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la religion, et il a cru éviter par là la comparaison des styles; il ne parle pas de Denis le chartreux, qui a aussi écrit sur cette matière. Une matière si grave et si sublime ne devait pas être traitée dans ces phrases frivoles et puériles, et on lui reprochera toujours d'avoir ramassé à la fin de son livre douze objections très fortes contre la religion, auxquelles il n'oppose pas des réponses si fortes, en sorte qu'on peut dire de lui ce qui est dit de Pantagruel, qu'il aimait fort les syllogismes, qu'il les savait très bien faire in modo et figurá, mais qu'il ne pouvait les résoudre. Il est même très périlleux de donner au public ces objections ramassées en un même lieu quand on y répondrait bien, parce que les libertins se chargent de l'objection et laissent là la réponse. A-t-il cru mieux faire qu'Abbadie, de qui M. Pélisson dit, en s'adressant à Dieu dans une tendre prière : « Père des lumières et des miséri«< cordes, ce n'est point sans vous qu'on écrit pour << vous avec tant de clarté et tant de force. Ne laissez « pas vos dons imparfaits, achevez en lui ce qui reste « à faire pour son salut pendant qu'il travaille au sa<«<lut des autres, et qu'en adorant sur son sujet les <«< abîmes de votre sainte Providence, nous n'adorions << pas moins ceux de votre infinie bonté. » Voilà ce qu'on appelle des grâces et non pas ce style persévéramment (1) étudié, cette déclamation perpétuelle employée dans une matière de discussion et de critique, et cette obscurité métaphysique qui se rend seulement claire aux personnes et aux génies qui se flattent, mal à propos, de bel esprit.

M. l'abbé de Houteville, à ce que j'ai appris, a été

(1) C'est un terme de notre nouvel auteur. (Note de Marais.)

Père de l'Oratoire à Tours, et est sorti de cette congrégation pour des raisons qui n'honorent pas ses mœurs. Dans les ruelles on s'arrache son livre des mains et l'on ne se souvient plus de ce qu'a dit Despréaux :

Son trop d'esprit s'épand en trop de belles choses;
Tous métaux y sont or, toutes fleurs y sont roses.

J'ai découvert que dans le chapitre VI de la deuxième partie il a pillé une très grande partie d'un sermon de M. de Cambrai (Fénelon), prêché le jour des Rois, qui est imprimé, et l'a copié presque mot pour mot: pur plagiat. Il allonge aussi le Discours de M. de Meaux sur l'histoire universelle.

1

15, 16, 17. — Carnaval. Le dimanche 15 il n'y a point eu de conseil de Régence à cause de la dispute sur la séance du cardinal de Rohan. Les ducs se sont assemblés chez le chancelier et chez le Régent; l'affaire n'a pu s'accommoder, il y a eu de gros mots entre le chancelier et le cardinal Dubois. Le Régent a dit au chancelier qu'il croyait qu'il avait plus de lecture, et on a appris que le cardinal Dubois devait entrer au conseil de Régence, et cela a rendu la matière encore plus difficile.

22.

22. Ce jour le cardinal Dubois est entré avec le cardinal de Rohan au conseil de Régence; mais ni le chancelier, ni les ducs et pairs, ni les maréchaux ne s'y sont trouvés; c'était un parti pris entre eux qui a été courageusement soutenu et exécuté. Ainsi la préséance n'a pas été grande. Ce conseil était composé du Roi, du Régent, de M. le duc, de M. le comte de Charolais, du comte de Toulouse, du cardinal de Rohan, du cardinal Dubois, de l'ancien évêque de Troyes, de M. de Torcy, de M. de La Vrillière, de M. de Canillac, de M. Dessors et du marquis de Biron.

Les cardinaux n'ont donc précédé qu'un évêque, un secrétaire d'État et quelques gentilshommes; le maréchal de Villeroy, quoique gouverneur du Roi, n'a point voulu entrer à ce conseil, ni les maréchaux de Villars, de Berwick, Tallard, d'Estrées, d'Uxelles, de Bezons et de Montesquiou; ni les ducs de La Force, de Gramont, de Saint-Aignan et de Noailles, qui en sont membres ordinaires. Le Régent a dit qu'il ne s'en souciait guère et qu'il se passerait bien d'eux. Attendons la suite. Le chausse-pied (1) reste toujours au cardinal de Rohan.

On voit dans les Gazettes de Hollande, depuis peu, une lettre apologétique pour le cardinal Alberoni, qui est pleine de faits curieux et d'anecdotes. Il y traite. la question de savoir si un cardinal, ministre d'un roi, ́est obligé de découvrir au pape les secrets de son maître, ét cette question vient bien à ce temps-ci où on met les cardinaux dans les conseils. Si Rome leur fait un crime de ne pas avertir le pape de ce qu'ils savent qui peut regarder l'État ecclésiastique, il est d'un grand danger de les faire ministres. Tout bien considéré, les cardinaux, faisant serment au pape, ne doivent passer ici que pour étrangers, et tous les exemples contraires, quoiqu'il y en ait beaucoup, sont des défauts dans le gouvernement.

---On ne parle à Paris que des préparatifs pour l'Infante qui arrive incessamment. Le carême est un vrai carnaval. On ne songe qu'à danser, à baller, à faire des feux et des réjouissances; il y aura bal au Louvre, à la Ville, au Palais-Royal, et illumination partout. Le jubilé est renvoyé à Pâques; tous les seigneurs font des dépenses prodigieuses en habits. Je sais d'un maître

(1) Voir précédemment page 78.

d'hôtel du Roi, qu'ayant demandé au Régent un ordre pour les fruits et collation du grand bal du Roi, il a dit : « Il n'en faut point donner, car cela romprait le jeûne, » et a seulement ordonné des liqueurs qui ne le rompent pas. Depuis quelques jours on s'est plaint des robes abattues des femmes, qu'elles portent partout et jusque dans les églises. Le Régent a répondu qu'il ne ferait aucun changement sur cela; qu'il avait toujours troussé les femmes et qu'il ne voulait pas que sous sa régence on dit qu'il les avait fait trousser elles-mêmes. Il tourne tout en raillerie et vient à bout de tout.

-On croit que le pape ne trouvera pas bon que les cardinaux aient pris' séance au Conseil après le comte de Toulouse qui est légitimé.

28. Sur les trois heures après midi on a su que les sceaux avaient été ôtés à M. le chancelier (1), et donnés à M. d'Armenonville, secrétaire d'État de la marine. Ils lui avaient été déjà ôtés le 28 janvier 1718 et rendus le 8 juin 1720; il ne les a gardés cette foisci qu'environ vingt et un mois. C'est l'affaire des cardinaux qui lui attire cette disgrâce; il a ordre de se retirer demain à Fresnes.

-Avant-hier, M. le cardinal de Rohan m'envoya prier par une personne de confiance de lui faire un Mémoire pour soutenir sa préséance au Conseil. Je l'ai refusé par les liaisons d'amitié et de respect que j'ai pour monseigneur le chancelier.

---On a publié une ordonnance du Roi qui porte que Sa Majesté ayant donné différens ordres pour que l'entrée de l'Infante d'Espagne soit accompagnée de toute la magnificence convenable, le Roi a ordonné

1) D'Aguesseau.

que, le jour de son arrivée, toutes les rues et places qui se trouveront sur son passage seront ornées et illuminées, et que ledit jour toutes les fenêtres des maisons de la ville et faubourgs de Paris soient illuminées, et les feux allumés devant toutes les portes, à la manière accoutumée dans les occasions de réjouissance.

Route.Port Saint-Jacques, rue Saint-Jacques, le Petit-Châtelet, les rues de la Lanterne, pont NotreDame, Planche-Mibray, des Arcis, des Lombards, retournant par la rue Saint-Denis à celle de la Féronnerie, la Chausseterie - Saint-Honoré, jusques et y compris la rue du Chantre jusqu'au Vieux-Louvre. Il a été affiché d'autres ordonnances du prévôt des marchands où la princesse est appelée l'Infante d'Espagne, future épouse et compagne du Roi. Dans des lettres écrites aux chefs des compagnies, il y a Madame l'Infante. L'ordonnance du Roi dit tout court : l'Infante d'Espagne, et le Roi doit savoir son nom mieux que personne.

-Ces jours passés il y a eu une débauche chez le Régent où la princesse de Léon (fille aînée du duc de Roquelaure) s'est trouvée. Dans la chaleur du vin, on l'a visitée partout, et on a dit qu'elle avait une perruque carrée; sur cela il y a eu mille mauvaises plaisanteries. On a dit que cette perruque lui était restée du président Hénault qui a été son amant; d'autres ont dit que c'était une perruque de cérémonie, à cause qu'elle est présentement aimée par Desgranges, fils du maître des cérémonies. La princesse n'en était pas plus honteuse le lendemain; elle a beaucoup d'esprit, mais elle s'est livrée aux maîtresses; c'est d'elle qu'on a dit qu'elle est bossuée et non pas bossue parce qu'elle a des bosses partout. Elle épousa le prince de Léon (Rohan

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