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Apres que le Seigneur eut prononcé la sentence à nos premiers parents coupables, il leur fit des habits de peaux pour couvrir leur nudité et pour les garantir des injures de l'air auxquelles ils allaient être exposés. Voilà l'origine des habits; ce qui les a rendus nécessaires, c'est la honte de la nudité, c'est l'infirmité du corps causée par le péché. Comment est-il possible que le luxe et la vanité fassent parade de ce qui n'est qu'un sujet de confusion?

Comme dans ces habits de peaux nous voyons déjà une figure des cilices dont l'usage est recommandé aux pénitents, nous voyons aussi dans la manière dont Adam et Eve sont expulsés du paradis terrestre, une image de ce qui arrive dans l'Eglise qui est le vrai paradis de la terre, lorsqu'on éloigne les pécheurs du Sacrement visible de l'autel, par l'imposition de la pénitence publique. L'évêque (40) devant qui les pénitents sont prosternés et baignés de larmes, leur met la cendre sur la tête, en les avertissant qu'ils sont poussière et qu'ils retourneront en poussière; il les revêt d'un cilice qui représente la tunique de peaux dont Dieu couvrait Adam pécheur, et les prenant par la main, il les met hors de l'Eglise en disant : Vous êtes aujourd'hui chassés de ce saint lieu à cause de vos péchés et de vos crimes, comme le premier homme a été chassé du paradis à cause de sa désobéissance: puis les ayant conduits jusque hors la porte de l'Eglise, où ils se jettent à genoux, il les console par l'espérance de la miséricorde de Dieu, en même temps qu'il les exhorte à imiter Adam dans la pénitence après l'avoir imité dans sa chute. Le motif sur lequel il fonde son exhortation, c'est que le péché des enfants ne déplaît pas moins à Dieu, il n'offense pas moins sa majesté que celui du père. Quelle pénitence feront-ils donc qui soit assez Jongue et assez dure pour leur obtenir miséricorde, puisque celle d'Adam fut de plus de neuf cents ans dans les soupirs?

Une des sources les plus fécondes de ces soupirs fut la corruption qui passa du cœur du père à celui de ses enfants, les effets funestes de cette corruption, l'envie, la haine et les autres passions qui divisèrent hautement les enfants de Babylone de ceux de la cité de Dieu, comme vous allez le voir.

SECOND POINT.

Comment donc Moïse nous dépeint-il les enfants de Babylone? comme des hommes envieux, terrestres et charnels. Faisant l'histoire de Caïn leur chef, il nous dit ce qui

de vie et passent aux délices de la contemplation des choses célestes.

Comme au cinquième jour, les oiseaux passent du sein des eaux dans les airs, de même ces âmes sublimes dédaignent tout ce qui se passe sur la terre, et contemplent, d'un œil ferme, les rayons saints et sanctifiants du vrai Soleil de justice.

Comme au sixième jour, Dieu créa l'homme et lui donna pouvoir sur tous les animaux, de même il donna à ces âmes la puissance de marcher sur

suit, et ce qui doit nous inspirer une vive horreur de l'envie dont les effets sont si funestes. Adam chassé du paradis et séparé de son Créateur, commença de s'attacher à la créature. Ainsi il connut Eve sa femme afin de se multiplier sur la terre, selon l'ordre que Dieu lui en avait donné. Eve conçut et enfanta un fils qu'elle nomma Cain, c'est-àdire, possession, en disant: Je possède par la grace de Dieu un homme (Gen. iv, 1) qui, me succédant après ma mort, me fera revivre en quelque sorte sur la terre. Elle enfanta de nouveau et elle mitau monde son frère qu'el'e nomma Abel, c'est-à-dire, vanité, pour marquer que rien n'est stable sous le soleil.

Or, Abel fut pasteur de brebis et Caïn s'appliqua à l'agriculture. Il arriva longtemps après que les deux frères offrirent leurs dons au Seigneur; Caïn lui offrit des fruits de la terre qu'il avait soin de cultiver, mais man. quant de foi, il n'offrit ni les plus beaux ni les plus excellents. Abel plein de foi offrit an Seigneur des premiers-nés de son troupean selon sa profession, mais il offrit ce qu'il avait de meilleur et ce qu'il y avait de plus gras ; et ainsi le Seigneur regarda favorablement Abel et ses présents; mais il ne regarda point Cain ni ce qu'il lui avait offert (41), ce fut la juste punition de son avarice et de son peu de foi.

Ces premiers défauts conduisirent le coupable à d'autres excès beaucoup plus révollants. Dédaigné du Seigneur, il entra dans une très grande colère; il en conçut tant de chagrin que son visage en fut tout abattu. Alors le Seigneur voulant guérir par la parole ce cœur empoisonné par l'envie, lui demanda la raison de son abattement et lui ajouta Votre sort n'est-il pas entre vos mains? si vous faites bien, n'en serez-vous pas récompensé? et si vous faites mal, le châtiment de votre péché ne sera-t-il pas aussitôt à votre porte ? n'en souffrirez-vous pas aussitôt la peine? au dedans celle des remords, et au dehors celle de la confusion? il est vrai que la concupiscence qui est en vous, vous porte au mai, mais votre concupiscence ne sera-t-elle pas sous vous si vous le voulez (2)? Ne la dominerez-vous pas tant qu'il vous plaira de lui résister? C'est la reniontrance que le Seigneur fit lui-même à Caïn. Eu égard à son auteur et à sa sagesse, ne penseriez-vous pas qu'elle eut son effet?

Cependant le coupable emporté par l'envie dont il était rongé, dit à son frère : Sortons dehors, et lorsqu'ils furent dans les champs, Cain se jeta sur son frère Abel. Que vais je dire? forfait! ô crime! ô audace impardonnable! ô main abominable! comment

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as-tu pu tenir le glaive; comment n'es-tu pas restée immobile; comment as-tu pu percer un frère si aimable? Quomodo non obduruit manus? quomodo potuit tenere gladium? Cruel fratricide! comment n'as-tu pas été saisi d'horreur? comment le spectacle de ce frère couché par terre, n'a-t-il pas arraché ton âme de ton corps? Quomodo non avolavit a corpore anima? (S. CHRYSOST.)

Cette violence fut suivie de tout près de l'endurcissement du coupable, de son désespoir, et de sa condamnation. Où est votre frère Abel? dit le Seigneur à Caïn pour le faire rentrer en lui-même. -Je ne le sais, répondit avec une espèce de mépris ce pécheur endurci; puis, joignant l'insolence au mépris, il ajouta Suis-je le gardien de mon frère pour savoir où il est? - Qu'avez-vous fait? lui repartit alors le Seigneur devenu d'un Dieu miséricordieux un Dieu vengeur, et voulant dans le premier exemple du sang injustement répandu, apprendre à tous les siècles à venir qu'il serait le vengeur des innocents injustement persécutés par leurs frères; avez-vous espéré me cacher votre crime? La voix du corps de votre frère crie de la terre jusqu'à moi et me demande vengeance contre vous (43). Vous serez donc maintenant maudit sur la terre qui a ouvert sa bouche et qui a reçu le sang de votre frère, lorsque votre main l'a répandu. Ainsi quand vous l'aurez cultivée, elle ne vous produira point son fruit, et de plus vous serez fugitif et vagabond parmi le monde; vous n'y aurez point de demeure fixe; vous y serez dans une crainte et dans une agitation continuelle. Au prononcé de cet arrêt les yeux de Caïn s'ouvrent; il voit sa fante, mais en désespéré et non en pénitent. Mon iniquité est trop grande, dit-il au Seigneur, pour pouvoir en obtenir le pardon, et je n'ose vous le demander. Vous me chassez aujourd'hui de la terre où je suis né, et j'irai me cacher de devant votre face; je serai fugitif, vagabond, éloigné de vous, privé te votre secours, et en quelque lieu que j'aille où quelques-uns de nies frères se seront établis (4), ils voudront venger la mort de celui que j'ai tué, et quiconque me trouvera me tuera. Le Seigneur lui répondit: Non, cela ne sera pas ainsi; mais quiconque tuera Cain, sera puni sept fois plus sévèrement que lui, pour n'avoir pas profité du châtiment que j'ai exercé sur Cain. Et le Seigneur mit sur lui un signe (45) afin que ceux qui Je trouveraient ne le tuassent point. Cain s'étant donc retiré de devant la face du Seigneur, fut vagabond sur la terre, et il habita vers la région orientale d'Eden sans y avoir de demeure fixe: Habitavit profugus in terra ad orientalem plagam Eden. (Gen. iv, 16.)

(43) Bene ait: Vox sanguinis fratris tui clamat de terra: non dixit: De fratris clamat corpore, sed de terra clamat, et si frater parcit, terra non parcit; si frater tacet, terra condemnat. Ipsa est in te testis et judex. (S. AMBROS., de Cain et Abel. 1. 11, c. 9.)

(44) Abel fut tué vers l'an 128; la terre pouvait déjà être fort peuplée des enfants d'Adam; il serait aisé de le montrer.

De qui vous parlé je en vous rapportant ces paroles? est-ce de Cain? est-ce du peuple juif? celui-là n'est-il pas une figure expresse de celui-ci? qu'ai-je dit de l'un que je ne puisse dire de l'autre? ce peuple n'at-il pas été rongé d'envie contre Jésus-Christ, né de ses pères? Ne l'a-t-il pas mené hors de Jérusalem pour le mettre à mort? Le sang de Jésus-Christ qui cie miséricorde pour lui, ne crie-t-il pas aussi vengeance contre lui, n'en est-ce pas une grande que la nation entière soit comime Caïn, vagabonde, et que partout on la reconnaisse comme Cain, à certains signes que chacun croit apercevoir, et que personne ne peut bien définir?

Non-seulement Cain figurait le peuple juif, mais il lui appartenait déjà: il était un de ses membres; il bâtissait la cité; le crime de l'un était le crime de l'autre de là ce reproche de Jésus-Christ aux Juifs : Achever de combler la mesure de vos pères.... afin qu'autant qu'il y a eu de sang innocent répandu sur la terre, retombe sur vous depuis le sang du juste Abel jusqu'au sang de Zacharie. (Matth. xxIII, 32-35.) Vous savez, mes frères, que ce reproche était dans la bouche de Jésus-Christ une prédiction de ce qui devait lui arriver; vous savez qu'en nommant Abel, il rappelait une de ses figures les plus expresses; vous savez qu'il fut mis à mort par l'envie de ses frères, comme Abel par l'envie de Cain; vous savez qu'Abel quoique nort, nous parle encore, qu'il nous instruit encore du mystère de Jésus-Christ, qu'il nous prêche encore sa piété, sa simplicité : Defunctus adhuc loquitur (Hebr. x1, 4); vous savez que la vérité répond en tout à la figure, et au lieu de vous faire observer ces traits de ressemblance, je vous dis : Craignez l'envie, puisqu'elle a eu des suites si funestes dans Cain; offrez à Dieu avec foi ce que Vous avez de meilleur, puisqu'il témoigne a réer ce que la générosité et la foi lui offrent; remarquez que le sort des justes est d'être persécutés par leurs frères, et que vous ne serez Abel qu'autant que vous souffrirez l'envie, la haine et la violence de Caïn. Ce sont les maximes que je crois plus intéressantes de vous mettre sous les yeux, après vous avoir parlé de l'envie de Cain, et sous le nom de Caïn, de celle de tous les enfants de la Babylone de ce monde.

Dans la suite de son histoire, il est dit qu'ayant connu sa femme, elle conçut et enfanta Hénoch, et qu'il båtit une ville qu'il a pela Hénoch, du nom de ce fils. C'est un second trait de différence entre lui et son frère, entre les enfants de Babylone et ceux de la Jérusalem d'en haut. « Ces deux cités, >> dit saint Augustin, « sont dès le commencement du monde, marquées en ces deux

(45) On ne sait pas bien quel a été ce signe; la plus commune opinion des Pères, est que le tremblement continnel de son corps rendait visible l'agitation de sa conscience déchirée de remords, qu'il avait un air affreux, have et farouche. Les rabbing lui donnent, les uns une corne au front, les autfe un chien le précédant, etc.

fait observer deux choses de Lamech, un de ses petits-fils. L'un qu'il eut le premier deux femmes. Pourquoi cette remarque? Afin que nous fassions attention que c'est dans la race de Cain, et par l'incontinence d'un de ses descendants qu'a commencé un usage contraire à cette loi primitive du mariage: Ils seront deux dans une seule chair. C'est nous, disent les Pères, afin que nous sachions que la polygamie a commencé par un homme maudit (TERTULL., De monog.), et que le premier qui ait partagé une seule chair à deux femmes, était un sanguinaire et un homicide: Primus Lamech sanguinarius et homicida unam carnem in duas divisit uxores. (S. HIERON. Cont. Jovin.)

frères. Caïn est l'image des citoyens de ce monde; Abel est l'image des citoyens du ciel qui le regardent comme des étrangers sur la terre; Caïn la cultiva, il s'y attacha, il y bâtit une ville à laquelle il donna le nom de son fils, et à laquelle il aurait peutêtre bien voulu donner le sien. Abel, au lieu de cultiver la terre, choisit le soin des troupeaux comme une occupation plus innocente et plus propre à celui qui ne cherche aucun établissement terrestre; bien éloigné de bâtir une ville en ce monde, ou de travailler à y rendre son nom célèbre, il porta tous ses désirs vers le ciel, parce que la cité des saints est au dessus du monde, quoique ses enfants y naissent, et elle est ici-bas étraugère, méprisée et maltraitée par les citoyens du siècle jusqu'à ce que Dieu la fasse régner avec lui au temps de sa gloire : Cain condidit civitatem, Abel tanquam peregrinus non condidit: superna est enim sanctorum civitas, quamvis hic pariat cives.» (S. AUG., De civit. Dei, xv, 1.)

On peut remarquer dans les petits-fils de Cain les talents et les inclinations de leur aïeul; tous furent industrieux pour les arts et les professions qui peuvent rendre la vie commode et même agréable. Jabel fut père (46) [auteur, instituteur] de ceux qui demeurèrent sous des tentes, et des pasteurs; Jubal fut père de ceux qui jouent de la harpe et de l'orgue. Il inventa ces instruments de musique, comme son frère avait inventé la manière de faire des tentes et de conduire des troupeaux. Tubalcain, qui maniait le marteau, fut habile en toutes sortes d'ouvrages d'airain et de fer. Sa sœur Noëme inventa la manière de filer et de faire de la toile et des étoffes de laine. Devons-nous être surpris que ces enfants de la cité présente se soient distingués par cette espèce d'industrie? ils aimaient le monde, ils en cherchaient les biens, ils savaient que le moyen de les acquérir était d'inventer les arts, de les perfectionner, est-il surprenant qu'ils y aient excellé? C'est une des marques. auxquelles on les connaissait dès lors, et auxquelles on distingue encore aujourd'hui leur postérité, les habitants de Babylone ont toujours eu du goût pour les choses de la terre, presque tous ont une intelligence particulière pour les affaires temporelles; rarement nous voyons quelqu'un qui ne les entende, fut-il absolument bouché pour le spirituel.

Envieux du mérite d'autrui, terrestres dans leurs affections, ils ont encore été singulièrement amateurs des plaisirs de la chair. Quoique l'histoire du déluge doive nous en fournir une preuve générale et complète, nous vous en citerons cependant une particulière à ce moment même, parce qu'elle se trouve, pour ainsi dire, sur notre chemin, dans la généalogie de Caïn. Moïse nous y

(46) C'est ici le sens du mot pere

(47) Un autre est : Caïn a été puni sept fois, mais Lamech le sera seplante-sept fois sept fois, ce dernier sens a été très-suivi; le premier est plus intelligible.

Ce meurtre est la seconde chose que Moïse rapporte dans l'histoire de Lamech. Ce fils de Cain, dit-il, ayant commis un meurtre, dit à ses femmes Ada et Sella qui en craignaient les suites Femmes de Lamech, entendez ma voix; écoutez ce que je vais vous dire Vous êtes effrayées, parce que j'ai tué un homme qui m'a blessé; vous craignez pour ma vie, parce que j'ai assassiné un jeune homme qui m'a couvert de plaies; mais rassurez-vous, personne n'oserait attenter à ma vie, car, puisque selon la parole du Seigneur même, on vengera sept fois la mort de Cain qui a tué son propre frère et qui l'a tué par malice et par envie, on vengera sans doute celle de Lamech septante fois sept fois, lui qui n'a tué qu'un étranger, et même en se défendant. C'est un des sens qu'on donne à ces paroles: Septuplum ultio dabitur de Cain, de Lamech vero septuagies septies (47). Quoi qu'il en soit de la probabilité, il est toujours vrai qu'Adam fut le témoin des meurtres qui se continuaient dans sa famille. N'était-ce pas pour lui une source de soupirs très-amers?

Après avoir pleuré la mort d'Abel, que sa vertu lui rendit très-sensible, il eut un fils nommé Seth, c'est-à-dire substitué, parce que Dieu l'avait substitué à Abel, tué par Cain. De ce Seth naquit un fils appelé Enos. Celui-ci commença d'invoquer le nom du Seigneur par des sacrifices réglés, et à porter le nom d'enfant de Dieu (48), qui se conserva ensuite dans sa postérité. Le monde fut donc plus ouvertement qu'auparavant divisé en deux grandes familles, en deux cités, dont l'une était composée des enfants de Dieu, et l'autre des enfants des hommes. Dieu régnait dans l'une, et le démon dans l'autre. Dans l'une, on attribuait tout à Dieu, on en espérait tout, on lui rendait grâces de tout, on regardait comme le principal et l'unique devoir de lui obéir et de lui plaire: c'était sa famille, sa maison, son Eglise. Mais dans l'autre, les hommes n'étaient occupés que de leurs passions, de leurs intérêts, de leurs plaisirs (49); ils n'estimaient

(48) Celle paraphrase allie le sens de l'hébreu et de la Vulgate.

(49) Duæ itaque sectæ sunt sub duorum fratrum nomine compugnantes invicem; una quæ totum mentis suæ deputat tanquam principali... Altera

que les qualités extérieures, ils ne désiraient que les biens temporels. En un mot, l'une avait pour loi la charité, ou l'amour de Dieu; l'autre, la cupidité, ou l'amour déréglé des créatures. Les habitants de celle-ci étaient envieux, terrestres et charnels; les habitants de celle-là étaient justes, simples, doux et amis de leurs ennemis mêmes, témoin Abel. Ils étaient industrieux, mais pour les choses du ciel, et non pour celles de la terre; ils perfectionnaient les sciences, mais celles du culte divin, et non celles du commerce, de la guerre ou de la politique, témoin le père de Caïnan; ils étaient spirituels jusque dans leur chair, que leur esprit gouvernait, témoin cet Hénoch, que Dieu enleva de dessus la terre (50) et qu'il transféra dans le paradis (51) Cet Hénoch tenait ses sens assujettis à la raison; il exigeait de sa chair le service d'une esclave, faite pour obéir, et non pour commander ni pour conseiller; il marchait en la présence de Dieu; il pensait, il projetait, il agissait d'après ces idées: Dieu me voit, Dieu est à mes côtés, Dieu m'est plus intime que mon âme à mon corps. L'Ecriture lui rend témoignage d'avoir plu à Dieu. Or il est impossible de lui être agréable sans une foi vive et active. Il vivait donc de cette foi; il ne faisait donc rien sans avoir auparavant demandé : Qu'est-ce que cela pour l'éternité? Qu'y a-t-il pour moi dans le ciel? Et que désiré je sur la terre, sinon vous, & Dieu qui êtes le Dieu de mon cœur et mon partage dans la vie future? La même foi qui éloignait du péché et l'excitait à la vertu, lui inspirait le vif désir de convertir les pécheurs; sans cesse il leur faisait des exhortations publiques; sans cesse il les menaçait des jugements temporels et éternels du Seigneur, disant : « Le voilà qui va venir avec la multitude innombrable de ses saints, pour exercer son jugement sur tous les hommes, et pour convaincre tous les impies de toutes les actions d'impiété qu'ils ont commises et de toutes les paroles injurieuses que ces pécheurs impies ont proférées contre Dieu. » C'était là le grand objet de sa mission, laquelle n'est qu'interrompue car à la fin du monde il la reprendra; il reparaîtra sur la terre avec Elie; il y exhortera les nations à entrer dans la pénitence; il y combattra l'Antechrist, et à la fin il y payera le tribut de la mort, dont il a été exempt jusqu'à ce jour.

celle des enfants de Dieu. Ceux-ci, qui jusque-là avaient été chastes, spirituels jusque dans la chair, devinrent charnels jusque dans leur esprit. Voyant, dit l'Ecriture, que les filles des enfants des hommes étaient belles, ils épousèrent celles d'entre elles qui leur avaient plu. Dans un choix si important, et qui a de si considérables suites et pour la vie présente et pour la future, ils ne considérèrent point les qualités de l'esprit et du cœur, et surtout la crainte de Dieu, qui est l'ornement et la beauté de l'âme; ils ne furent point touchés du désir d'avoir des femmes qui pussent former leurs enfants à la vertu, i des enfants qui fussent héritiers de la piété de leurs pères. Les yeux décidèrent seuls ni la raison ni la religion ne furent consultées. Ainsi, en se mêlant par d'indignes alliances avec une race maudite, ils en prirent bientôt les mœurs et les sentiments; ils oublièrent Dieu, son alliance et ses promesses, et tombèrent dans l'irréligion. Quelle leçon pour tous les siècles! Qu'un tel exemple devrait faire trembler et les pères et mères qui ne consultent qu'un vil intérêt dans l'établissement de leurs enfants, et les enfants qui règlent leur choix sur une passion aveugle, plutôt que sur la lumière de la foi! Ne soyons pas surpris qu'il y ait si peu de mariages que Dieu bénisse, puisqu'il y en a si peu où il soit appelé; et, pour tirer encore cette autre conséquence, ne soyons pas surpris que le nombre des citoyens du ciel ou des vrais justes soit si petit, puisque les saintes alliances en sont l'origine pour l'ordinaire.

Ce fut vers son siècle, comme ses paroles nous le font penser, que la licence des mœurs se glissa de la cité des hommes dans

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En sommes-nous nous-mêmes, mes frères, ne sommes-nous pas, au contraire, du nombre des pécheurs? D'après ce que j'ai dit en ce discours, il nous est facile de décider. Sommes-nous ce qu'étaient au premier âge. du monde les enfants de la cité de Dieu; avons-nous la foi du juste Abel (52), le zèle d'Enos, la chasteté de ces huit patriarches (53) qui régnèrent dans la sainte famille depuis Adam jusqu'à Noé; sommes-nous, comme eux, humains et bienfaisants, zélés et industrieux à promouvoir le culte divin, purs de corps et d'esprit? à ces marques nous sommes moralement certains d'être du nombre fortuné des justes.

Sommes-nous ce qu'étaient les enfants des hommes au même âge; nous livrons-nous à la passion de l'envie, comme Caïn; dirigeons-nous nos talents principalement vers les objets de la terre, comme Jabel et les autres petits-fils de ce meurtrier; les pen

(53) Les huit patriarches de la Cité de Dieu, placés dans l'histoire entre Adam et Noé, sont Seth, Enos, Caïnam, Malaléel, Jared, Hénoch, Mathusala et Lamech. Sur le temps de la mort de Mathusala on formait jadis la difficulté suivante: on disait qu'il avait vécu jusqu'à 14 ans après le déluge, et on demandait où il avait passé ces 14 ans; mais cette difficulté n'était fondée que sur quelques exemplaires des LXX; comme ces exem, laires sont contraires en ce point aux éditions grecques dont on se sert aujourd'hui ; comme ces éditions sont conformes à l'h breu et à la vulgate, elle ne subsiste plus.

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sées de notre cœur sont-elles habituellement portées vers le mal, comme celles des patriarches issus de Caïn? A ces signes, hélas! il n'est que trop évident que nous appartenons à cette race mandite. Que dirons-nous donc en ce misérable état? Crierons-nous, comme ce chef des réprouvés (54) ; Mon iniquité est trop grande pour que j'ose en demander le pardon? Ah! garaons-nous bien de ce péché, qui mettrait le comble à tous les autres c'est le plus énorme de tous ceux que Cain commit. Il s'était sans doute rendu très-coupable par l'avarice, qui destinait aux sacrifices ses moindres fruits; par son envie, que la vertu de son frère irritait; par ce fratricide, qu'aucune considération ne put empêcher; par l'insolence avec laquelle il répondit au Seigneur; mais enfin il se rendit encore plus coupable par le désespoir qu'il marqua en disant: Mon péché est trop grand pour que j'ose en demander le pardon, et qu'il soutint en ne s'inquiétant plus que du soin de conserver sa vie (55). Quelque criminelle qu'ait été la nôtre jusqu'ici, ah! prenons bien garde de désespérer de la miséricorde divine c'est la plus grande injure que nous pourrions lui faire, et c'est pour nous la faire éviter que l'histoire du désespoir du second des hommes nous a été transmise.

Celle de la prompte succession de ses chutes nous a été faite pour la même fin: pour nous engager à éviter ces fantes légères qui conduisirent peu à peu Cain aux plus Corribles; et c'est aussi la fin que je me suis proposée en vous en faisant le récit c'est pour vous inviter à dire souvent à Dieu ce que je vais lui dire en finissant ce dis

cours :

"O mon Dieu! que la moindre passion est à craindre! à quelles extrémités ne peutelle pas me conduire si je lui livre mon cœur? Je porte en moi-même le principe de tous les crimes par la concupiscence qui vit en moi. Vous me commandez, Seigneur, d'en reprimer les saillies et de m'en rendre maitre, et vous me montrez par l'exemple terrible de votre justice sur le second des hommes, quels ravages une seule passion fait dans un cœur si elle est écoutée et suivie; donnez-moi ce que vous me commandez: secourez ma volonté faible et malade contre un ennemi domestique qui me livre à tout moment de dangereuses attaques; donnezmoi la grâce de remporter une victoire pleine et entière sur toutes mes passions, afin que je mérite la couronne promise aux victorieux. » Amen.

(54) Quoique ce nom lui soit donné par le grand nombre des interprètes, cependant saint Jérônie parait persuadé qu'il est sauvé.

(55) Augustæ mentis homo præsentem mortem veretur, perpetuam negligit... interitum solum corporis deprecatur. (S. AMBROS., de Cain et Abel, lib. 11, cap. 9.

(56) A ces traits de ressemblance entre Jésus

INSTRUCTION IV.

SUR NOE, L'ARCHE, LE DÉLUGE; LA DESTINÉE DES ENFANTS DE BABYLONE A LA FIN DU PREMIER AGE.

(Gen. vi, 1-22; vi, 1-24; vi, 1-22; ix, 1-29; x, 1-32.) ÉPIPUANIE:

Dilatet Deus Japhet et habitet in tabernaculis Sem, sitque Chanaan servus ejus.

Que Dieu multiplie la postérité de Japhet, et qu'il habite dans les tentes de Sem, et que Chanaan soit leur serviteur. (Gen. ix, 27.)

Ne vous étonnez pas, mes frères, que, de mille et mille textes propres à la solennité de ce jour, je vous cite celui-ci de préférence; c'est que j'y trouve la première et la plus ancienne des prophéties qui nous annoncent le grand mystère dont nous célé brons la mémoire. Dans Noé qui y parlé, j'aperçois une figure expresse de Jésus-Christ adoré par les mages; dans Japhet et sa postérité qui entrent dans les tentes de Sem, jo remarque les gentils qui entrent dans l'Eglise ; et dans Chanaan déclaré esclave de Japhet, je vois les Juifs devenus les serviteurs des Chrétiens et leur Synagogue réprouvée.

Jugeons par les noms divers de Noé, s'il n'est pas une figure bien expresse de Jésus reconnu et adoré par les gentils. Lamech son père l'a appelé Noé, c'est-à-dire, repos, consolation, en ce sens que la terre fatiguée des crimes de ses habitants, devait de son temps se reposer sous les eaux du déluge; ce nom ne convient-il pas encore mieux à Jésus-Christ? n'a-t-il pas consolé les justes en mettant fin à l'iniquité? Le Sage a appelé Noé le reconciliateur du genre humain, et le médiateur avec les hommes. (Eccli. XLIV, 1719.) Ces qualités ne sont-elles pas celles de notre divin Libérateur ? Saint Pierre l'a appelé le héraut de la pénitence, le prédicateur de la justice, le père d'un monde nouveau. (11 Petr. 11, 5.) A ces dénominations peut-on méconnaître le Messie réconciliateur des gentils (56)?

Et dans les paroles que le saint patriarche adresse à Japhet en le bénissant, peut-on ne pas remarquer la vocation de ces mêmes gentils à l'Eglise? J'observe d'abord que le père associe son troisième fils aux bénédictions du premier, et qu'un jour viendra où celui-là aura une habitation commune avec celui-ci. Je cherche ensuite si ce jour n'est point arrivé et si la prophétie n'est point accomplie, et je découvre qu'elle a eu son accomplissement à ce jour que nous appe

Christ et Noé, on peut ajouter les suivants. Noé 1 était le seul juste entre les hommes. 2° Il fut le sauveur de sa famille. 5° Il fut l'architecte de l'arche comme Jésus-Christ de l'Eglise. 4o Il vit deux àges. (a) Comme Jésus-Christ et le cinquième et le sixième. 5° Il a fait cesser la distinction des animaux purs et impurs. 6° Il a fait perdre aux tigres leurs cruautés.

(a) En cela il est le Janus que les paiens representent à deux faces.

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