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UN

INTÉGRITÉ.

N jour, Thémistocle déclara, en pleine affemblée, qu'il avoit conçu un deffein important mais qu'il ne pouvoit le communiquer au peuple, parce que, pour le faire réuffir, il avoit befoin d'un profond fecret; & il demanda qu'on lui nommât quelqu'un avec qui il pût s'en expliquer. Le choix tomba fur Ariftide & tous les citoyens s'en rapporterent entiérement à fon avis; tant ils comptoient fur fa probité, fur fa prudence! Thémiftocle, l'ayant tiré à part, lui dit qu'il fongeoit à brûler la flotte des Grecs, qui étoit dans un port voifin, & que par-là Athènes deviendroit certainement maîtreffe de toute la Grèce. Ariftide, fans proférer un feul mot, revint à l'assemblée, & déclara fimplement que rien ne pouvoit être plus utile que le projet de Thémistocle, mais qu'en même tems, rien n'étoit plus injufte. Alors tout le peuple, d'une commune voix, défendit à Thémiftocle de paffer outre.

2. Après la fameufe bataille de Marathon, Ariftide fut laiffe feul avec fa tribu, pour garder les prifonniers & le butin ; & ce grand homme juftifia la bonne opinion qu'on avoit de fon intégrité. Car l'or & l'argent étant femés çà & là dans le camp ennemi, & toutes les tentes, auffi-bien que toutes les galeres qu'on avoit prifes étant pleines d'habits & de meubles magnifiques, & de toutes fortes de richeffes, fans nombre, non-feulement il ne fut pas tenté d'y toucher, mais il empêcha que les autres n'y touchaffent.

3. Les Boulangers de Lyon, voulant enchérir leur pain, vinrent trouver M. Dugas, prévôt des marchands de cette ville, &, après lui avoir expliqué leurs raifons, laifferent fur la table une bourfe de deux cens louis, ne doutant point que cette fomme ne plaidât efficacement leur caufe. Quelques jours après, ils vinrent recevoir la réponse du Magiftrat. « Meffieurs, » leur dit M. Dugas, j'ai pefé vos raisons dans la ba » lance de la justice; & je ne les ai pas trouvées de

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» poids. Je n'ai pas jugé qu'il fallût, par une cherté mal » fondée, faire fouffrir le peuple; au refte, j'ai diftribué » votre argent aux hôpitaux de cette ville, n'ayant pas » cru que vous en ayez voulu faire un autre usage: j'ai » compris auffi que, puifque vous êtes en état de faire » de telles aumônes vous ne perdiez pas, comme » vous le dites, dans votre métier. » Ils s'en retourperent fort furpris & pleins de confufion.

4. Un homme fort pauvre trouva une bourse qui contenoit cent piéces d'or. « Cet argent n'eft point à » moi, fe dit-il à lui-même; cherchons quel eft fon » maître.» Auffi-tôt il fait publier que, fi quelqu'un a perdu une bourse remplie d'or, on peut s'adreffer à lui. Celui qui l'avoit perdue vient le trouver, & lui défigne la bourfe, de maniere à prouver qu'elle lui appartenoit. » Je vous la rends, lui dit le pauvre; & je me félicite

d'avoir pu vous la rendre. » Cet homme, plein de joie & de reconnoiffance, le prie d'accepter vingt piéces d'or, comme une preuve de fa gratitude. Le pauvre les refuse.--- 11 lui en offre dix; il les refufe encore. Enfin, le maître de la bourfe la prend & la lui jette: « Gardez» la, lui dit-il, puifque vous ne voulez rien accepter; » je n'ai rien perdu.» Ce pauvre, pour ne point l'offen, fer, prit enfin une pièce d'or, qu'il donna fur le champ à des malheureux eftropiés, qui paffoient par-là.

5. Un jour que L. Pifon, Préteur d'Espagne, s'exerçoit à faire des armes, la bague d'or qu'il portoit au doigt fe rompit. Il s'agiffoit d'en faire faire une autre. Pifon, jaloux de fe montrer digne du beau furnom de Frugi, ou homme de probité, devenu héréditaire dans fa famille, & ne voulant point que perfonne pût foupconner que la bague dont il fe ferviroit fût un préfent qu'il eût reçu dans fa province, prit une précaution bien fiuguliere. Il fit venir un orfévre dans la place publique de la ville de Cordoue, où il étoit actuellement: il lui donna & lui pefa l'or, à la vue de tous ceux qui étoient dans la place, & lui commanda de le façonner, & de lui en faire une bague fur le lieu même, en présence de tout le monde. Ainfi, dit Cicéron qui nous a confervé ce fait, « quoiqu'il ne fût queftion que d'une

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demi-once d'or, Pifon voulut en conftater l'origine, » & que toute l'Espagne fçût qu'il l'avoit fournie du » fien, & qu'il ne la tenoit de perfonne.» Cette délicateffe, que peut-être bien des gens regarderoient comme exceffive, ne peut déplaire aux juftes eftima→ teurs de la vertu. S'il y a de l'excès, que cet excès eft louable ! & qu'il feroit à fouhaiter que les hommes péchaffent par avoir trop de refpect pour les loix, & trop de foin de confervér leur réputation pure & intégre!

6. La maifon de Drufus, fameux Romain, qui fut Tribun du peuple, & qui mérita le titre de Protecteur du Sénat, étoit ouverte de plufieurs côtés, de maniere que les voifins pouvoient voir ce qui s'y faifoit. Un architecte s'offrit de réparer ce défaut pour cinq mille écus: « Je vous en donnerai dix mille, répondit Dru» fus, fi vous pouvez faire enforte que ma maifon foit » ouverte de toutes parts, & que non-feulement les » voisins, mais encore tous les citoyens puiffent voir tout ce qui s'y passe. »

1.

INTRÉ PIDITÉ.

Lamondare, ou Monder, roi des Sarafins, vou

Andree Chriftianifme dans les Etats. Mais le grand nombre de Chrétiens qu'il avoit dans fon armée lui faifoit craindre que ce projet ne fût de difficile exécution; &, ce qui l'arrêta tout-à-fait, ce fut l'intrépide réfolution d'un de ses principaux officiers. Comme Monder exhortoit fes foldats à renoncer à la Religion Chrétienne, ce guerrier, plein d'un zèle qui fe reffentoit beaucoup de la férocité Sarafine, prit la parole pour tous les autres : « Songes, lui dit-il, que nous » étions Chrétiens, avant que d'être tes fujets. Je ne fçais » ce que pensent mes camarades; pour moi, je n'ai » appris à craindre qui que' ce foit. Je ne connois per» fonne affez puiffant fur la terre, pour me forcer à » croire ce que je ne crois point, ni à déguiser ce que » je crois ; &, s'il faut en venir aux effets, je ne penfe

» pas qu'il y ait d'épée plus longue que la mienne. » Monder ne jugea pas à propos d'entrer en dispute avec un fi ferme adversaire. Il laissa la liberté de religion.

2. L'empereur Valens, qui, pour établir l'Arianifme fur les ruines de la Religion Catholique, perfécutoit cruellement l'Eglife, avoit enfin attiré fur fa tête coupable la vengeance du Dieu jufte & jaloux. Pour l'accélérer, fans doute, le Ciel lui infpira le funefte deffein de faire la guerre aux Goths; mais il ne lui laiffa pas ignorer la triste iffuë de cette entreprise. Lorfqu'il fortoit des portes de Conftantinople pour fe mettre en campagne, un pieux folitaire, nommé Ifaac, rempli de l'Esprit divin, faifit la bride de fon cheval: » Prince, lui dit-il, où courez-vous? Le bras de Dieu » eft levé fur votre tête ; vous avez affligé fon Eglife; » vous en avez banni les vrais pasteurs : rendez-les à » leur troupeau, ou vous périrez avec votre armée. » Je reviendrai, reprit Valens en colere, & je te ferai » repentir de ta folle prédiction. » En même tems, il donna ordre de mettre aux fers ce fanatique, & de le garder jufqu'à fon retour. « J'y confens, s'écria l'intré»pide folitaire: ôtez-moi la vie, fi vous confervez la » vôtre. » La prédiction eut son effet: Valens périt dans une bataille, & fes menaces expirerent avec lui.

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3. Jules-Céfar attendoit à Dyrrachium un renfort qu'on devoit lui envoyer de Brindes: voyant qu'il tardoit trop à venir, il monte, à l'infçu de fon armée, fur une petite barque pour aller le chercher lui-même. La mer étoit agitée, & la barque en danger d'être engloutie. Le pilote, faifi de crainte, n'attendoit plus que la mort. »Raffures-toi, lui dit le Général, tu portes Cé"far & fa fortune. » Telle étoit l'intrépidité de ce grand homme: il s'imaginoit difpofer des dieux & du fort. Cependant l'orage croiffant toujours, il fut obligé de retourner à Dyrrachium. Ses foldats, inftruits de fon deffein, accoururent vers lui, & fe plaignirent amèrement de ce qu'il alloit chercher de nouvelles troupes, comme s'il fe défioit de leur courage,

4. Pépin étoit petit, & c'eft ce qui lui fit donner le furnom de Bref. Quelques courtilans en firent le fujes

de leurs plaifanteries. Il en fut informé, & réfolut d'é tablir fon autorité par quelque coup extraordinaire. L'occafion ne tarda pas à fe préfenter. Il donnoit un dvertiffement où un taureau d'une taille énorme combattoit avec un lion plus terrible encore. Déja ce dernier avoit renverfé fon adverfaire, lorfque Pépin fe tournant vers les feigneurs : « Qui de vous, leur dit-il, » fe fent affez de courage pour aller ou féparer, ou »tuer ces furieux animaux ?» La feule propofition les fit frémir. Perfonne ne répondit. « Ce fera donc moi,» reprit froidement le Monarque. Il tire, en même tems fon fabre, faute dans l'arène, va droit au lion, lui coupe la gorge, &, fans perdre de tems, décharge un fi rude coup fur le taureau, qu'il lui abbat la tête. Toute la cour demeura étonnée de cette force prodigieufe & de cette hardieffe inouïe. Les auteurs de la raillerie furent confondus « David étoit petit, leur dit le Roi, avec une fierté héroïque ; » mais il terrassa » l'orgueilleux géant qui avoit ofé le méprifer. » Tous s'écrierent qu'il méritoit l'Empire du monde.

5. Des mutins s'étant attroupés à la porte du premier préfident Molé, cet intrépide magiftrat voulut aller fe préfenter aux féditieux; mais l'abbé de Chanvallon, qui étoit alors avec lui, effaya de l'arrêter. Ses efforts furent inutiles; & Molé lui dit : « Apprenez, » jeune homme, qu'il y a loin du poignard d'un fcélé >> rat au cœur d'un homme de bien. » A peine fe fut-il montré, que la fédition se calma. Un profond filence fuccéda tout-à-coup aux cris tumultueux de la multi❤ tude; & chacun fe retira chez foi, le repentir dans le

cœur.

6. Don Carlos, petit-fils de Charles-Quint, âgé feulement de dix ans, écoutoit, avec une attention pleine d'intérêt, le détail des guerres, des défaites & des victoires qui avoient rempli un règne fi glorieux. L'Empereur, enchanté de ce qu'il voyoit, lui dit : » Eh bien ! mon fils, que vous semble de mes aven"tures? Je fuis content de ce que vous avez fait » répondit le jeune Prince: il n'y a qu'une chofe que je ne sçaurois vous pardonner; c'eft de vous être fauvé

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