner les expéditions militaires, sans vous parler de ces Cinéens qui quittèrent la ville des palmes et le voisinage délicieux du Jourdain, pour s'établir au midi dans le désert, et mener une vie retirée, je dirai seulement en remontant à l'origine des événements.

(369) L'opinion qui attribue cet ouvrage à Samuel, paraît assez bien soutenue. 1° L'écrivain vivait dans un temps où les Jébuséens étaient encore maîtres de Jérusalem, et par conséquent avant le règne de David qui s'en rendit maître. 2° Il parait qu'alors la république des Hébreux était gouvernée par des rois, puisque l'auteur remarque qu'au temps dont il parle, il n'y avait point de roi dans Israël, ce qui convient au temps de Samuel qui vivait sous Saul, et qui voulait faire remarquer la différence du gouvernement de son temps d'avec celui qui subsistait sous les juges. Les difficultés qu'on oppose à ce sentiment, seront levées dans les endroits où elles se présenteront. (Judic. xvIII, 21, et alibi.)

(370) On lit au vers. 19 du chap. 1", ces paroles: Le Seigneur fut avec Juda, et il se rendit maître du pays des montagnes; mais il ne put défaire ceux qui habitaient dans la vallée. Ce que l'écrivain sacré

Le partage des terres fait, et Josué mort, Juda, Siméon, Benjamin et les autres tribus partirent pour les lieux qui leur étaient échus en partage: celle de Juda que l'oracle divin avait déclaré chef de l'entreprise sur les Chananéens, trouva d'abord Adonibezec roi du pays; elle combattit, le prit, lui coupa les extrémités des mains et des pieds; alors ce prince orgueilleux et cruel, revenant enfin de l'ivresse que lui avait causée une longue prospérité, s'écria: J'ai fait couper l'extrémité des mains et des pieds à soixante et dix rois qui mangeaient sous ma table les restes de ce qu'on me servait: Dieu m'a traité comme j'ai traité les autres : « Sicut feci, ita reddidit mihi Deus. » Cet humble aveu ne fut-il que l'effet de sa grande douleur? fut-il celui de la grâce? Quoi qu'il en soit, n'est-il pas évident par ce fait, 1° que l'adversité est bien plus propre que la prospérité à inspirer des sentiments de religion? N'est-il pas évident, 2° qu'il y a une vengeance divine qui poursuit les pécheurs et qui les atteint tôt ou tard? Je ne fais ici qu'annoncer comme en passant ces deux vérités, dont la suite de l'histoire sainte présentera à chaque instant de nouvelles preuves. En voici une frappante des maux que produit l'avarice, cette passion que doivent craindre les fidèles et les juges surtout, quel que soit l'objet de leurs jugements.

Les Israelites prenant conseil de cette funeste passion, et s'imaginant qu'il leur serait plus utile de se rendre les Chananéens tributaires, que de les exterminer, négligèrent d'exécuter l'ordre exprès qu'ils avaient reçu de les mettre à mort (370); et comme un premier abîme en attire un second, cette prenière faute fut suivie d'un grand nombre d'autres; ils firent des alliances avec ces idolâtres; ils imitèrent leurs mœurs; ils embrassèrent même leur religion; ils quittèrent le Seigneur qui les avait tirés d'Egypte, pour servir Baal et Astaroth (371). Tant de condescendance de leur part pour les Chananéens les réduisit bientôt à une extrême misère, en sorte qu'ils s'assemblèrent pour chercher les moyens de se délivrer des maux dont ils étaient accablés. Alors l'ange du Seigneur (372) vint de Galgala, où ils avaient renouvelé l'alliance avec le Seigneur, au lieu où ils étaient assemblés:

dit ici de Juda, l'auteur impie du livre Dieu et les hommes, l'attribue à Dieu même, et après avoir proféré ce blasphème contre la toute -puissance d'Israël, joignant le mensonge le plus évident à la plaisanterie la plus fade, il dit sur ces paroles: Parce qu'ils avaient une quantité de chariots armés de faux. Je ne veux pas examiner si les habitants de ces cantons hérissés de montagnes, pouvaient avoir des chariots, eux qui n'avaient jamais que des ånes.

(371) Le nom de Baal signifie Seigneur, et il se prend quelquefois en général pour les dieux, et quelquefois pour un dieu particulier. Souvent il désigne Jupiter, Apollon, le soleil, Astaroth. Il signifie de mème, où les déesses en général, ou quelques déesses particulières, comme Vénus, Diane, la Lune.

(372) Les interprètes varient sur la qualité de cet ange: les uns disent que c'est saint Michel, patron

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