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A l'âge de dix-neuf ans, George Vagan d'Arezzo, en Toscane, poffédoit tout Virgile, & pouvoit le répéter d'un bout à l'autre, depuis la fin jufqu'au com

mencement.

Jofeph Scaliger apprit en vingt-un jours l'Iliade & l'Odyffée d'Homère.

Chrétien Chemnitius, théologien d'lone, fçavoit fi bien la Bible, qu'il citoit le chapitre & le verfet où se trouvoient le paffage, le mot, ou le nom propre qu'on lui propofoit.

Valentin Vetthmius, théologien de la même ville, faifoit la même chofe par rapport au Traité de Grotius: De Jure Pacis & Belli.

Nicolas Bourbon de l'Oratoire récitoit par cœur l'Hiftoire de M. de Thou, & les Eloges de Paul Jove, qu'il aimoit beaucoup.

Joachim Crellius, profeffeur à Drept, ville de Livonie, fçavoit par coeur tout le Texte voir le réciter fans hésiter.

grec, &

pou

Le pere Ménestrier, Jéfuite, avoit une mémoire des plus heureuses. La reine de Suède, paffant à Lyon, en voulut faire une épreuve. Elle fit écrire & prononcer trois cens mots les plus bizarres, & les plus extraordinaires qu'on pût imaginer; il les répéta tous d'abord, dans l'ordre où ils avoient été écrits, & enfuite dans tel ordre & tel arrangement qu'on lui voulut propofer.

Sénèque dit de lui-même, que, par un effort de mémoire, il répétoit deux mille mots détachés dans le même ordre qu'on les lui avoit prononcés.

Muret raconte qu'il dicta un jour à un jeune Corfe une multitude innombrable de moss grecs, latins & barbares, tous détachés les uns des autres, & la plû~ part inintelligibles. Quand il fut las de dicter, le Corfe les récita fans hésiter dans le même ordre, & les répéta en renversant l'ordre, & en commençant par le dernier. Il lui affura qu'il lui feroit aifé d'en répéter de la forte jufqu'à trente-fix mille. Il fit plus; il entreprit d'enseigner fon art à un jeune Vénitien qui se plai

gnoit de fa mémoire: en effet, en fix jours d'exercice, il l'accoutuma à retenir cinq cens vers.

Cornélio Muffo, évêque de Bitonto, qui affista au concile de Trente, après avoir éntendu un fermon le récitoit tout entier, & même fi couramment, qu'on eût dit qu'il en étoit l'auteur.

Le pape Clément VI n'oublioit jamais rien de ce qu'il avoit lu ou entendu; &, ce qui paroît un paradoxe, c'eft que cette grande mémoire lui vint après un coup qu'il avoit reçu derriere la tête.

Jules-Céfar dictoit cinq ou fix lettres à la fois, tandis qu'il écrivoit lui-même.

On a vu à Paris le fieur Marcet, qui dictoit en même tems à dix personnes, en fix ou fept langues différentes, & fur des matieres férieufes. Il faifoit faire l'exercice à un bataillon dans toutes les évolutions militaires, nommant tous les foldats par le nom qu'ils avoient pris, en défilant une fois devant lui; enfin, il fe démêloit heureusement, fans autre fecours que celui de la mémoire, d'une règle d'arithmétique, fûtelle de trente figures.

David le Clerc, pere du fameux Jean le Clerc, avoit une mémoire très-facile, quand il s'agiffoit d'apprendre les langues; mais elle devenoit infidèle, quand il falloit retenir fes fermons.

On a remarqué la même chose dans M. Blondel; car il lui étoit prefqu'impoffible de prêcher faute de mémoire. Cependant, jamais homme n'a mieux retenu que lui tout ce qu'il lifoit, noms de lieux & de perfonnes, & jufqu'aux jours où chaque chofe s'étoit paffée.

Un enfant de huit ans, qui apprenoit parfaitement bien le latin, oublia tout d'un coup prefque tout ce qu'il en fçavoit, quand les grandes chaleurs de 1705 commencerent; deux ou trois jours de fraîcheur lui rendirent la mémoire, qu'il perdit une feconde fois, quand la chaleur revint.

Un Allemand, âgé de plus de foixante ans, étant à table, commença à tenir des difcours fans ordre,

quoi

quoiqu'il ne parût en lui aucun mal; & l'on reconnut qu'il avoit perdu tout-à-coup la mémoire, qu'il avoit eue très-bonne. On lui fit quelques remèdes, & la mémoire lui revint peu-à-peu. Cependant il ne connoif foit plus fes lettres; & il fallut encore quelques médi→ camens pour rappeller tout-à-fait cette ancienne do mestique.

Simon Turnai, fameux docteur de Paris, tomba ; dans fa vieilleffe, dans une fi profonde ignorance, que fon fils, ayant inutilement employé plus d'une année pour lui apprendre le Pater & l'A B C, fut obligé de l'abandonner.

Sleidan eut l'efprit fi épuifé, fur la fin de fa vie qu'il oublia fon nom, celui de fa femme, & celui de fes trois filles.

MENAGEMEN S.

E fameux Valérius Publicola, collégue de Brutus "Leafas le confulat, habitoit une maiton fuperbe &

fort élevée fur la cime du Mont-Palatin, d'où elle com mandoit à la place publique, & d'où l'on voyoit tout ce qui s'y paffoit. Ses avenues étoient fi difficiles qu'on n'en approchoit qu'avec peine; de forte que,' quand il en defcendoit avec cette pompe qui environ noit les Confuls, cela paroiffoit, à ceux qui le voyoient d'en-bas, la chose du monde la plus faftueufe, & moins la marche d'un Conful, que celle d'un Roi. Le peuple, qui ne faifoit que commencer à jouir de la liberté, prenoit ombrage de la moindre chose qui paroiffoit lui être contraire. Valérius apprit le méconten tement des Romains, par le moyen de fes amis. Auffi tôt, fans difputer ni fe fâcher, il affembla. un grand nombre d'ouvriers; &, la nuit même, il démolit fa maison jufqu'à la derniere pierre. Il alla enfuite loger chez ses amis, jusqu'à ce que le peuple lui eût donné une place où il pât bâtir une maifon plus modefte que la premiere.

2. Quand, après l'expulfion des Perfes, la ville D. d'Educ. T. II,

H

d'Athènes fut entiérement rétablie, le peuple; fe voyant tranquille & paisible, chercha, par toutes fortes de voies, à s'emparer du gouvernement, & à le rendre absolument démocratique. Cette trame, quoique fecrette, n'échappa point à la vigilance d'Ariftide, partifan de l'ariftocratie; & ce grand homme en prévit toutes les fuites. Mais, faifant réflexion, d'un côté, que ce peuple méritoit quelque confidération, à caufe de la valeur qu'il avoit témoignée dans toutes les batailles qu'on venoit de gagner, &, de l'autre qu'il n'étoit pas aifé de le réduire & de le contenir, parce qu'il avoit les armes à la main, & qu'il étoit devenu plus fier que jamais par fes victoires, il crut devoir le ménager, & ufer de tempérament. Il fit donc un décret qui portoit que le gouvernement feroit commun à tous les citoyens, & que les Archontes, quê étoient les premiers magiftrats de la République, feroient choifis désormais, fans diftinction, parmi tous les Athéniens. En accordant ainfi quelque chofe au peuple, il prévint de funeftes diffenfions qui auroient pu caufer la ruine d'Athènes & de toute la Grèce.

3. Pififtrate, après s'être rendu maître d'Athènes, les armes à la main, regardoit fa conquête comme imparfaite, s'il n'y ajoûtoit celle du fage Solon, qui toujours s'étoit fortement oppofé à fon ufurpation tyrannique. Bien inftruit des moyens par lefquels un vieillard peut être gagné, il n'y eut point de careffes qu'il ne lui fit, point de marques d'eftime & d'amitié qu'il ne lui donnât, en lui rendant toutes fortes d'honneurs, en l'appellant fouvent près de fa perfonne, en fe déclarant hautement pour fes loix qu'il obfervoit effectivement lui-même, & qu'il faisoit obferver aux autres. Solon, voyant qu'il n'étoit pas poffible de porter Pififtrate à renoncer à la tyrannie, crut qu'il étoit de la prudence de ne point irriter l'ufurpateur, en rejettant les avances qu'il lui faifoit; & il espéra qu'en entrant dans fa confidence & dans fon confeil, il ferojt en état de rectifier, au moins, & de conduire une do mination qu'il ne pouvoit abolir, & d'adoucir des maux qu'il n'avoit pu empêcher.

MERIT E.

1. Rançois I combloit de bienfaits Jacques de Gourdon de Genouillac, dit Galiot, qui venoit de contribuer plus que perfonne, par le moyen de fon artillerie, au gain de la bataille de Marignan, en 1515. La Chambre des Comptes repréfenta que ces récompenses étoient des aliénations du domaine. « Je le fçais » bien, répondit le Monarque: vous faites votre de>> voir de m'en avertir; & moi, je fais le mien, en > paffant par-deffus les régles ordinaires, pour récom» penfer un homme extraordinaire. » L'envie des courtifans ne tarda point à exagérer & à rendre fufpectes les richeffes & les dépenfes de Galiot; & le Prince lui en parla. «On vous a dit vrai, Sire; je fuis très» riche: je n'ai pourtant que ce que vous m'avez donné. >> Tous mes biens font à vous; reprenez-les ; je n'aurai » point à me plaindre, & je ne vous en fervirai pas » avec moins de zèle. Mon cher ami, reprit le Roi, » en l'embraffant, aimez-moi toujours, & fervez-moi » comme vous avez fait. L'envie en veut à ma gloire » quand elle en veut à vos biens: des services, tels que » les vôtres, ne peuvent être affez payés. »

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2. Jamais le chevalier Bayard ne brigua aucune charge; jamais il n'étala aux yeux de fon Souverain fes longs & glorieux fervices, pour parvenir à quelque récompenfe. « Nos belles actions, difoit-il, doi"vent parler pour nous, & demander ces fortes de » choses qu'il est plus glorieux de mériter, que de pof» féder fans en être digne. »

3. Le fameux Apelle rendoit justice avec joie au mérite des grands ouvriers, & ne rougiffoit point de fe les préférer à lui-même, pour de certaines qualités: ainfi il avouoit ingénument qu'Amphion l'emportoit fur lui pour la difpofition, & Afclépiodore pour la régularité du deffein. Protogène, le plus grand rival de ce peintre imortel, n'étoit pas beaucoup eftimé des Rho

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