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sans quelque danger. On pouvait craindre que le bourgeois n'en fût froissé et ne prît la chose en mauvaise part. C'était une sympathie trop exclusive. Comme pour répondre à ce reproche, peu d'instants après une affiche nouvelle étala ces mots en caractères monstrueux :

GARDES NATIONAUX,

NOMMONS OSCAR,

L'ennemi de l'émeute.

Décidément, se dit le peintre ému jusque dans les profondeurs de sa barbe, ce Mistigris est un adolescent d'une rare distinction. Comme il a saisi ma pensée! Comme il l'a rendue avec bonheur ! C'est un sujet précieux ! un diamant brut! Et moi qui laissais périr ces belles facultés ! C'est un tort, Jérôme, je veux le réparer.

Tu feras bien.

Dès demain je le lance dans les mers de l'avenir, et je pose les bases de sa fortune.

En échangeant ces mots, nous arrivâmes aux portes du collége. La foule n'était pas grande; cependant vers l'entrée même, un groupe s'était formé, et l'on y entendait résonner les éclats d'un rire le plus franc. Un sentiment de curiosité nous poussa de ce côté. La bonne humeur du groupe était provoquée par une affiche qui couvrait le mur et où l'on pouvait lire :

Citoyens,

NOMMEZ OSCAR,

ET VOUS AUREZ :

Des décrets au vert,

des lois au vert,

des ministres au vert,

un président au vert.

C'est sa couleur!

Oscar demeura atierré; ce placard était pour lui

la tête de la Gorgone. Il n'y pouvait ajouter foi, même en le voyant, même en le touchant. Il se croyait sous l'empire d'une illusion. Enfin, lorsqu'il ne put plus douter de son malheur, sa colère se fit jour, et brandissant son jonc dans le vide :

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Petit drôle, s'écria-t-il, si je te tenais ici, je te briserais les reins.

Les élections s'achevèrent. Des quatre cent mille voix sur lesquelles il comptait, Oscar n'en recueillit que cinq cent quatre-vingt-quatre, demeurées fidèles à sa fortune. C'était bien peu de charpie pour une aussi large blessure. Mais ce qu'on ne lui eût pas arraché de l'esprit, c'est qu'en dehors de ce fâcheux incident, la victoire lui était acquise, et que la responsabilité de son échec devait peser tout entière sur la tête de l'odieux Mistigris.

CHAPITRE XIX.

L'Assemblée.

Depuis deux jours, je suivais avec une impatience très-vive les nominations que le télégraphe annonçait à Paris, et je me refusais à comprendre pourquoi le nom de Simon n'y figurait point encore. J'accusais tout le monde de ce retard, le commissaire, le ministre, le gouvernement; je ne pouvais croire qu'une élection si naturelle ne fût pas sur-lechamp accomplie et connue. On sait quelles chimères se crée une imagination en travail; je voyais là-dedans un complot et une nouvelle rigueur de ce destin si acharné contre moi.

Pour me tenir au courant, il n'était aucun soin

que je ne prisse. Je frappais à toutes les portes officielles ou non, j'épiais jusqu'aux signaux aériens, qui étaient pour moi lettres closes. A la bourse, au café, dans les bureaux de journaux, je cherchais un renseignement positif; je demandais notre Simon à tous les nouvellistes d'alentour. Le digne meunier ne se doutait pas qu'il fût l'objet d'une si vive sollicitude. Il est vrai qu'au delà du représentant je voyais Malvina, et que l'absence m'avait rendue plus chère la perspective de notre réunion. Ainsi, affaires de cœur, affaires politiques, tout concourait à me tenir en éveil et à exciter dans mon âme, au plus haut degré, les sourdes inquiétudes de l'attente.

A la suite d'une de ces longues courses sans résultat, je venais de regagner un jour l'hôtel, lorsqu'à ma grande surprise, je vis ma chambre ouverte et occupée. Je crus à un abus de confiance et entrai précipitamment. Une femme était installée chez moi; les paquets, les malles encombraient la pièce et une partie du palier. J'allais demander une explication, lorsque je reconnus Malvina. Elle se jeta dans mes bras, tandis que mon jeune fils se suspendait aux basques de mon habit. C'était ma famille, c'était ma maison. J'eus un moment de bonheur sans mélange. Ma femme, mon enfant m'étaient

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