صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

les-Quint, le pria de lui faire l'honneur de venir dîner chez lui. L'Empereur, ne voulant pas le refufer à cause de l'obligation qu'il lui avoit, accepta fes offres & fe rendit chez lui. Le marchand n'avoit rien épargné pour lui faire honneur; &, pour mettre le comble à sa magnificence, il fit mettre le feu à un bûcher de cannelle; & prenant la cédule que le Monarque lui avoit donnée pour affurance de fa dette, il la jetta dans le feu, & lui dit : « Sire, je vous tiens quitte à l'égard de » cette obligation. »

4. Un thréforier de Denis le Tyran faifoit admirer au philofophe Ariftippe la magnificence de fa maison, où l'or & le marbre étoient prodigués, & done le plancher étoit couvert des plus précieux tapis: alors le Sage, ayant befoin de cracher, le fit fur le vifage du maître de ce palais fomptueux; &, voyant qu'il étoit furieux de cet outrage: «Ne vous fâchez pas, lui dit-il, » je crache dans l'endroit le moins propre » de toute la maison. »

Le fophifte Polyénus, étant entré chez ce même Ariftippe, y vit une table dreffée & fervie avec plus de magnificence qu'il ne convenoit à un philofophe: il en dit fon' fentiment; mais Ariftippe, dans le moment, në parut pas faire attention à ce reproche: Quelques inftans après, il invita le rigide fophifte à fe mettre à table avec lui; & Polyénus l'accepta volontiers: « Ah! » ah! dit Aristippe, où font donc maintenant vos fcru"pules? vous blâmiez tout-à-l'heure la fomptuofité » de ce repas; mais vous vous radouciffez, quand il » s'agit d'en prendre votre part.» Voyez DÉPENSE.

Q

[blocks in formation]

Uand le célèbre Cyrus eut atteint l'âge de douze ans, fa mere Mandane le mena chez Aftiage, roi des Mèdes, fon aïeul, à qui tout le bien qu'il entendoit dire du jeune Prince avoit donné une grande envie de le voir. Il trouva dans cette cour des mœurs bien différentes de celles de la Perfe. Le luxe, le faste,

la magnificence y régnoient par-tout. Il ne fut point ébloui de tout cet éclat ; &, fans rien critiquer, fans rien approuver, il fçut fe maintenir dans les principes qu'il avoit reçus dès fon enfance. Il charmoit fon grandpere par des faillies pleines d'efprit & de vivacité, & gagnoit tous les cœurs par fes manieres nobles & engageantes.

Aftiage, voulant lui faire perdre l'envie de retourner dans la Perfe; fit préparer un repas fomptueux, dans lequel tout fut prodigué, foit pour la quantité, foit pour la qualité & la délicateffe des mets. Cyrus regardoit avec des yeux affez indifférens tout ce faftueux appareil; & comme Aftiage en paroiffoit furpris: «Les Perfes, dit-il, au lieu de tant de détours & de circuits pour appaifer la faim, prennent un » chemin bien plus court pour arriver au même but; » un peu de pain & de creffon les y conduifent.» Son grand-pere lui ayant permis de disposer à fon gré de tous les mets qu'on avoit fervis, il les diftribua fur le champ aux officiers du Roi, qui fe trouverent préfens; à l'un, parce qu'il lui apprenoit à monter à cheval; à l'autre, parce qu'il fervoit bien Aftiage; à un autre, parce qu'il prenoit grand foin de fa mere. Sacas, échanfon du Roi, fut le feul à qui il ne donna rien. Cet officier, outre fa charge d'échanfon, avoit celle d'introduire chez le Roi ceux qui devoient être admis à fon audience; & comme il ne lui étoit pas poffible d'accorder cette faveur à Cyrus auffi fouvent qu'il la demandoit, il eut le malheur de déplaire à ce jeune Prince, qui lui en marqua dans cette occafion fon reffentiment. Aftiage témoignant quelque peine qu'on eût fait un pareil affront à cet officier, qu'il confidéroit beaucoup, & qui méritoit fon eftime par l'adrefle merveilleufe avec laquelle il lui fervoit à boire. «Ne » faut-il que cela, mon papa, s'écria le Prince, pour » mériter vos bonnes graces? Je les aurai bientôt ga"gnées éprouvez feulement mon adreffe.» Aufsitôt on équipe le petit Cyrus en échanfon. D'un pas grave, d'un air férieux, il s'avance, la ferviette fur l'épaule; &, tenant la coupe délicatement de trois doigts,

;

il la préfente au Monarque avec une dextérité, une grace qui charment Aftiage & Mandane; enfuite il fe jette au cou de fon grand-pere; &, l'embraffant avec tendreffe, il s'écrie plein de joie: «O Sacas! pauvre "Sacas, te voilà perdu ! J'aurai ta charge! » Aftiage lui témoigna beaucoup d'amitié. « Je fuis très-con→ » tent, mon fils, lui dit-il: on ne peut pas mieux fer» vir. Vous avez cependant oublié une cérémonie ef→ » fentielle ; c'eft de faire l'effai. » En effet l'échanfon avoit coutume de verfer de la liqueur dans fa main gauche, & d'en goûter avant de préfenter la coupe au Prince, « Ce n'eft point du tout par oubli, reprit » Cyrus, que j'ai agi de la forte. --- Eh! pourquoi » donc ? C'eft que j'ai craint que cette liqueur ne » fût du poison. Du poifon ! Eh! comment cela? C'est qu'il n'y a pas long-tems que, dans un re» pas que vous donniez aux grands feigneurs de votre » cour, je m'apperçus qu'après que l'on eut un peu bu » de cette liqueur, la tête tourna à tous les convives. » On crioit, on chantoit, on parloit à tort & à tra» vers. Vous paroiffiez avoir oublié, vous que vous " étiez Roi, eux qu'ils étoient vos fujets. Enfin, quand » vous vouliez vous mettre à danser, vous ne pouviez "pas vous foutenir. -- Comment la même chose » n'arrive-t-elle pas à votre pere? Jamais: quand vil a bu, il ceffe d'avoir foif; & voilà tout ce qui lui » en arrive. »

3--

--

[ocr errors]

Durant tout le tems que Cyrus demeura à la cour de fon aïeul, fes manieres douces & polies ne fe démentirent jamais. Il étoit doux, affable, officieux, bienfaifant, libéral. Si les jeunes feigneurs avoient ' quelque grace à demander au Prince, il la follicitoit pour eux. Quand il y avoit contre eux quelque fujet de plainte, il fe rendoit leur médiateur auprès du Roi: leurs affaires devenoient les fiennes ; & toujours il s'y prenoit fi bien, que jamais il n'essuyoit de refus.

2. Louis XI avoit reçu dix mille écus d'or en préfent. Il fit étaler cette fomme, alors très-confidérable, fur une grande table; &, pour animer les defirs

des courtifans qui l'accompagnoient: «Eh bien! leur dit-il, » voilà bien de l'argent; on m'en a fait pré» fent; je ne veux pas que cela entre dans mes coffres: » ceux qui m'ont bien fervi n'ont qu'à parler.» Ce fut à ceux dont les regards lui parurent les plus avides qu'il s'adressa d'abord. Sur l'ordre qu'il en donna, chacun ne manqua pas d'étaler les fervices qu'il avoit rendus au Prince & à l'Etat, & d'établir de fon mieux les droits qu'il croyoit avoir fur les dix mille écus. Le Roi, avec une bonté engageante, venoit lui-même à l'appui, & donnoit fon approbation à tout ce qu'on lui difoit. S'adressant enfin à Pierre de Morvillier, fon chancelier, il lui demanda pourquoi il ne s'étoit point encore expliqué fur les fervices qu'il lui avoit rendus ? Celui-ci, en habile courtifan, qui connoiffoit fon maître, lui répondit qu'il étoit bien plus occupé de fa reconnoiffance que de fes defirs, bien moins en peine d'obtenir de nouveaux bienfaits, que de fe rendre di gne, s'il étoit poffible, de ceux dont Sa Majefté l'avoit comblé. «Oh! à ce que je vois, lui dit le Roi, »mon chancelier n'a befoin de rien; je fuis charmé

d'avoir un homme fi riche à moi. » Il ajoûta quelques réflexions qui donnerent d'abord lieu de croire qu'en effet la part du chancelier ne diminueroit rien de la fomme; mais Louis, fe tournant tout-à-coup vers lui, lui dit d'un ton grave & plein de dignité: «Souf"frez, monfieur, que j'ajoûte à vos richeffes, telles » qu'elles puiffent être. Acceptez cette fomme entiere; » elle eft à vous, & je veux qu'elle vous foit envoyée

fur le champ. Pour vous, ajoûta-t-il, en regardant les autres avec un air railleur, » attendez, & réfer»vez-vous pour une autre occafion. »

3. En 1639, le roi Louis XIII forma le fiége de Hefdin, qu'il preffa vivement. Charles De la Porte, marquis de la Meilleraie, conduifoit les opérations fous les aufpices du Monarque. En peu de tems, la brèche fut praticable; & l'on ordonna l'affaut. On dreffe les échelles; le Roi monte des premiers, ayant à fes côtés MM. de la Meilleraie & de Puységur. Ce dernier avoit une canne à la main. Louis la prend; &

[ocr errors]

la présentant à la Meilleraie : « Je vous fais maréchal » de France, lui dit-il; voilà le bâton que je vous en » donne : les fervices que vous m'avez rendus m'obli»gent à cela ; vous continuerez à me bien fervir.» Le nouveau Maréchal répond qu'il n'eft pas digne de cet honneur: «Trève de complimens, reprend le Roi d'un air obligeant, & avec un fourire flatteur, »je n'ai » pas fait un Maréchal de meilleur cœur que vous. » Au moins jamais on n'en avoit fait d'une façon plus glorieufe.

4. La veuve de Scarron, depuis madame de Maintenon, fit long-tems folliciter auprès de Louis XIV une petite penfion de quinze cens livres, dont fon époux avoit joui; enfin, au bout de quelques années, le Monarque lui en donna une de deux mille, en lui difant: «Madame, je vous ai fait attendre long-tems; » mais vous avez tant d'amis, que j'ai voulu avoir seul » ce mérite auprès de vous. »

5. Le comte de Soiffons, prince du fang, fut prié par un gentilhomme de lui rabattre la moitié des lods & ventes d'une terre, qu'il avoit achetée, relevant de ce Prince: « Cette moitié n'est plus à moi,» lui dit le Comte; ce qui fit croire d'abord à ce gentilhomme, qu'il en avoit difpofé en faveur de quelqu'autre; mais, s'expliquant enfuite: « Elle n'eft plus à moi, ajoûta-t-il; » elle est à vous, dès que vous avez pris » la peine de venir me la demander. Mais, puifque vous » me laissez la difpofition de l'autre moitié, trouvez >> bon que je vous la donne de mon propre choix. »

6. Un Perfan, de la ville de Schiras, fe préfenta devant Octaï-Khan, empereur des Tartares, & lui dit que, fur le bruit de fa munificence, il venoit du milieu de la Perfe implorer fon fecours, pour s'acquitter d'une dette de cinq cens balifches. Octaï le reçut fort bien, & ordonna qu'on lui comptât mille balisches. Ses miniftres lui repréfenterent que ce n'étoit pas une largeffe, mais une prodigalité, de donner plus qu'on ne demandoit. Qctaï repartit: « Le pauvre homme a » paffé les montagnes & les déferts fur le bruit de no» tre bienfaisance; feroit-il généreux de ne point ac

« السابقةمتابعة »