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de vous.

gle, ce vieux Soldat, Bélifaire enfin n'oubliera jamais l'accueil qu'il a reçu Que dites-vous? Qui, Bélifaire ? - C'eft Bélifaire qui vous embraffe!-Ojufte ciel, s'écrioit Gelimer, éperdu & hors de lui-même! Bélifaire dans fa vieilleffe, Bélifaire aveugle eft abandonné! On a fait pis, dit le vieillard.: en le livrant à la pitié des hommes, on a commencé par lui crever les yeux. Ah, dit Gelimer, avec un cri de douleur & d'effroi, eft-il poffible? Et quels font les monftres?... Les envieux, dit Bélifaire. Ils m'ont accufé d'afpirer au trône, quand je ne penfois qu'au tombeau. On les a cru, on m'a mis dans les fers. Le peuple enfin s'est révolté & a demandé ma délivrance. Il a fallu céder au peuple; mais en me rendant la liberté, on m'a privé de la lumiére. - Et Juftinien l'avoit ordonné !

- C'eft-là ce qui m'a été sensible. Vous favez avec quel zéle & quel amour je l'ai fervi. Je l'aime encore, & je le

plains d'être affiégé par des méchans qui déshonorent fa vieilleffe. Mais toute ma conftance m'a abandonné, quand j'ai appris qu'il avoit lui-même prononcé l'arrêt. Ceux qui devoient l'exécuter n'en avoient pas le courage; mes bourreaux tomboient à mes pieds. C'en est fait, je n'ai plus, grace au ciel, que quelques momens à être aveugle & pauvre. Daignez, dit Gelimer, les paffer avec moi, ces derniers momens d'une fi belle vie. Ce feroit pour moi, dit Bélifaire, une douce confolation; mais je me dois à ma famille, & je vais mourir dans fes bras. Adieu.

Gelimer l'embraffoit, l'arrofoit de fes larmes, & ne pouvoit fe détacher de lui. Il fallut enfin le laiffer partir; & Gelimer le fuivant des yeux, O profpérité! difoit-il, ô profpérité! qui peut donc fe fier à toi ? Le héros, le juste, le fage, Bélifaire !... Ah! c'est pour le coup qu'il faut fe croire heureux en

béchant fon jardin. Et tout en difant ces mots, le Roi des Vandales reprit fa béche.

CHAPITRE III.

BELISAIRE approchoit de l'asyle où sa famille l'attendoit, lorfqu'un incident nouveau lui fit eraindre d'en être éloigné pour jamais. Les peuples voifins de la Thrace ne ceffoient d'y faire des courfes; un parti de Bulgares venoit d'y pénétrer, lorfque le bruit fe répandit que Bélifaire, privé de la vue, étoit forti de fa prifon, & qu'il s'en alloit, en mendiant, joindre fa famille exilée. Le Prince des Bulgares fentit tout l'avantage d'avoir ce grand homme avec lui, ne doutant pas que, dans fa douleur, ik ne faisît avidement tous les moyens de fe venger. Il fut la route qu'il avoit prife; il le fit fuivre par quelques-uns des fiens; & vers le déclin du jour Bélifaire fut enlevé. Il fallut céder à la violence, & monter un courfier fuperbe qu'on avoit amené pour lui. Deux des Bulgares le

conduifoient ; & l'un d'eux avoit pris fon jeune guide en croupe. Tu peux te fier à nous, lui dirent-ils. Le vaillant Prince qui nous envoie honore tes vertus, & plaint ton infortune. Et que veutil de moi, demanda Bélisaire? Il veur, lui dirent les Barbares, t'abreuver du fang de tes ennemis. Ah! qu'il me laisse fans vengeance, dit le vieillard : sa pitié m'eft cruelle. Je ne veux que mourir en paix au sein de ma famille; & vous m'en éloignez. Où me conduisez vous ? Je fuis épuifé de fatigue, & j'ai besoin de repos. Auffi vas-tu, lui dit-on, te repofer tout à ton aife, à moins que le Maître du Château voifin ne foit fur fes gardes, & ne foit le plus fort.

Ce Château étoit la maison de plaifance d'un vieux Courtifan appellé Beffas, qui, après avoir commandé dans Rome affiégée, & y avoir exercé les plus horribles concuffions, s'étoit retiré avec dix mille talens (a). Bélifaire avoit (a) Six millions.

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