صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

Conrart, dans ses Lettres familières à Félibien, rapporte que Bertaut avait donné le sujet d'un ballet intitulé les Passions déréglées, qui fut dansé aux mois de janvier et de février 1648. Après son voyage de Suède, il devint un des familiers de l'hôtel de Rambouillet, rendez-vous des beaux esprits du temps, sorte d'Académie illustrée par les auteurs de le Guirlande de Julie, et l'essai merveilleux du jeune Bossuet dans la chaire. (1)

Parmi les nombreux libelles qui furent publiés en 1649 contre le cardinal Mazarin, il s'en trouva un dans lequel on établissait, entr'autres propositions fort surprenantes pour le temps, que les griefs des peuples doivent être décidés par les armes, et qu'ils pouvaient changer de lois ou porter la couronne dans d'autres familles. Bertaut alors fort jeune, attaqua cet écrit, et sa réponse eut du succès. Sa sœur qui nous apprend cette particularité, a oublié de nous faire connaître les titres des deux ouvrages. (2)

Bertaut publia en 1669: Journal d'un voyage d'Espagne fait en 1650, contenant la description de ce royaume. etc.... Paris, in-4o 1669. Son voyage

(1) Tallemant des Réaux, t. v, p. 133 et suiv. 140, en note, et 135. Voir aussi le tome vII, p. 177.

(2) Collection Petitot, f. xxxvIII, p. 289.

dans la Péninsule avec le duc de Grammont, lors du mariage de Louis XIV, lui fournit la matière de la longue et curieuse lettre dont sa sœur a orné ses Mémoires, et dans laquelle il peint fort bien la cour et les mœurs espagnoles; mais il traita le même sujet beaucoup plus amplement dans un ouvrage intitulé :

« Discours succint de l'état d'Espagne, son estendue et grandeur, la nature du pays, la cour du roy et de la reine, des grands et nobles, des ordres militaires, la manière du gouvernement, de la justice, des conseils, l'état ecclésiastique, la vie d'Espagne, et du revenu du roy; le tout diligemment recueilli lors de l'ambassade de M. le maréchal de Grammont, en l'année 1659, par M. Bertaut, prieur-commendataire du Mont-aux-Malades, cydevant lecteur du roy, et à présent conseiller au parlement de Rouen. » (1)

L'auteur était fort considéré de l'abbé de Marolles auquel il fit présent de ses ouvrages. (2)

Ses liaisons avec la famille de Grignan et de madame de Sévigné ne lui font pas moins d'honneur.

(1) J'ai vu le manuscrit de cet ouvrage dans une bibliothèque particulière. Il comprend environ 200 pages in-folio. J'ignore s'il a été imprimé.

(2) Mémoires de Marolles, t. III, p. 238.

Celle-ci écrivait à sa fille le 4 janvier 1690: « Ma« dame de Motteville est morte. N'écrirez-vous

point à son frère?» (1)

Bertaut pouvait faire plus que des récits de voyages, des ballets et des épigrammes. Il a pris place parmi les érudits par son curieux et très savant livre des Prerogatives de la Robe, ouvrage divisé en dix chapitres.

Dans le premier, l'auteur établit que la plus belle fonction des rois est de rendre la justice, et que les rois de France l'ont rendue eux-mêmes jusqu'à ce qu'ils s'en soient déchargés sur les Parlements. Une rapide et savante analyse de nos annales depuis les premiers Mérovingiens jusqu'à Louis XIV, confirme la vérité de sa proposition.

Le chapitre deuxième montre que les ducs et les comtes rendaient la justice dans les provinces et les seigneurs de fiefs dans les villages.

Le troisième chapitre est consacré à prouver que la robe est un habillement qui marque la dignité. Que l'habit de MM. du Parlement est celui des rois, des ducs et pairs et chevaliers. Ce chapitre suppose une vaste lecture. et une étude attentive des médailles, des tombeaux, des vitraux, des an

(1) Lettres, t. 9, in-8o, p. 287, édition de 1818..

ciennes tapisseries et des miniatures des manuscrits. Il traite aussi de la tunique, du pallium, de l'aumusse, du mortier, du rochet, du surcot, du chaperon, de la soutane, du scapulaire. C'est une mine à exploiter pour ceux qui étudient les costumes en usage chez nos ayenx.

La vénalité des charges fait le sujet du quatrième chapitre.

Le cinquième a pour titre : des qualités de Maitre, de Messire, de Sire, de Sieur,etc.

Le sixième traite de la noblesse, de la bourgeoisie, de l'origine des pairs. On y trouve aussi des documents sur l'origine des communes de France.

Dans le septième, l'auteur démontre la noblesse des conseillers au Parlement; à l'abondance de ses preuves, à la véhémence de son style, au ton un peu dédaigneux dont il parle des gens d'épée, on sent qu'il agite une question personnelle.

Le huitième est intitulé: De la nature des assemblées qui se sont tenues en France dans le temps de l'établissement de la monarchie; de quelle manière les Ordres du royaume ont été composés depuis Hugues-Capet, et particulièrement de l'assemblée des notables tenue en 1557, dans laquelle on fit quatre Ordres au lieu

de trois. Des assemblées de 1614, 1617 et 1626. Dans ce long chapitre, Bertaut soutient sa réputation d'érudit, mais il donne un peu trop aux questions d'étiquette et de préséance.

Le neuvième explique la différence des parlements et des états généraux, des assemblées des notables et des lits de jutices.

Le dixième montre l'avantage que les gens de justice ont eu sur les gens d'épée, sous les empe

reurs romains et sous nos rois.

On me pardonnera cette rapide analyse d'un livre devenu rare, et qui passera toujours pour l'œuvre d'un homme docte et d'un écrivain exercé. Les registres des parlements de Rouen et de Paris et les communications du savant Vion d'Hérouval avaient été d'un grand secours à l'auteur.

Arthus de Lionne, successeur de Bertaut, était fort versé dans les sciences ecclésiastiques. En arrivant à Siam, en 1685, l'abbé de Choisi le trouva à la tête du séminaire que les Français y avaient fondé. Ce fut le 29 septembre de cette année que ces deux amis d'enfance purent se jeter dans les bras l'un de l'autre à bord de l'Oiseau, vaisseau de la marine royale, mouillé à la barre de Siam: La grande barbe de M. l'abbé de Lionne ne m'a pas empêché de le reconnaître. Il est fort maigre et

«

[ocr errors]
« السابقةمتابعة »