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cette matière, et par ce qu'un des interlocuteurs dit que la reine Christine ne s'en repentit pas, l'autre répond. :

Mais Azolin dans Rome

Sait charmer ses ennuis;
Elle eût, sans ce grand homme,

Passé de tristes nuits.

Le temps nous apprendra si la Reine d'Espagne n'aura point quelque consolateur. J'ai vu une lettre de Madrid de où on marque qu'ils n'ont retenu aucune marque dignité, qu'ils vont dans la foule avec le peuple aux dévotions, et qu'on les appelle les saints Rois. Brantôme appelait Charles-Quint un demi-saint.

2. Le Roi a fait aujourd'hui bien des contens et bien des mécontens. Il a fait sept maréchaux de France, et cinquante-huit cordons-bleus. Les maréchaux sont : 1° le comte de Broglie, 2o le duc de Roquelaure, 3o le comte de Médavi, 4o le comte Dubourg, 5° le marquis d'Alègre, 6° le duc de la Feuillade, 7° le duc de Gramont, colonel du régiment des Gardes-Françaises. Les cordons-bleus sont dans une longue liste. On a été bien étonné de voir le comte de Broglie maréchal de France, lui qui a quitté le service, il y a quarante ans, et à qui on ne pensait plus; mais c'est pour honorer son fils, ami de M. le Duc, ambassadeur en Angleterre, et qui pourra bien avoir le bâton de son père quand il mourra. Le duc de Roquelaure est depuis vingt ans en Languedoc à commander dans une province, et on se souvient que, dans la dernière guerre, en l'année 1703, il fut cause de la perte de trente ou quarante villes que les Hollandais reprirent en un jour par sa faute, depuis quoi il n'a plus servi.

Il n'y a rien à dire sur MM. de Médavi, du Bourg et d'Alègre qui ont fait de grandes actions à la guerre; mais M. de La Feuillade qui a perdu la bataille de Turin, et M. de Gramont, pauvre génie qui n'a jamais rien fait, pourquoi leur donne-t-on cette dignité? On a remarqué que M. de Gramont est entré au service l'année que M. de Broglie l'a quitté. On a pris la tête et la queue. Le marquis de Hautefort, ancien lieutenantgénéral et homme de grand mérite, se plaint fort et a dit à M. le Duc qu'il déshonorait son ministère en ne le nommant point. Le duc de Villeroy a dit simplement : « Je croyais mériter le bâton; vous ne me l'avez point « donné, j'en suis fâché aujourd'hui, mais je suis philosophe et ne serai plus fâché demain. » Le duc de Noailles crie plus fort et pense que son nom était dû à la France et à l'histoire; mais de ces deux ducs, l'un a son père en exil, l'autre en arrive, et ce sont secrets d'État qui obscurcissent le mérite des armes.

Parmi les cordons-bleus on n'a pas mis le duc de La Force, parce que les statuts veulent qu'on ne soit remarqué d'aucun cas reprochable ni prévenu en justice, et l'arrêt du Parlement rendu contre lui est une double remarque, pour se servir du vieux terme. Dans la maison de Lorraine il y a le prince Charles comme grand-écuyer, et le prince de Pons, mais on n'y trouve point le prince de Lambesc et les autres princes lorrains. Les Bouillons et les Rohans n'ont rien parce qu'ils veulent être traités en prince, et distingués dans les cérémonies et provisions de l'ordre, ce que le Roi n'entend pas. On a été surpris d'y voir un marquis de Maillebois et un comte de Livry; mais le premier est maître de la garde-robe et le second premier maître d'hôtel, et on dit que c'est à cause de leurs charges;

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mauvaise raison, car d'autres charges plus grandes, comme le grand-prévôt et le grand-maître de cérémonie, n'ont pas eu le cordon. Il faudra voir comment un Desmarets et un Sanguin feront leurs preuves. Le comte de Livry a toujours été ami tendre de madame de Prye et on trouve ses amis dans le temps. C'est aussi à une faveur galante d'un plus haut étage que le marquis de Ferraques doit sa promotion. La duchesse d'Orléans ne lui a pas été indifférente; sans cela on n'eût pas donné le cordon-bleu à un Bullion qui est de race financière et qui n'était rien au temps du cardinal de Richelieu. Le marquis de Simiane, homme de peu de mérite, l'a eu à cause de feu M. le duc d'Orléans, dont il était premier gentilhomme de la chambre, et son collègue, le chevalier de Conflans, ne l'a point eu parce qu'il est chevalier de Malte et que cet ordre n'en admet aucun autre. On dit même que Simiane était oublié, et que dans le Conseil M. le duc d'Orléans dit : « Je ne vois personne là pour mon père. » On lui fit entendre que son père était mort. « Il n'est pas mort, <«< dit-il, car il n'est pas encore enterré, il est sensé vi<< vant. >> On chercha donc dans la maison, Simiame fut fait, et on ne pensa pas à M. d'Estampes, qui était bien meilleur. La fortune régit tout! Regina del mondo. Le prince de Tingri est des plus fâchés de n'y point être; mais son nom, brouillé dans l'affaire de La Jonchère, lui a toujours nui et lui nuira toujours pour les dignités. Voilà ce que c'est que d'aimer trop l'argent. Et quel vice à un homme de cette condition!

-Le Roi a enfin donné la charge de premier écuyer au commandeur de Beringhen dans l'état où elle était, et donné bonne consolation au marquis de Nangis, en le faisant chevalier d'honneur de la Reine. C'est la pre

mière charge de sa maison qui le mènera à tous les honneurs possibles. Il a donné la main droite à la Reine, et le maréchal de Tessé, premier écuyer, ne lui donne que la gauche. Si on renvoyait l'Infante, il serait toujours chevalier d'honneur de la reine qui sera. Il y a moins de profit qu'au premier écuyer, mais plus d'honneur et de grandes espérances.

—4.—On a fait à Saint-Denis la pompe funèbre du duc d'Orléans, sans musique. L'oraison funèbre a été prononcée par M. d'Angers; il a pris pour texte : Elevatus sum et manus tua precipitat me. On ne l'imprimera pas. M. le duc d'Orléans ne le veut pas.

(La suite au prochain numéro.)

DES MÉMOIRES

DU

GÉNÉRAL LAFAYETTE.

[ Dans peu de jours paraîtront les trois premiers volumes des Mémoires laissés par le général Lafayette, et publiés par sa famille (1). Nous sommes heureux de pouvoir donner ici l'Avant-Propos de cette publication, qui est appelée à produire une si grande sensation en Europe et en Amérique.]

Lorsque, livré dès ma jeunesse à l'ambition de la liberté, je ne voyais point de bornes à la carrière que je m'étais ouverte, il me paraissait suffire à ma destinée comme à ma gloire de marcher sans cesse en avant et de laisser aux autres le soin de recueillir les souvenirs comme les fruits de mes travaux.

C'est après quinze ans d'une fortune constante que, me présentant avec un juste espoir contre la coalition des rois et l'aristocratie européenne, je fus renversé par les fureurs simultanées du jacobinisme français. Ma personne alors se trouva livrée aux vengeances de mes ennemis naturels, et ma réputation aux calomnies des soi-disans patriotes qui venaient de violer toutes les garanties nationales et jurées.

On sait que le régime de mes cinq années de prison (1) Chez Fournier aîné, rue de Seine, 16.

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