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diens, fes compatriotes. Pendant qu'Apelle étoit avec lui à Rhodes, lui ayant demandé, un jour, ce qu'il vendoit fes ouvrages, lorfqu'il y avoit mis la derniere main, &, l'autre lui ayant marqué une fomme trèsmodique: « Et moi, reprit Apelle, je vous offre cin» quante talens pour chacun, & je les prendrai tous à ?? » ce prix;" ajoûtant qu'il ne feroit point en peine de s'en défaire, & qu'il les vendroit comme étant de fa propre main. Cette offre, qui étoit férieufe, fit ouvrir les yeux aux Rhodiens fur le mérite de leur artiste qui, de fon côté, s'en prévalut, & ne livra plus fes chefs d'œuvre qu'à un prix très-considérable.

4. Les talens de M. Méry, fameux anatomiste, étoient fi connus, quoique, par fa conduite, il s'efforçât de les cacher, que les rois d'Efpagne & de Portugal lui firent alternativement les offres les plus avantageufes pour le fixer dans leurs Etats. Mais rien ne put vaincre l'amour de la patrie. Sa réputation s'étoit rés pandue dans tout le monde fçavant; & cependant il en ignoroit l'éclat. Après qu'il avoit rempli, dans la derniere exactitude, fes fonctions néceffaires, il fe renfermoit dans fon cabinet, où il étudioit, non pas tant les livres, que la nature même. Il n'avoit de commerce qu'avec les morts, & cela, dans un fens beaucoup plus étroit qu'on ne le dit d'ordinaire des fçavans. Îl s'inftruifoit donc infiniment; mais perfonne n'en eût rien fçu, fi les opérations merveilleufes, qu'il faifoit tous les jours, n'euffent trahi le fecret de fon habileté. Ceux qui font fortement occupés à exercer une profeffion ou un talent, parlent du moins plus volontiers dans l'intérieur de leur famille, foit de leurs occupations préfentes, foit de leurs projets on eft obligé de les écouter; & ils ont une liberté entiere de fe faire valoir. Mais il n'ufoit point de fes droits à cet égard on ne le yoyoit qu'aux heures des repas; & il n'y tenoit point de difcours inutiles. Tout étoit enseveli dans un profond filence; & il eft prefqu'étonnant que M. Méry ait été connu. Il n'a rien mis du fien, dans fa réputation, que fon rare mérite.

MODERATION.

1. N jour, un infolent donna un vigoureux foufflet au célèbre Abou-Hanifah, fameux docteur Mufulman, & chef de la fecte des Hanifites. « Je pour » tois, lui dit ce grand homme, vous rendre injure pour injure; mais je ne le veux point. Je pourrois vou accufer devant le Khalife; mais je ne fuis point délateur. Je pourrois, dans mes prieres à Dieu, mé plaindre de l'outrage que vous m'avez fait; mais je m'en garderai bien. Enfin je pourrois demander » qu'au jour du jugement Dieu me vengeât; mais à Dieu ne plaife que je conçoive cette penfée! Au » contraire, fi ce terrible jour arrivoit dans ce mo ment, & que mon interceffion pût vous être utile, » je ne voudrois entrer en paradis qu'avec vous. » Exemple admirable d'une ame calme, tranquille, & difpofée au pardon !

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2. Démonides avoit les pieds tortus & tout contre faits. Ses fouliers lui ayant, un jour, été volés, il fe contenta de s'écrier: « Puiffent-ils bien aller aux pieds » de celui qui me les a pris! »

L'attachement inviolable d'Ariftide pour la juf tice, l'obligeoit fouvent de s'opposer à Thémistocle, qui, fur ce point, no fe piquoit pas de délicateffe, & qui mit en ufage toutes fortes d'intrigues & de cabales pour écarter, par les fuffrages du peuple, un rival qu'il trouvoit toujours contraire à fes deffeins ambitieux. Il parut bien, dans cette occafion, qu'on peut être fupérieur en mérite & en vertu, fans l'être en crédit. L'éloquence impétueuse de Thémistocle l'emporta fur la justice d'Ariftide. Il vint à bout de le faire bannir. Dans cette forte de jugement, les citoyens donnoient leur fuffrage, en écrivant le nom de l'accufé fur une coquille (4). Un paysan, qui ne sçavoit pas écrire, &

(a) Elle s'appelloit, en grec, ospœxor, d'où eft venu le nom d'ostracisme.

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qui ne connoiffoit point Ariftide, s'adreffa à lui-même, pour le prier de mettre le nom d'Ariftide fur fa coquille. « Cet homme vous a-t-il fait quelque mal, lui » dit Ariftide, pour le condamner ainsi ? Non : je » ne le connois pas même ; mais je fuis fatigué, je fuis » bleffé de l'entendre par-tout appeller le Jufte.» Aristide, fans répondre une feule parole, prit tranquillement la coquille, y écrivit fon nom, & la lui rendit. Il partit pour fon exil, en priant les Dieux de ne pas permettre qu'il arrivât à fa patrie aucun accident qui le fit regretter. Pendant qu'on le conduifoit hors d'Athènes, un de fes ennemis lui cracha au visage. Il s'effuya fans fe plaindre ; &, fe tournant vers le magistrat qui l'accompagnoit : « C'eft à vous, lui dit-il, d'aver»tir cet homme, de peur qu'il n'en agisse ainsi envers » quelqu'autre citoyen. »

4. On vint dire à M. Colbert que le poëte Hénaut avoit fait contre lui un fonnet injurieux & fatyrique, très-fameux dans le tems, & qui commence par ces mots: Miniftre lâche, &c. Colbert refufa de le lire, & demanda feulement fi le Roi y étoit attaqué? On lui répondit que non. « En ce cas, reprit ce grand homme, » qu'on laiffe l'auteur tranquille. »

5. Philippe, pere du grand Alexandre, affiftoit, un jour, aux jeux Olympiques. Les habitans du Péloponnèfe, à qui ce Prince avoit rendu des fervices importans, l'infultoient cependant par des railleries fanglantes. Les amis du roi de Macédoine l'exhortaient à punir ces infolens; mais ce Monarque leur répondit: « Si » ces gens font affez méchans pour infulter ceux qui » leur font du bien, que ne feront-ils pas ceux qui » leur font du mal? >> Une autre fois, on lui confeilloit de détruire la ville d'Athènes, la perpétuelle rivale de fa grandeur « Aux » Dieux ne plaife, répondit-il, que je renverse le plus » beau théatre de ma gloire ! »

à

6. Un citoyen diffamé par fes vices accabloit d'injures Caton l'Ancien. « Au nom des Dieux, lui dit ce » grave Romain, ne me forcez pas d'entrer en lice » avec vous: la partie n'eft pas égale. Accoutumé à

répandre fur les autres l'opprobre dont vous êtes » couvert, vous l'emporterez aifément fur un homme » auffi peu fait pour dire des injures, que pour en re

» cevoir. »

Quelqu'un l'ayant frappé dans le bain, un de fes amis le reprit de ce qu'il fouffroit cette infulte fans en tirer vengeance: « Je ne me rappelle point, dit-il, d'a» voir été frappé; mon reffentiment a paffé auffi vîte » que la douleur du coup que j'ai reçu. »

7. Le poëte Sofithée récita en public des vers contre le philofophe Cléanthe. Ce fage les écouta tranquillement & fans s'émouvoir. Le peuple, charmé de sa patience vraiment ftoïque, lui donna de grands applaudiffemens, & chaffa Sofithée. Ce poëte ayant enfuite témoigné fon repentir à Cléanthe, ce grave perfonnage lui répondit : « Bacchus, Hercule & les autres » Dieux fouffrent bien les impertinences des poëtes; » pourquoi m'en offenserois-je, moi qui ne fuis qu'un >> mortel? »

7. Le muficien Nicodrome, irrité des railleries du philofophe Cratès, lui donna un grand coup de poing dans le vifage, qui le fit enfler. Cratès, pour toute vengeance, s'attacha fur le front une tablette où il avoit écrit : « C'eft Nicodrome qui l'a fait ; » allufion plaifante à l'ufage des artistes qui mettent leur nom à leurs ouvrages. Ainfi Cratès, fe promenant avec sa tumeur & fon écriteau, faifoit connoître à tout le monde la brutalité de Nicodrome, fans cependant fortir des régles que la modération philofophique peut prescrire. 9. Le philofophe Démonax reprochoit à un athlète de ce qu'après avoir remporté la victoire aux jeux Olympiques, il s'abandonnoit à la molleffe. Cet homme reçut fort mal fon avis, & lui jetta une groffe pierre qui lui fit une plaie confidérable à la tête. Les affiftans, indignés, confeilloient au bleffé d'aller trouver le magiftrat : « Je vais plutôt trouver le médecin, dit le » philosophe; il faut guérir le mal avant de s'en ven» ger. »

10. Quand il fut queftion de nommer un généraliffime pour commander la flotte deftinée à combattre

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celle de Xerxès, les Athéniens, qui feuls en avoiené fourni les deux tiers, prétendirent que cet honneur leur appartenoit; & rien n'étoit plus jufte que leur pré tention. Cependant tous les fuffrages des Alliés fe réunirent en faveur d'Eurybiade, Lacédémonien. Thémiftocle, quoique fort avide de gloire, crut que, dans cette occafion, il devoit oublier fes propres intérêts, pour le bien commun de la patrie; &, ayant fait entendre aux Athéniens, que, pourvu qu'ils fe conduififfent en gens de courage, bientôt tous les Grecs leur déféreroient d'eux-mêmes le commandement, il leur perfuada de céder, auffi-bien que lui, aux Lacédémoniens,, Cette fage modération de Thémiftocle fauva J'Etat; car les Alliés menaçoient de se retirer, fi l'on prenoit un autre parti; & cette défunion eût perdu la Grèce.

11. Le maréchal de la Ferté, voulant donner du chagrin à M. de Turenne, roua de coups un de fes gardes qui ne manqua pas de lui en porter fes plaintés. « Vous êtes un frippon & un coquin, lui dit le » Vicomte; car M. de la Ferté ne vous eût point frappé, » fi vous ne l'aviez pas mérité. » Il le fit mener enfuite au Maréchal, pour en tirer telle juftice qu'il lui plairoit. Mais M. de la Ferté reconnut, malgré lui-même, l'héroïque modération de Turenne. Il renvoya le garde, en lui faisant compter quelques louis, & lui dit : « Rap» portes à ton maître qu'il fera toujours fage, & moi » toujours fou,»

12. On difoit un jour au Taffe, l'un des plus grands poëtes d'Italie, qu'il avoit une belle occafion de fe venger d'un homme qui, par haine & par jaloufie, lui avoit rendu mille mauvais fervices. « Ce n'eft pas » le bien, répondit cet homme immortel, ce n'eft pas » la vie ou l'honneur que je defire ôter à cet envieux, » mais uniquement fa mauvaise volonté. »

13. La principale vertu de Théodofe II, & celle qui faifoit le fond de fon caractere, étoit une fage & noble modeftie. Placé entre Dieu & fes fujets, il appercevoit l'efpace immenfe qui le féparoit de la Divinité, & l'étroit intervalle qui le diftinguoit des autres

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