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n'en guérira pas les hommes qui veulent de l'exercice

et des plaisirs.

Le retour du sacre n'a pas été favorable aux maîtresses. Le Régent, dès le même jour, a dit à madame d'Averne qu'il ne convenait pas qu'elle restât à Versailles, que cela donnerait un mauvais exemple au Roi, qu'il serait toujours de ses amis et son homme d'affaires, qu'elle pourrait venir manger avec lui à Paris et même y coucher, si elle voulait, et d'autres discours qui sentaient ou l'inconstance ou le dégoût; on prétend que c'est un tour du premier ministre qui n'a pas trouvé bon qu'elle eût des liaisons avec M. de Nocé, qui était revenu pendant le sacre et que l'on a bientôt renvoyé à Boran. On soupçonne aussi la dame d'infidélité avec le duc de Richelieu, qui s'est prévalu de l'absence du maître. Quoi qu'il en soit, la voilà renvoyée et son règne n'a duré que depuis le 12 juin 1721, qu'elle s'était livrée au Régent pour de l'argent; son mari en remporte le gouvernement de Navarreins et des cornes; et elle très peu de choses, outre le déshonneur. Le Régent la faisait manger malgré elle : elle n'y gagnait, disait-elle, que des indigestions, et à quelqu'un qui lui a dit que cela allait faire un grand vide dans sa vie d'être ainsi quittée, elle a répondu que c'était tout le contraire. Un courtisan a dit au Régent qu'il ne devrait point jouer au trictrac parce qu'il perdait toujours par Jean qui ne peut. Depuis la rupture, madame d'Averne a soupé une fois avec le Régent; elle voulait se contenir, mais elle parla comme piquée et lui dit qu'il allait passer sa vie à ivrogner tous les soirs avec des p...... Il se plaignit de ces reproches, dit qu'il lui avait laissé M. d'Alincourt et le

duc de Richelieu; qu'il avait eu toutes sortes de facilités; qu'il ne méritait pas d'être maltraité, et que le seul exemple dû au Roi le faisait changer de manière. Sur quoi le prince d'Auvergne, qui était du repas, lui chanta une chanson de Belot qui finit par dire qu'il veut se retirer et être hypocrite, ce qui ne plut pas tout-à-fait au Régent. Ce repas a achevé de rompre au lieu de renouer, et madame d'Averne, qui veut faire l'esprit fort, s'est montrée tous les jours depuis à l'Opéra avec le duc de Richelieu et d'autres dont le Régent ne se soucie guère; comme il est capable de tout, il est retourné à madame la duchesse d'Orléans sa femme; il mange, paraît au spectacle avec elle dans une très grande liaison et y couche ; c'est un Protée et une divinité fabuleuse qui prend toutes sortes de formes: aujourd'hui amant transporté, demain mari galant, et toujours bien au-dessus de tous les courtisans qui l'entourent et qui ne le pénètrent pas. Un Italien, arrivé depuis peu de Rome, qui ne le connaissait pas, dit à la première vue: Questo principe ha la cera d'ingannar tutti questi e quanti (1).

-La Dangeville, comédienne, ayant osé représenter la comédie avec une robe de toile indienne défendue, le lieutenant de police l'a envoyé chercher et l'a condamnée à mille écus d'amende, malgré la recommandation du duc d'Aumont, son amant, qui, tout apoplectique qu'il est, l'avait menée par la main chez lui.

Le Roi étant venu à l'Opéra le 8 novembre, à son retour, on a pris sept livres dix sous au parterre et à proportion aux loges et à l'amphithéâtre, ce qui a

(1) Ce prince-là a le talent de les tromper tous tant qu'ils sont

été blámé publiquement de tout le monde, qui a dit qu'on vendait au peuple la vue de son roi. Francine, qui en a le profit et qui a fait cette infamie, mériterait encore une autre Francinade, outre celle que Rousseau a faite contre lui. On joue Persée, et le goût est si tombé qu'on ne trouve plus les opéras de Lulli bons et qu'on leur préfère de petits ballets propres pour la Foire ou les Danseurs de corde. On s'est aussi jeté dans la musique italienne, contre le goût de la nation, et madame de Prye, qui a été en Savoie, ambassadrice, et qui a beaucoup aimé cette musique, tâche d'attirer dans son parti le plus de gens qu'elle peut ; elle protége déjà les La Motte et tous les autres censeurs d'Homère; il ne lui reste plus qu'à nous dégoûter de Molière et de Lulli; et voilà la France dans un bel état du côté des sciences et des arts. Il ne faut qu'une femme pour tourner la tête à tout un siècle.

Voici le fruit de l'édit du contrôle : la duchesse de Luynes est morte; elle a fait son testament et nomme pour exécuteur l'abbé Mainguy, conseiller de la Grand'Chambre; entre autres legs, elle a donné deux petites croix d'argent, où il y a du bois de la vraie croix enfermé, à deux supérieures de communauté, qu'elle prie de les donner à d'autres après leur mort. Il a fallu faire contrôler le testament et insinuer les rules. Le secrétaire de M. Mainguy a porté le testament au commis, qui a dit qu'il fallait payer un premier droit pour les deux legs, et un autre droit pour la substitution; qu'il n'y avait point d'évaluation, que le tarif réglait ces sortes de legs à une certaine somme et par la qualité du testateur, en sorte qu'il fit payer trois cent soixante-dix livres pour les deux legs. Le secrétaire revenu, M. Mainguy fortétonné, porta les deux croix aux

religieuses avec la quittance pour s'en faire rembourser suivant l'édit. Les religieuses dirent qu'elles ne pouvaient accepter les legs avec cette condition; que leur communauté n'était point en état de payer cette somme, et qu'elles étaient bien fâchées de ne pouvoir jouir de la bonne volonté de madame de Luynes. M. Mainguy regardant ce legs non accepté comme caduc, renvoie au commis lui redemander l'argent. - << Bon, dit-il, « au contraire, il m'est dû encore trois cent soixante<< dix livres parce qu'il ne peut y avoir de désistement << du legs que pardevant notaire. L'acte doit être contrôlé, et l'on paie pour le contrôle du désistement la « même somme que pour l'acte et le legs. » Ainsi voilà sept cent quarante livres qui sont dues pour un legs caduc dont le fonds, sans la relique, ne vaut pas " trente sous, et on met à prix la vraie croix comme

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Judas qui tira de l'argent pour livrer son maître et son Dieu. Cette histoire sera bien contée dans la Grand' Chambre quand il faudra réitérer l'enregistrement, et ce ridicule seul serait capable de faire tomber l'édit si l'on n'était pas absorbé dans toutes sortes d'horreurs et de corruption de cœur et d'esprit.

- Le Roi parle beaucoup depuis son sacre; il dit: Je veux, et dit que la volonté du Roi fait la loi. Il ne veut plus étudier; il se moque de M. de Charost, son gouverneur, et de M. de Fréjus, son précepteur (1). Il a un jour ordonné à tout le monde de sortir; M. de Fréjus étant resté, il a dit que l'ordre était pour lui

́(1) C'est ici l'occasion de relever une confusion commise page 230 de ce même volume. L'évêché de Fréjus fut occupé par M. de Fleury, prédicateur du Roi, le même qui devint plus tard cardinal et premier ministre, et non par le confesseur de Louis XV, l'abbé de Fleury, auteur de l'Histoire ecclésiastique. (Note de l'Éditeur.)

comme pour les autres. Il monte à cheval assez souvent, it tire bien, il aime beaucoup le jeu et joue dès le matin avant la messe il n'aime ni comédie, ni opéra, ni musique, et voilà les poètes et les musiciens mal à leur aise.

-Le jeune Racine, fils du célèbre Racine, a laissé imprimer un poëme sur la Gráce, qu'il a composé en quatre chants, dont les vers sont merveilleux. Cela est digne des plus grands poètes; il y a trois ou quatre ans qu'il le lisait dans Paris. On lui avait persuadé de travailler pour le théâtre, comme son père, mais il y a renoncé et en a écrit une Épître en vers à M. de Valincourt, qui est excellente et qui a été jointe au poëme. M. d'Argenson, garde des sceaux, lui avait accordé un privilége pour l'imprimer. M. le chancelier d'Aguesseau de retour avait révoqué ce privilége, ne voulant pas que la Grâce fut louée si magnifiquement et le système de saint Augustin si exalté, depuis qu'il s'est rangé du côté de la cour; mais comme le poëme a été imprimé à Rouen, en cachette, il a été permis à Coignard de débiter son impression de Paris, à condition d'ôter le privilége, le nom du libraire et une Ode sur les disgrâces, qui est un éloge de la disgrâce du chancelier et de sa constance, sous le noin d'Acante. Il dit, en parlant des dons de la Gráce:

Et quand je les reçois, je les demande encore.

C'est une pensée prise de La Fontaine dans un sens bien éloigné de la Gráce. La Fontaine dit qu'on ne croit jamais être assez aimé :

On ne le croit qu'au milieu des plaisirs
Qu'un tendre amour accorde à nos désirs,

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