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en plus le cœur de ce roi, et pour le disposer à accorder à son aimable épouse tout ce qu'elle lui demanderait, fut-ce la moitié de son royaume. Mais la sage impératrice n'en demanda pas tant : je supplie le roi de venir, s'il lui plaît, au festin que je lui ai préparé, et Aman avec lui: c'est tout ce qu'elle demanda au roi ce jour-là. Quel honneur pour Aman! quelle joie de son cœur lorsqu'il en apprend la nouvelle ! il ne sait pas, cet orgueilleux qu'il touche à ce point d'élévation où la providence le veut pour rendre sa chute plus humiliante et plus effroyable. Il y parut bien le même jour (781), par l'ordre que de retour du palais à sa maison, il donna contre Mardochée.

Ces deux hommes me semblent, ce jour, avoir porté la vertu et le vice à leur comble, l'un la vertu de constance, et l'autre le vice de l'orgueil le juste, la vertu de fermeté dans l'abaissement; le méchant, le vice de l'orgueil dans la prospérité. Mon Dieu, fixez vous-même mes regards sur le premier, afin que je connaisse parfaitement tout le courage dont votre adorateur a besoin, pour que j'aie ensuite celui de l'imiter. Il sait, ce grand serviteur de Dieu, il sait ce que son mépris pour Aman a opéré jusqu'à cette heure; il sait qu'il a attiré la disgrâce la plus terrible sur sa nation; il sait qu'elle est condamnée à périr jusqu'à extinction entière, pour le refus qu'il a fait de se lever devant Aman; il sait donc qu'il est l'unique cause du carnage, qui doit se faire en peù, de tous ses frères; le sait-il sans en être affligé? Peut-être qu'il pourrait encore réparer sa faute, et en arrêter les suites; peut-être ne faudrait-il de sa part, que se lever devant Aman et l'adorer: ne le fera-t-il pas à la première occasion? sera-t-il sourd aux cris de ceux et de celles qui l'en conjurent? supportera-t-il le reproche de singularité, d'or gueil, d'opiniâtreté indomptable, cruelle et barbare? Pour éviter un plus grand mal n'en commettra-t-il pas un plus petit? pour préserver de la mort des millions d'hommes, ne se courbera-t-il pas devant son ennemi? Que ces considérations sont puissantes! Jugez par les impressions qu'elles font actuellement sur vous, de celles qu'elles y auraient faites alors.

Cependant ou elles n'en font aucune sur Mardochée, ou il s'élève généreusement audessus. Aman, ce jour dont nous parlons, passe devant lui; il ne fait pas semblant de l'apercevoir, il demeure immobile comme un terme, la vue du plus grand bien n'est pas capable de le déterminer à un péché que vous regarderiez comme un acte indispensable de charité. Quelle fermeté? Mon Dieu ! ou éloignez de moi les occasions qui en exigeraient une semblable; ou donnez-moi d'imiter alors celle de ce héros; donnez-moi

(781) Savoir si l'ordre d'élever ure potence à Mardochée, fut donné avant ou après le souper, c'est ce qu'il n'est pas aisé de deviner.

(782) Cette manière d'expliquer concilie l'hebreu avec les fragments, où il est dit que le roi lui

de suivre la voie de la vérité jusqu'à la tì, sans être intimidé, ni par les cris du peuple, ni par les reproches des amis de mon repos, ni par la vue d'un bien que je ne pourrais procurer qu'en vous offensant, et pardonnez-moi, pardonnez-nous à tous les fautes que le respect humain nous a fait commettre, dans des occasions incomparablement moins difficiles que celle où Mardochée se trouvait à l'égard d'Aman.

Celui-ci plus bouffi d'orgueil que jamais. à cause de l'honneur que la reine lui a fait en l'invitant seul à manger avec le roi, plus indigné que jamais contre celui qu'il vient de voir assis, tandis que les autres se lèvent pour l'adorer à son passage, ne peut plus tenir son secret; il faut qu'il annonce à sa famille qu'il est dominé par la passion des démons, et qu'il dépeigne la tyrannie de cette passion en se peignant lui-même. Non, dit-il à sa femme et à ses amis, ni la grandeur de mes richesses, ni le nombre de mes enfants, ni la gloire où le roi m'a élevé; non, aucun de ces avantages ne me rend heureux; je croirai n'avoir rien tant que je verrai le juif Mardochée à la porte du palais. C'est-àdire, à l'entendre, qu'il faut donc que tout soit soumis sans exception à l'orgueilleux. Voilà l'excès de l'orgueil; n'en est-ce pas aussi le comble? La femme et les amis d'Aman ne l'apercevront-ils pas comme nous? ne l'en avertiront-il pas ? manqueront-ils à Ice devoir de l'amitié? Hélas! ils sont du monde, et les amis du monde ne savent que flatter, qu'autoriser, que justifier les passions de ceux qui les consultent. Ceux dont nous parlons sont, je ne dirai pas seulement assez lâches pour entrer dans le ressentiment d'Aman, mais assez cruels pour lui conseiller de faire dresser une potence afin. d'y attacher Mardochée dès le lendemain ; et(ce qu'il y a de plus criant) celui-ci est assez injuste pour suivre cet avis, et ordonner qu'un infâme poteau de cinquante coudées de hauteur soit préparé au plus juste des hommes de ce temps. O Dien qui confondez la sagesse des sages! permettrez-vous l'exécution d'un dessein si noir formé contre le plus zélé de vos serviteurs ?

C'est surtout à ce moment, mes frères, que la Providence se déclare plus ouverteinent et commence à changer scène D'abord par son ordre particulier, le roi passe cette nuit sans dormir; pour remplir l'intervalie de son insomnie, il se fait lire les annales de son royaume; il tombe sur l'article où il est dit que Mardochée a sauvé la vie du roi, en découvrant la conspiration des eunuques; il demande quelle récompense ce fidèle serviteur a reçue pour un service si important, et sur la réponse de son lecteur, que le livre ne fait mention d'aucune (782), il médite sur celle qu'il accordera;

avait ordonné de demeurer au palais, et qu'il lui avait fait des présents. Apparemment que ces présents étaient si petits, qu'ils n'avaient pas été consignés dans les annales. D'autres rapportent ces présents au temps de l'élévation de Mardochée.

avant de se déterminer, il veut prendre l'avis d'un de ses courtisans et demande s'il y en aurait un à sa porte aussi matin. Aman s'y était en effet rendu pour obtenir du roi la permission de faire pendre Mardochée. Mais, ô Providence ! et combien de fois ne m'écrierais-je pas ici, ô Providence! Avant qu'il n'ait ouvert la bouche, le roi lui fait la question suivante: Que doit-on faire pour honorer un homme que le roi désire de combler d'honneur? A cette question, et pour ce premier moment, Aman oublie son premier projet; imaginant que c'est lui-même que le roi veut honorer, il dit, qu'il faut que cet homme soit vêtu des habits royaux, qu'il soit monté sur le cheval du roi, et que le premier des princes tenant son cheval par les rênes, et marchant à son côté par la place de la ville, crie : C'est ainsi que sera honoré celui qu'il plaira au roi d'hono

rer.

Quelle surprise pour Aman lorsque le roi Jui déclare que cet homme est Mardochée ! mais encore quel chagrin pour lui lorsqu'il reçoit l'ordre de servir de héraut à son ennemi capital, en public, à l'heure même où il espérait le faire pendre? Aussi l'Ecriture remarque que la cérémonie faite, il s'en retourna chez lui à grande hâte, tout affligé, et ayant la tête couverte pour n'être vu de personne, tandis que Mardochée revint à la porte du palais. Celui-ci a su supporter le poids de l'adversité et il supporte également le poids de la prospérité; ce triomphe passager ne l'éblouit point; il Je regarde comme un songe il retourne à sa première condition comme auparavant. Celui-là au contraire n'a pu supporter le poids de la prospérité, et il ne peut supporter le poids de cette première adversité: il en pleure, il se couvre pour n'être vu de personne. Ne serait-ce pas une figure de ce qui arrivera aux impies, lorsqu'ils verront au-dessus de leur tête, ceux qu'ils méprisent et qu'ils foulent aujourd'hui à leurs pieds?

Ce n'était encore là pour Aman que des commencements de douleur. Bien loin d'y trouver quelque adoucissement dans sa maison, les sages ou conseillers qui s'y trouvèrent, soit qu'ils fussent, comme Caïphe, inspirés par le Saint-Esprit, soit qu'ils parlassent par conjectures et d'après l'histoire des Juifs, lui firent cette tâcheuse prédiction: qu'il tomberait devant Mardochée, s'il était de la race des Hébreux; ils finissaient à peine leur triste réflexion que les eunuques du roi paraissent et emmènent Aman comme par force au second festin de la reine, à ce festin mystérieux d'où le malheureux favori doit asser à la potence.

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Ici, mes frères! comme en tout ce qui a

(783) Ce supplice existait donc chez les Perses du temps d'Assuérus. Depuis ce temps les Juifs en enTo une dans leur synagogue, le jour de la fête des Sorts, où était l'effigie d'Aman qu'ils perçaient;

précédé, nous pourrions proposer Esther comme le parfait modèle des princesses, et nous le ferions, si notre ministère s'étendait jusqu'à ces têtes couronnées; où en trouverions-nous un plus parfait de prière, d'humilité, de charité, de sagesse? Qu'elle parut bien cette sagesse dans son discours au roi, mangeant chez elle avec Aman! D'abord après s'être bien assuré du tendre et vif attachement de son époux, elle lui demande la vie pour elle et pour son peuple; puis elle lui ajoute qu'elle et sa nation ont un ennemi dont la cruauté retombe sur le roi même; ensuite sur la question que lui en fait le roi, c'est, dit-elle, cet Aman que vous voyez, cet Aman qui a osé se présenter à ma table; oui, sire! c'est cet Aman qui est notre adversaire et notre ennemi morte. Quel coup de foudre pour cet Aman!

D'abord il demeure tout interdit, ne pouvant soutenir les regards ni du roi ni de la reine; puis, prenant le moment où le roi indigné a quitté la salle du festin, il se jette aux pieds de la reine, la conjurant d'avoir pitié de lui. Mais peine inutile: le roi rentre, et d'un ton de colère il s'écrie, en voyant le coupable jeté sur le lit de la reine : Quoi! il veut faire violence à la reine en ma présence et dans ma maison! Aussitôt on lui couvre le visage comme à un homme condamné à mort, et par surcroît de malheur, il entend Jui-même un de ces eunuques qui rampaient devant lui l'instant précédent, qui s'élève contre lui, l'accuse d'avoir élevé une potence à Mardochée, et par sa réflexion engage le roi à ordonner qu'il y soit attaché, et il y est attaché en effet.

Vit-on jamais un revers de fortune plus prompt, plus ignominieux, plus accablant? Verra-t-on jamais celui-ci sans admirer la Providence, qui se joue des desseins des hommes, qui se sert des instruments de leurs iniquités pour les punir, qui les précipite dans la fosse qu'ils avaient creusée à leurs ennemis? Ames vaines, esprits hautains, têtes altières, transportez-vous en esprit à Suze; voyez-y attaché à ung croix (783) ce même Aman, qui l'instant auparavant tenait, après le roi, le premier rang dans le plus vaste empire, et recevait l'adoration de tous les peuples de ce vaste empire. Et si ce premier spectacle n'est pas encore pour vous une leçon suffisante d'humilité, transportez-vous au lieu où s'exécutera ce jugement dont celui d'Assuérus ne fut qu'un léger crayon. Supporterez-vous alors les regards du grand Roi et ceux de son Eglise? J'ose vous le dire, d'après une sainte de ces derniers temps (sainte Catherine de Gênes), l'enfer même sera, pour les réprou vés rassemblés en ce lieu, une espèce de

mais depuis la mort de Jésus-Christ, c'était ce divin Sauveur qu'ils substituaient à Aman. De là, la défense qui leur en fut faite de la part des empereurs.

soulagement, en comparaison de ce regard d'un Dieu irrité; il serait capable d'anéantir l'âme, si elle n'était immortelle. Vous le dis-je avec quelque fruit? vous le dis-je de manière que vous détestiez l'orgueil, dont les suites sont si funestes? vous le dis-je de manière qu'après avoir ressemblé au superbe Aman, vous ressembliez à l'humble Mardochée? Après avoir vu la chute de celui-là, vous allez voir l'élévation de celui-ci; et parce que son histoire nous intéresse moins pour les faits qu'elle présente que pour les figures qu'elle contient, ce sera aussi moins sur les vérités figuratives que sur les mystères figurés que j'insisterai, soit pour renouveler votre foi, soit pour vous porter à la pratique des bonnes ceuvres

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L'élévation de Mardochée, la révocation de l'édit d'Aman contre les Juifs, et la publication de l'édit d'Assuérus en leur faveur, avec son exécution, la fête des Sorts, établie pour célébrer ces événements, sont les faits principaux rapportés dans le reste de notre his toire. Que signifient-ils tous?

Esther avoue à Assuérus que Mardochée est son oncle. Comme parent de la reine et comme sauveur du roi, il est présenté à ce monarque, qui lui donna son anneau, pour le revêtir de la même autorité qu'Aman, pour lui marquer que la seconde place de l'empire sera désormais la sienne. Que signifie ce premier fait?

Dans Mardochée, pauvre, captif, demenrant à la porte du palais, je vois Jésus-Christ devenu pauvre pour l'amour de nous, demeurant au milieu de nous, comme un d'entre nous. Dans Mardochée à qui est décerné le triomphe d'un instant, je vois Jésus-Christ entrant en triomphe à Jérusalem, huit jours avant sa résurrection. Dans Mardochée dont la fermeté n'est ébranlée ni par la crainte de la mort, ni par l'espérance de la vie, tant pour lui que pour toute sa nation, je vois Jésus-Christ flétri de tout l'opprobre du vice, quoique portant la vertu au degré le plus sublime. Enfin, dans Mar

(784) On lit la prière d'Esther au roi, et la réponse du roi à Esther, chap. vi, 1-19.

(785) Il comprend 9 versets.

(786) Depuis le verset 10 jusqu'an verset 19. Le verset 10 porte qu'Aman était fils d'Amadath, étranger, Macédonien d'inclination et d'origine; ailleurs il est appelé Amalécite. C'est une première difficulté que nous avons levée dans la première instruction. Le verset 19 porte que cet Aman voulait faire passer aux Macédoniens l'empire des Perses, ce qui fait une nouvelle difficulté, puisque les Macédoniens ou les Grecs ne pouvaient faire aucun ombrage aux Perses du temps d'Esther, étant alors à peine connus, bien loin d'être puissants. On lève cette difficulté en trois manières; on dit 1° que l'histoire d'Esther, selon Josèphe et selon nous, est arrivée sous Artaxerxès, par conséquent environ quatre cent cinquante-deux ans avant JésusChrist, par conséquent dans un temps où les Grecs

dochée assis à la droite d'Assuérus, revêt d'une robe royale de couleur d'hyacinthe et de bleu céleste, ayant une couronne d'or sur la tête et paraissant dans un grand éclat, je vois Jésus-Christ assis à la droite de son Père; et parce que le Sauveur figuratif et le Sauveur figuré ne sont parvenus à ce degré de gloire que par les humiliations, je conclus qu'il m'est bon, ô mon Dieu! d'être humilié, afin que je parvienne à la vraie gloire.

Sous le ministère de Mardochée, et sur la représentation d'Esther (784), trois mois après que l'édit d'Aman contre les Juifs avait élé porté, il en fut donné un tout contraire, lequel accordait aux Juifs, sur leurs ennemis, le pouvoir que le premier accordait à ceux-ci sur ceux-là. On en trouve encore une copie assez longue dans un fragment placé à la fin du Livre d'Esther (cap. xv1); le style y respire partout la piété la plus tendre, et il est une preuve de ce qui est dit (cap. xvi), que l'original fut conçu en la manière que Mardochée voulut. Après un préambule (785) où le roi se plaini amèrement que les princes sont presque toujours trompés par leurs ministres; que ceux-ci surprennent ceux-là par leurs déguisements et par leur adresse; qu'ils deviennent superbes et insolents; qu'imaginant pouvoir se Soustraire à la justice de Dieu, qui connaît tout, ils violent jusqu'aux droits naturels de l'humanité, et que cela se voit par les anciennes histoires; après ce préambule, dis-je, il vient à celle d'Aman, dont il découvre toute la méchanceté (786); dont il rappelle l'édit, en le déclarant nul; dont il annonce la fin honteuse, en disant qu'il a été pendu, avec tous ses proches (787), devant la porte de Suze; puis, faisant au contraire l'éloge des Juifs, il reconnaît qu'ils se conduisent par des lois très-justes; qu'ils sont les enfants du Dieu très-haut, très-puissant et éternel; que c'est par la grâce de ce Dien que le royaume des Perses a été donné à ses pères, et est passé d'eux jusqu'à lui. Enfin

donne son édit (788), portant en substance (789) qu'il accorde aux Juifs le pouvoir de se venger de leurs ennemis.

Cet édit fut exécuté à Suze le 13 et le 14

étaient connus et puissants. Mon lecteur peut se rappeler ici l'histoire de Darius fils d'Hystapes, et T'histoire si célèbre de la retraite des dix mille sous Xenophon. On dit 2° qu'il y avait des peuples nommés Macédoniens, non-seulement en Europe, mais aussi en Asie, en Lydie, en Ionic à qui Aman pouvait penser. On dit 3° qu'Aman était assez ambitieux pour aspirer lui-même au trône des Perses, que dans cette intention il avait favorisé la conspiration des eunuques, etc.

(787) Sous le nom de proches, ne s'entendent pas ses dix enfants, puisqu'ils ne sont tués que neuf mois après, au mois d'Adar. (Esther. ix. A seqq.)

(788) Il fut cacheté de son anneau et porté par les courriers, afin que courant en toute diligence par toutes les provinces, ils prévinssent les anciennes lettres, et en arrêtassent l'exécution.

(89) Il se lit au sixième fragment, chap. xv.

jour du mois d'Adar, et ailleurs, dans toutes les provinces de l'empire, le 13 jour. A Suze, il y eut cinq cents hommes tués le 13 d'Adar, et trois cents le 14, outre les dix fils d'Aman, qui furent pendus; et dans les diverses provinces soumises aux Perses, soixante et quinze milles furent enveloppés dans le carnage, sans qu'aucun des Juifs touchat à leurs biens; et les juges de ces provinces, auparavant contre eux, furent pour eux; et plusieurs idolâtres embrassèrent leur religion (790). Tout ceci serait-il sans leçon pour nous?

A considérer ces grands événements du côté de Dieu, je vois, et je me confirme daus cet article de ma foi, que l'avenir lui est aussi présent que le passé. Si cela n'était, prédirait-il les faits les plus libres, les plus indépendants des causes secondes, longtemps avant qu'ils n'arrivent, et même qu'il y en ait apparence, avant même qu'aucun de leurs auteurs ne soit en place? N'a-t-il pas montré en songe à Mardochée la chute de l'un et l'élévation de l'autre? Que signifiait cette vision qu'eut le pieux Israélite, bien avant la promotion d'Esther, cette vision que nous avons rapportée au commencement de ce livre? La petite fontaine qui devint un fleuve, n'était-ce pas Esther, que le roi épousa et qu'il voulut être reine? Les deux dragons qui combattirent l'un contre l'autre, n'étaient-ils pas Aman et Mardochée? Les deux nations qui s'assemblèrent l'une contre l'autre, et dont la dernière fut victorieuse, n'étaient-elles pas les gentils, puis les Juifs, qui prévalurent contre fes gentils? C'est l'explication que Mardochée donna de sa vision, lorsqu'il eut vu ces événements dont nous venons de parler, et ce qui lui fit dire : C'est Dieu qui a fait toutes ces choses.

A les considérer du côté d'Esther, les uns

(790) Les notes suivantes suffisent pour éclaircir les difficultés qui naissent ici en foule. 1° Esther qui demande au roi qu'on continue, le quinzième, le carnage commencé le 15, a pu faire cette demande cruelle à Assuérus par inspiration; on e conjecture de la facilité avec laquelle le roi y consentit. 2° C carnage put se faire en observant l'ordre judiciaire; les magistrats ayant arrêté les ennemis bien connus des Juifs. 5° Les deux édits étant de leur nature irrévocables, il y a apparence

y ont vu la figure de l'Eglise d'abord dans T'humiliation, puis dans l'élévation, et les autres y ont vu Maric, mère de Jésus-Christ, profondément humiliée sur la terre, et ensuite élevée au plus haut degré des oire dans le ciel.

A les considérer du côté de Mardochée, le front ceint d'un diadème royal, et commandant au plus vaste empire de la terre, qui ne voit Jésus-Christ couronné de gloire, et exerçant toute puissance dans le ciel et sur la terre?

Enfin, à les considérer de notre côté, les Juifs tuant leurs ennemis, sans néanmoins prendre rien de leurs biens, sont pour nous d'une grande instruction; ils nous invitent à exterminer en nous les ennemis de notre salut, à y crucifier le monde avec le vieil homme, d'une manière si parfaite que nous ne nous réservions aucune dépouille, abandonnant au monde et au démon tout ce qui leur appartient.

dre de la reine et du premier ministre, les Et lorsque selon l'institution (791) et l'orJuifs célèbrent partout la fête des Sorts, que nous apprennent-ils encore? que le démon, figuré par Aman, avait jeté le sort pour nous faire périr, et que Jésus-Christ, figuré par Mardochée, l'a jeté au jour marqué, pour nous sauver; ils nous rendent comme présent ce jour heureux où nous célébrons le souvenir de celui où l'édit de mort, porté contre nous, fut cassé, et où nos noms furent inscrits dans le livre de vie, ce jour où notre deuil sera changé en joie, ce jour favorable hommes; ce jour enfin où, délivrés de tous qui ne sera jamais effacé de la mémoire des les maux que nous voulaient et que nous faisaient nos ennemis, ils seront sous nos pieds dans l'opprobre, et nous sur leurs têtes dans la gloire des saints. C'est le bonheur que je vous souhaite, au nom du Père, etc.

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LIVRE DE JOB.

INSTRUCTION PREMIÈRE.

MODELE DE PATIENCE DANS LA PAUVRETÉ ET LES REVERS DE FORTUNE. (Job 1, 1-22.)

Vir erat in terra Hus, nomine Job.

Il y avait un homme dans la terre de Hus, nommé Job. (Job i, 1.) (792.)

L'histoire (793) de Job (794) que nous commençons aujourd'hui à vous expliquer est,

(792) On trouve trois hommes, du nom de llus, dans le texte original de la Genèse: un premier, fils d'Aram. petit-fils de Sem, dont les descendants habitèrent dans la Trachonitide en Syrie (Gen. x, 23); un second, fils de Nachor, qui demeura en Mésopotamie (Gen. xxII, 21); un troisième, fils de Disan, fils de Séir lorréen, ainsi appelé d'un lieu faisant partie de l'Idumée. (Gen. xxxvi, 28.) C'est une première remarque à la suite de laquelle nous pouvons au moins conjecturer qu'elle était la patrie du saint homme Job. Voici en effet le raisonnement dont elle offre l'idée.

Cette terre de Hus où habitait Job, était la terre ou du fils d'Aram, en Syrie, ou du fils de Nachor, en Mésopotamie, ou du petit-fils de Séir. Or, on ne connait point de terre du nom de Hus dans les deux premières contrées, et on en connaît une dans la troisième, qui est l'Idumée. C'est dans ce passage de Jérémie Réjouis-toi, fille d'Edom, qui demeure dans la terre de Hus! (Thren. iv, 24.) On voit ici que la fille d'Edom, c'est-à-dire la postérité d'Esaü, demeurait dans la terre de Hus. Or la postérité d'Esau demeura t certainement dans l'ldumée appelée du nom d'Esau. Donc la terre de Hus et ridumée étaient une mème contrée, ou plutôt, celle-là faisait partie de celle-ci.

On tire encore de là trois autres conséquences. La première, que Job était donc Iduméen d'origine (a), La seconde, qu'il était descendant d'Esau au quatrième degré, et d'Abraham au mème degré que le père de Moise. La troisième, qu'il était plus ancien que Moïse (b).

La seconde de ces conséquences, savoir que Job descendait d'Esau, ne souffrirait aucune difficulté, si ce fragment qui se lit à la fin du livre de Job, dans la version des Septante, était certainement du livre même, le voici: Job habitait dans le pays appelé Ausitis, dans les confins de l'Arabie et de l'Idumée. Son premier nom fut Jobab, il prit une femme arabe, dont il eut un fils nommé Ennon. Il était fils de Zaré, un des fils d'Esaü. Par celui-ci, il était le cinquième (et selon l'arabe le sixième) depuis Abraham (c). » L'auteur de ce fragment dit l'avoir tiré du syriaque; il se trouve dans tous les exemplaires grecs, et dans ceux de l'ancienne Vulgate traduite du grec. Serait-il donc sans autorité? n'appuie-t-il pas suffisamment l'opinion

(a) La conséquence n'est cependant pas absolument certaine, Job ayant pu venir d'ailleurs pour s'établir dans l'idumée.

(b) Il parait être de l'âge d'Amran, lequel engendra Moise âgé de soixante-dix ans, par conséquent Job aurait eu soixante-dix ans plus que Moïse, par conséquent, et Cans la supposition que son affliction lui fût arrivée vers eet âge, Moise aura bien pu en écrire l'histoire, ou dans le desert, ou en Egypte mème.

(Saint Thomas dit qu'il s'en tiendra au sens littéral de

mes frères, l'histoire d'un chacun de nous pour un premier point, et je désire vous l'expliquer de manière qu'elle le devienne aussi pour un second. Elle est l'histoire d'un chacun de nous pour un premier point, et quel est-il, ce point? c'est que chacun de nous a ses peines; celles de l'âge, celle de l'état, celles des éléments, celles des hommes et de leur méchanceté si la jeunesse a ses travaux, la vieillesse n'a-t-elle pas ses infirmique Job descendait d'Esau? C'est d'ailleurs celle du plus grand nombre des Pères et des auteurs ecclésiastiques. Il est vrai que saint Jérôme, dans ses traditions hébraïques sur la Genèse, s'est déclaré pour ceux qui font descendre Job du fils de Nachor; mais la seule raison qu'il donne de son sentiment, c'est que le nôtre ne se trouve pas dans T'hébreu, comme dans le grec...

(793) Le Livre de Job renferme une histoire et non une fiction, c'est ce qu'on peut prouver 1° par ce grand amas de circonstances, de heux, etc., etc., qui marquent que l'auteur ne feint point des personnages, mais qu'il les peint d'après nature, 2o et cette preuve est d'un tout autre poids, par Tonie (1, 12, 15), Ezéchiel (xiv, 14) et saint Jacques (v, 41), qui parlent de Job comme d'un saint qui a existé pour être un modèle de patience. 3° Par les suffrages d'Origène, de saint Cyprien, et de tous les Pères; par celui des Juifs et des Chrétiens; par celui des Eglises grecque et latine, qui proposent son exemple, célèbrent sa fète et invoquent son intercession. Que peut le silence de Josèphe contre ces arguments positifs? que peuvent aussi les au torités des talmudistes et des anabaptistes, qui enseignent que tout est fiction dans ce livre?

Leur plus forte, ou plutôt la seule de leurs objec→ tions, est la suivante, qu'ils tirent 1° du dialogue entre Dieu et Satan ; 2o de la rapidité avec laquelle les plus grands désastres fondirent, dans un même jour, sur les biens et la famille de Job; 3° du silence et du jeune que les amis de Job observèrent pendant sept jours; 4 de la longueur des discours de Job et de ses amis, et du style poétique de ces discours. Sur quoi ils disent, il en est des autres événements rapportés dans le Livre de Job comme de ceux-ci. Or, ceux-ci sont évidemmemt des faits imaginés. Donc, tous les autres sont de la même nature, et le livre entier n'est qu'une fiction.

Mais laquelle de ces propositions se soutient-elle? De ce qu'il se trouve quelques paraboles dans un livre. s'ensuit-il que tout le livre soit parabolique? Est-il bien vrai que les quatre faits allégués sont peints d'imagination? nous sera-t-il fort difficile d'en défendre la réalité dans notre commentaire? Voyezle sur ces mêmes faits.

(794) Elle est intitulée du nom de Job, parce qu'il est le premier et le principal personnage.

cette histoire, parce que saint Grégoire en a si bien développé le sens mystique, qu'il n'a rien à y ajouter).

(c) Comme Aram, père de Moïse, lequel Aram à re nonter à Caath; par Caath, à Lévi; par Lévi, à Jacob; par Jacob, à Isaac, se trouve le cinquième depuis Abraham, de même que Job, à remonter à Zara ; par Zara, à Rahuel; par Raliuel, à Esau; par Esau, à Isaac, est aussi au cinquième degré, petit-fils d'Abraham.

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