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fui à la guerre. Ce discours a frappé le cardinal, il en a parlé au Régent, et le prince a eu toute satisfaction. C'est lui qui doit ordonner le carrosse, et celui que M. le Premier avait ordonné sera achevé par les ouvriers de l'écurie, et sous les ordres de l'intendance de la grande écurie; aussitôt ces officiers s'en sont emparés, et ont payé ce qui était dû. M. le Premier venant voir le cardinal, en a presque pleuré.

Quelques jours après, le prince Charles a été nommé pour porter le manteau du Roi au sacre; le grand écuyer n'y ayant point de fonction on lui a donné cellelà, qui est très honorable et qu'un prince de la maison de Savoie a eue; voilà la preuve que dans les grandes cérémonies, les princes de la maison de Lorraine sont toujours les premiers après les princes du sang; et ni les Bouillon, ni les Rohan, qui veulent faire les princes, n'atteignent à ces honneurs à leur préjudice (1). Le duc d'Elbeuf, aîné de la branche qui est en France, et le prince de Lambesc, fils du comte de Brionne, aîné du prince Charles, auraient pu être nommés avant lui; mais on l'a préféré à cause de sa charge, de sa fermeté et de sa bonne mine, et le dernier entretien avec le cardinal Dubois ne lui a pas nui.

-Le maréchal de Villeroy doit représenter le connétable et porter l'épée de justice, comme premier maréchal de France; le maréchal de Villars représentera M. le Duc, qui est grand-maître; on a nommé quatre seigneurs de la Sainte Ampoule, qui sont MM. de Beau

(1) Nos lecteurs, pour s'expliquer la passion que Marais montre ici et ailleurs en faveur de la maison de Lorraine et contre les maisons rivales, ne doivent pas perdre de vue que l'auteur de ce Journal était, comme nous l'avons dit dans l'avant-propos, chef du conseil du prince Charles d'Ar(Note de l'Éditeur.) magnac.

veau, d'Estaing, d'Alègre et de Prye; ce dernier n'est pas de la haute noblesse des autres, mais il est parrain du Roi et mari de madame de Prye, qui lui donne toutes sortes de rangs. Les six pairs laïcs seront représentés par les six princes du sang: le Régent, le duc de Chartres, M. le Duc, le comte de Charolais, le comte de Clermont et le prince de Conti.

A propos du sacre, j'ai lu la dissertation sur la Sainte Ampoule, par l'abbé de Vertot; elle est dans le Recueil de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Il répond assez bien aux critiques et se fonde beaucoup sur cette ancienne et auguste tradition tant respectée dans le royaume; il rapporte quantité d'impertinences d'Hincmar, archevêque de Reims, qu'il a fourrées dans son récit. Nous avons plusieurs livres sur le sacre, rapportés dans la Bibliothèque du père Le Long, et le Cérémonial, de Godefroi, en a conservé les cérémonies de plusieurs rois. On peut lire aussi par curiosité le huitième livre du poëme de la Pucelle, de Chapelain, où est décrit le sacre de Charles VII; les vers n'en sont pas si mauvais que les satiriques le disent. M. Huet, dans son Huetiana, qui vient de paraître, prend assez ouvertement le parti de Chapelain; il dit qu'on ne l'a critiqué que par les vers, sans considérer les parties et l'ordre du poëme, dont on ne peut même bien juger, parce qu'il y avait encore douze livres qui ont été supprimés par l'avis de M. de Montausier (1), et que Chapelain s'attira tous les auteurs contre lui, parce qu'ayant été nommé par M. Colbert pour faire une liste des savans à qui le Roi vou

(1) Nous avons donné, tom. II, p. 5 de la première série de cette Revue, la Préface de ces chants inédits. (Note de l'Editeur.)

lait faire des pensions, tous ceux qui ne furent point sur la liste attaquèrent la Pucelle et la firent tomber. Le travail du Visa avance beaucoup (1); ou coupe bras et jambes à tout le monde, et l'on appelle aller à la Morgue quand on va voir sa liquidation dans le registre. Un jeune maître des requêtes, nommé Doublet de Persan, qui vient d'un Doublet jadis laquais, ayant dit à M. Chopin, conseiller au Grand-Conseil, qu'une liquidation qu'il avait faite était mal faite, et qu'ils cassaient tous les jours leurs arrêts, M. Chopin lui répondit: « Ce n'est pas d'aujourd'hui que je sais que « les gentilshommes font les verres (2) et que les laquais

<< les cassent. »

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On se prépare à force pour le voyage de Versailles, qui est fixé au 2 juin. Un homme ayant dit: « On va mener le Roi à Versailles et de là à Saint« Denis »; il a été arrêté et mené à la Bastille.

- Il a été annoncé publiquement qu'après le sacre le Roi reviendrait à Paris. Il y avait un arrêt qui avait cassé tous les baux des maisons de Versailles, mais les choses ont été rétablies, et Paris sera bien aise de voir toujours son Roi. La Péronie, premier chirurgien du Roi, l'entretient souvent de Paris; il lui dit qu'on n'est pas Roi sans voir son peuple, que ce peuple l'aime, qu'il en doit avoir de la reconnaissance; qu'il a marqué une joie excessive pour le rétablissement de sa santé, et que lui, La Péronie, avait bu sa santé dans les rues à plusieurs tables; il lui a fait l'histoire de François I, qui dit à Charles-Quint: Avez-vous un

(1) La révision générale des différens effets publics et leur conversion en Billets d'Etat avaient été ordonnées, et cette double mesure, dont furent chargés les frères Pâris, fit naître beaucoup d'abus et donna lieu à de vives plaintes. (Note de l'Éditeur.)

(2) La fabrication du verre fut long-temps un privilège de noblesse. (Id.)

Paris? et le mot de madame de Sévigné: Paris en ce monde et Paradis dans l'autre. Le Roi écoute tout cela attentivement; La Péronie qui est vif, Languedocien et hardi, dit tout ce qu'il veut, et il parle aussi pour lui-même, car il a bien des raisons de fortune et de galanterie qui lui font aimer Paris (1).

- La princesse de Conti poursuit sa séparation et a été mise à Port-Royal pendant le procès. La dame de La Roche, dame d'honneur de sa belle-mère, voulait qu'on haussât les murs, disant qu'ils étaient trop bas et qu'on pourrait passer par-dessus; on lui donne toute sorte de dégoûts. Le prince de Mercœur, son second fils, est mort le.... de mai. Le prince de Conti voudrait en faire d'autres, mais sa femme ne s'y fie pas et a conçu une antipathie extrême contre lui.

-Le comte de Guiscard, joueur de profession, s'est noyé. Un autre homme s'est pendu et a fait un testament bien court, où il a dit : « J'ai trois actions que je « donne au Régent, et mon ame au diable. » Un cabaretier de la rue Montmartre s'est donné trois coups de couteau dans le ventre pour l'infidélité de sa maîtresse ; quand on lui mit le premier appareil il l'arracha, et dit: << Je ne me suis pas tué pour ne pas mourir. >>

-Le marquis de Pleło, Breton, épouse mademoiselle de La Vrillière, fille cadette du secrétaire d'État; il est fils du comte de Moron; on lui donne soixante mille livres de rente. Ce comte de Moron avait épousé la fille de M. de La Falluère, premier président de Bretagne ; il avait une maîtresse que la famille de sa femme fit enlever; il se brouilla avec sa femme, ne la voulut jamais voir, et elle est ainsi morte sans s'être racom

(1) Voir précédemment t. VII de la présente série, p. 342.

modée, elle étant à Paris et lui en Bretagne. Ces Bretons sont durs envers leurs femmes. J'ai été consulté depuis quelques jours sur une affaire importante du comte de Talhouet, qui a accusé sa femme d'adultère, et qui l'a fait condamner par sentence du juge de Redon, du 8 novembre 1717, à avoir la tête tranchée; quelque temps après le jugement elle s'échappa de la prison, et fit bien, car son mari mourut en 1718, et l'affaire, qui n'est plus qu'avec des enfans du premier lit, est, à présent, bien plus graciable. Si, à Paris, la peine de mort avait lieu contre les femmes galantes, on ne verrait point tant de cocus.

-22-30. Depuis le 22 jusqu'au 30 mai, fêtes de la Pentecôte, j'ai été à Busagny, par Pontoise, avec madame de Saint-Sulpice (brûlée), et deux autres personnes de ses amies, et j'ai été voir Osny, qui est une terre à M. de Goussainville, fils de M. de Nicolaï, premier président de la chambre des comptes, avec qui je me suis long-temps promené et qui m'a paru avoir beaucoup d'esprit et de finesse. Ils sont grands orateurs dans cette famille, mais cela n'a pas passé au fils avec la survivance de la charge que le Régent lui a donnée; il sera le huitième, de père en fils, dans cette charge.

-A mon retour, j'ai appris que la peste a repris dans Marseille et dans la campagne : on y a renvoyé M. de Langeron, avec titre de commandant perpétuel du château et de chef du conseil de la santé, et douze milles livres d'appointement; il le faudra traiter comme un libérateur de la patrie, et lui dresser des statues, Liberatori Patriæ. Les vaisseaux qui sont partis de Marseille depuis le commerce renouvelé, sont peut-être allés négocier la peste partout.

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