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servé cette antique cérémonie, et qu'elle ait pu résister à la destructive philosophie moderne. J'ose croire qu'il reste encore un germe de vertus dans les gens de la campagne, quoiqu'on ait attaqué leur moralité par le côté le plus susceptible, par l'intérêt, en leur accordant le pillage des anciens propriétaires. Il y a donc de la ressource encore; oui, tout se remettra avec le temps, tout rentrera dans l'ordre, après une longue et terrible maladie nationale. Les étrangers en ont eu peur, heureusement pour eux. Si les suites de cette révolution avaient été moins hideuses, elle aurait fait le tour du monde; mais l'effroi qu'elle a inspiré est favorable. Les Français, toujours détestés et imités par tous les autres peuples, vont redevenir un peuple aimable, s'ils reviennent aux vrais principes; mais cela sera long, parce que la génération présente a été élevée dans le crime, la violence et le mépris de tous les devoirs naturels et sociaux,

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Mademoiselle Valkiers, de Bruxelles, femme du comte Balouski, est ma très bonne amie. Je désirerais savoir par elle ce qu'est devenu son frère Édouard. Fais-lui faire mes sincères complimens. Tu m'as fait grand plaisir par le détail que tu m'as donné sur Xavier. Je le trouve très heureux, et quand même les occasions me mettraient à portée de lui présenter une carrière plus brillante, je desirerais qu'il fût assez sage pour me refuser. Je ne désire non plus rien pour moi-même, à moins que cela ne puisse être d'une très grande utilité, ce que je ne prévois pas.

Adieu, ma sensible et bonne Amélie; j'espère que nous pourrons encore nous écrire, malgré les apparences de guerre qui m'environnent. La conduite des Français dans le pays d'Hanovre est excellente. En tout

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la partie militaire de cette révolution a toujours été superbe; c'est la seule dont la nation puisse s'honorer.

Je t'embrasse mille fois.

CHARLES.

II.

LE BUSTE DE PIRON, PAR CAFFIERI (1).

A M. Molé, pensionnaire du Roi, rue du Sépulcro.

Paris, le 2 août 1773.

Trouvez bon, mon cher Molé, que je rappelle à votre souvenir, ainsi que vous l'avez désiré, la proposition de M. Caffieri. Il y a quelques années qu'il a fait en terre cuite et en plâtre le buste de Piron. C'est un morceau de sculpture généralement estimé, et pour la beauté de l'ouvrage, et pour la vérité de la ressemblance, et pour l'art délicat avec lequel M. Caffieri a su exprimer la gaieté fine de l'auteur de la Métromanie. Cet artiste propose donc à MM. les Comédiens Français d'exécuter ce buste en marbre, et de le leur donner, à la seule condition qu'ils lui accorderont ses entrées en tout temps pendant sa vie. Je ne sais si l'amitié m'aveugle, mais il me semble que cette proposition se recommande d'elle-même quand elle est faite par un homme du mérite de M. Caffieri.

J'espère que j'aurai bientôt à me féliciter d'avoir

(1) Ce buste est celui qui se fait aujourd'hui remarquer dans le foyer de la Comédie Française.

été chargé d'une négociation également utile et agréable aux deux parties intéressées.

Recevez les nouvelles assurances de la véritable estime et de la tendre amitié de votre très humble et très obéissant serviteur.

DE BELLOY.

Mes respects à madame Molé. Comment se trouvet-elle aujourd'hui ?

A M. De Belloy (1).

Monsieur, j'ai fait part à la Comédie assemblée de la proposition de M. Caffieri, dont la réputation atteste les talens, de remettre au foyer de la Comédie Française le buste en marbre du célèbre Piron; qu'en conséquence de cet ouvrage de M. Caffieri, il jouirait de ses entrées en tout temps et pendant sa vie.

L'assemblée a reçu avec les plus sincères mouvemens de reconnaissance, de joie et d'admiration, la proposition de posséder le buste de Piron: elle promet passer un acte par lequel elle aura reçu un abonnement à vie dont l'argent sera employé à payer le buste dont il s'agit; cette forme observée seulement pour obvier à la pente trop naturelle qu'a la Comédie Française d'accorder des entrées.

Ainsi, Monsieur, M. Caffieri peut travailler en toute sûreté et compter sur son entrée du moment où il aura remis à la Comédie cet ouvrage, que nous nous apprêtons tous à admirer autant qu'il nous sera cher.

[MOLÉ. ]

(1) Copié sur la minute.

A M. Molė.

A Paris, ce 27 août 1773.

Monsieur, la réponse que vous avez faite à M. De Belloy me fait voir que je ne vous avais pas expliqué suffisamment mes intentions. Je vais entrer dans un plus grand détail, afin que nous puissions prendre des arrangemens clairs et précis.

Le buste que je propose à la Comédie n'est pas un ouvrage fait je ne m'engage même à le donner que dans trois ans. Vous n'avez pas actuellement de foyer pour le placer; j'ai d'ailleurs d'autres ouvrages promis; et enfin j'aime mieux prendre plus de temps que moins, pour ne pas manquer à ma parole, dont je suis esclave. Cependant je désirerais avoir mes entrées dès à présent; et cette prétention, qui vous paraîtra extraordinaire au premier aspect, est, au fond, très juste, comme vous l'allez voir. Un buste de marbre exige des dépenses considérables de la part de l'artiste; ce n'est pas comme un tableau, dont la toile et les couleurs ne sont comptées pour rien: le bloc de marbre coûte environ quinze louis, et il en faut donner vingt-cinq au compagnon qui le dégrossit et le travaille pendant trois mois avant que le sculpteur y donne lui-même le premier coup de ciseau. De là, il résulte, Monsieur, que si, dans un an ou dix-huit mois, après avoir déboursé quarante louis et employé mon temps au moins pour cinquante, je venais à mourir sans que le buste fût entièrement fini, j'aurais fait toute cette avance en pure perte, et n'aurais retiré aucun fruit de mes dépenses et de mon travail. Voilà ce que je veux et dois

éviter, en demandant à jouir de mes entrées dès le moment où nous serous convenus de nos faits.

Je sens bien que, d'un autre côté, la Comédie doit craindre de s'exposer à m'avoir donné mes entrées pour rien, dans le cas où je viendrais à mourir sans avoir fini le buste. Mais voici le remède à cet inconvénient : Je stipulerai dans l'acte que, dans le cas de mort, mes héritiers seront obligés de faire achever le buste à leurs dépens par quelqu'un de mes confrères de l'Académie royale, et qu'on prendra, à cet effet, sur ma succession, la somme nécessaire, comme étant une dette contractée par moi envers la Comédie. L'état de ma fortune répond assez, je crois, d'un pareil objet. Ainsi, Monsieur, tout est prévenu de cet arrangement: je jouirai du fruit de mon travail et de mes déboursés, et la Comédie est assurée de ne pas me donner mes entrées sans recevoir le buste, qui en est le prix. Au reste, non-seulement je consens, ainsi que vous

me le

proposez, mais moi-même je désire essentiellement que l'acte que nous passerons soit dans la forme et aux mêmes conditions que vos abonnemens à vie; vous les fixez à mille écus, et c'est exactement le prix de mes bustes. Celui de M. Helvétius, qui est actuellement au Salon, m'a été payé sur ce pied.

Vous voudrez donc bien, Monsieur, communiquer mes propositions à messieurs vos confrères : je désire qu'elles leurs soient agréables, et je n'ai pas moins d'impatience d'aller jouir de leurs talens, que de leur consacrer les miens.

J'ai l'honneur d'être avec la plus haute estime, pour les vôtres en particulier, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

CAFFIERI.

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