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mençait à s'animer. Heureusement qu'une voix se fit entendre à ma gauche :

En ont-ils pour longtemps, citoyen? me disait-on.

Je me retournai; c'était encore un homme d'une belle prestance, bien nourri, bien vêtu, et, comme l'autre, une tête de colonne :

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Je l'ignore, ajoutai-je; mais, vu l'objet, ça ne peut être long.

Tant mieux, citoyen; car chaque minute de retard est pour nous une perte sèche.

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Le citoyen est banquier? dis-je en l'exami

- Crêmier! et posé pour cela. Crème de Chantilly tous les jours et glaces tout l'été. Voici mes prix et mon adresse. Un mot par la poste, citoyes Singulière façon de recruter des clients, pensai-je en mettant l'imprimé dans ma poche. que le gouvernement nous reçoive, reprit le crêmier avec un piétinement significatif. - C'est donc bien urgent? lui dis-je.

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Pourvu

- Il y va de notre ruine, citoyen. Voilà l'enseigne où nous sommes logés.

toyen.

C'est à peu près celle de tout le monde, ci

-La nôtre surtout, si le gouvernement ne nous délivre pas d'un ennemi.

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Un ennemi des crêmiers!

Oui, citoyen, ou plutôt une ennemie !

Une femme; alors le danger n'est pas grand!

Des femmes féroces, citoyen, qui nous sucent jusqu'à la moelle des os! Féroces! féroces! Mais encore, qui donc ?

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Les laitières, citoyen! Concevez-vous cela qu'on laisse subsister des laitières quand il existe des crêmiers? Est-ce juste, voyons? Quest-ce qu'il leur faut à ces femmes? une chaufferette et un coin de porte cochère; voilà leurs déboursés. Qu'est-ce qu'elles rendent à l'État? pas une obole. En convenez-vous?

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Puisque vous le voulez.

Tandis

que les crêmiers, citoyen, supportent un loyer, payent une patente et font leur service de gardes nationaux. Demandez donc à ces damnées laitières de sauver périodiquement la patrie? Elles sc contentent de nous ruiner.

Un bien petit commerce, citoyen.

Est-ce que vous songeriez à les défendre,

môsieur? Il ne manquerait plus que cela. Pour mon compte, je suis parfaitement décidé ; je vais mettre le marché en main au gouvernement. J'ai fait la révolution, môsieur; mais si elle tourne au profit des laitières, je vous déclare que je m'en sépare positivement et que je passe à toutes les régences. Je suis l'ennemi des abus, et la laitière en est un.

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Vive la république! m'écriai-je pour faire une diversion à ses fureurs.

- Oui, môsieur, dit-il en posant son chapeau sur l'oreille; vive la république des crêmiers! Je ne connais que celle-là.

Je m'éloignai; et en quittant la place, une réflexion me poursuivit :

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Comme les devises sont menteuses! me dis-je. Les Savoyards, proscrits! les Anglais, proscrits! les tailleurs allemands, proscrits! tout cela par intérêt. Parmi nous, même lutte. Le crêmier poursuit la laitière; le pâtissier en veut au boulanger, le marchand sédentaire à l'étalagiste, la boutique à prix five à la vente à l'encan. Guerres de salaires ou d'industries. Est-ce un mauvais rêve? Nous vivons pourtant sous le régime de la fraternité.

Hélas! de cette fraternité, nous n'avions guère que l'enseigne, et c'était le cas de dire d'elle ce

que l'illustre Romain disait de la vertu. Chaque jour m'en apportait un exemple. Au nom de la fraternité, on excluait les hommes, on songeait à briser les presses. Au nom de la fraternité, on poursuivait les riches d'affiches odieuses et de cris menaçants. Trente ans de repos avaient à la fois énervé et perverti les âmes sans force pour le mal, elles l'étaient aussi pour le bien. Aussi s'agitait-on au hasard et dans un mauvais sens. Pour beaucoup, la révolution n'était plus une conquête, c'était une affaire.

FIN DU PREMIER VOLUME.

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