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hommes. Il ne put fouffrir les hommages, prefque divins, qu'une adulation paffée en coutume rendoit aux ftatues des Empereurs. On les ornoit de fleurs; on brûloit devant elles de l'encens & d'autres parfums: on fe profternoit à leurs pieds. Il profcrivit ces honneurs idolâtres, & ordonna de réserver à l'Etre fuprême tous ces fignes d'adoration, qui ne peuvent convenir aux hommes, quelqu'élevés qu'ils foient. On raconte que ce Prince, s'étant éloigné de fes gens dans une chaffe, arriva, fort fatigué, à une cabane écartée. C'étoit la cellule d'un anachorète qui étoit venu d'Egypte s'établir dans le voifinage de Conftantinople. Le lolitaire le prit pour un officier de la cour, & le reçut avec honnêteté. Ils firent la priere, & s'affirent. Théodofe entra en conversation, & lui demanda ce que faifoient les moines d'Egypte? « Ils prient pour »nous, répondit l'anachorète. » L'Empereur, jertant les yeux de toutes parts, ne vit dans la cellule qu'une corbeille où étoient un morceau de pain & un vase plein d'eau. Son hôte l'invita à manger & à boire. Le Prince l'accepta ; &, après ce repas frugal, s'étant fait connoître pour ce qu'il étoit, comme le folitaire fe jettoit à fes pieds, il le releva, en lui disant : « Que " vous êtes heureux, mon pere, de vivre loin des » affaires du fiécle! Le vrai bonheur n'habite pas fous » la pourpre. Je n'ai jamais trouvé de plus grand plaifir » qu'à manger votre pain & à boire votre eau. » En même tems, fes gens, qui le cherchoient, étant arrivés, il partit, en fe recommandant aux prieres de l'anachorète. Celui-ci, craignant que cette aventure ne lui attirât quelque confidération, quitta fa cellule, & s'enfuit en Egypte.

14 Madame de Richelieu, dame d'honneur de la Dauphine, étant venue à mourir, toutes les dames de la cour briguerent cette charge. Madame de Maintenon, qu'on jugeoit trop petite pour la remplir, mais affez grande pour la donner, étoit dépofitaire des inrérêts & des fentimens de chaque parti. Le Roi s'en remit à la décifion de madame la Dauphine, qui le pria de guider fon choix, Le Roi l'affura qu'il ne vou

loit point la gêner. La Princeffe lui répondit qu'elle n'a voit d'autre goût que le fien. « Si cela eft, lui dit le » Monarque, votre choix fera bientôt fait. » Sur le champ, madame la Dauphine nomma madame de Maintenon. Le Roi, charmé de mettre à la tête de la cour la femme qui régnoit dans fon cœur, voulut être le premier témoin des tranfports de joie que lui cauferoit cette nouvelle: tant le cœur de madame de Maintenon lui étoit encore peu connu ! Elle la reçut avec la plus refpectueufe indifférence, & parut plus digne qu'avide de la premiere place. Elle lui repréfenta que cette charge exciteroit contre elle l'envie qu'il falloit plutôt défarmer par la modération, qu'irriter par l'orgueil, « Quant à l'honneur, ajoûta-t-elle, que cette » place me feroit, ne le trouvé-je pas tout entier » dans l'offre que me fait Votre Majefté? » Louis infifta madame de Maintenon perfévéra dans fon refus. Puifque vous ne voulez pas, lui dit enfin le Roi, » jouir de mes graces, il faut du moins, Madame • » que vous jouiffiez de vos refus. » Elle le fupplia de garder le filence; mais le Roi ne put s'empêcher de raconter à tous fes courtisans ce rare exemple de modération.

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15. Le fameux Caïus Marius, pendant fon confulat, ayant vaincu les Teutons, apprit que les Cimbres étoient près d'arriver. Confidérant alors que la République alloit être expofée à un nouveau danger, il différa le triomphe qu'il avoit mérité; &, s'étant joint à Catulus, il défit les Cimbres auprès de Verceil. Cette double victoire étoit digne d'un double triomphe. Marius fe contenta d'un feul, & voulut que fon collégue le partageât avec lui. Bel exemple d'une généreufe modération que Marius lui-même ne fçut pas toujours conferver!

16. Le célèbre maréchal de Catinat commandoit en Italie l'armée Françoife contre le prince Eugène. Gêné par les ordres de la cour, il n'eut pas tout le fuccès qu'on attendoit; &, comme il n'avoit point de cabale qui le foutînt, on lui ôta le commandement. Le maréchal de Villeroy fut choifi pour réparer les prétendues

fautes de Catinat; & le vainqueur de Stafarde & de Marfaille fut obligé de fervir fous lui. Catinat fupporta, avec une fermeté héroïque, l'injuftice qu'on lui faifoit, & s'acquit par-là plus de gloire aux yeux des fages, que s'il eût remporté les plus éclatantes victoires. Villeroy ordonna d'abord qu'on attaquât le prince Eugène au pofte de Chiari, près de l'Oglio. Les officiers généraux jugeoient qu'il étoit contre toutes les régles de la guerre d'attaquer ce pofte, parce qu'il n'étoit d'aucune conféquence, & que les retranchemens en étoient inabordables; qu'on ne gagneroit rien en le prenant, & que, fi l'on avoit le malheur de le manquer, ce qui paroiffoit indubitable, on perdoit la réputation de la campa gne. Villeroy envoya un aide-de-camp ordonner, de fa part, au maréchal de Catinat d'attaquer. Catinat fe fit répéter l'ordre, trois fois; &, fe tournant vers les officiers qu'il commandoit : « Allons, dit-il; allons, » meffieurs, il faut obéir. » On marcha aux retranchemens. Catinat chercha à fe faire tuer. Il fut bleffé; mais, tout bleffé qu'il étoit, voyant les troupes du Roi rebutées, & le maréchal de Villeroy ne donnant point d'ordre, il fit la retraite; après quoi, il quitta l'armée, & vint à Verfailles rendre compte de fa conduite au Roi, fans parler de perfonne.

17: Les Parthes, dans la chaleur d'une fédition avoient déthrôné leur roi Artaban. Ce Prince eut recours à Jaxat, roi des Adiabènes, qui leva des troupes pour le rétablir. Les Parthes fe repentoient déja d'avoir chaffé leur Monarque: redoutant d'ailleurs la guerre qui les menaçoit, ils envoyerent des ambaffadeurs aux deux Princes, pour leur déclarer qu'ils étoient prêts à rentrer dans leur devoir. Il fe préfentoit cependant un obftacle à leur deffein : ils avoient couronné Cinname à la place d'Artaban; ils lui avoient juré fidélité; & ils fe faifoient un fcrupule de violer leur ferment. Cinname, fçachant ce qui les arrêtoit, récrivit aux deux Rois qu'ils pouvoient venir, & qu'il céderoit fans peine la couronne à fon véritable maître. A leur arrivée, Cinname, revêtu de ses habits royaux, le front ceint de fon dia

dême, alla au-devant d'eux. Dès qu'il apperçut Artaban, il defcendit de cheval, & lui dit: a Prince, j'ai » reçu, à la priere des Parthes, la couronne qu'ils vous » avoient enlevée; mais, dès que j'ai appris qu'ils vou» loient vous rétablir fur le throne, & que j'étois le feul » obstacle à leurs deffeins, non-feulement je ne m'y » fuis point oppofé, mais je viens de moi-même re» mettre entre vos mains l'Empire qui vous appartient. » Auffi-tôt il ôte fa tiare, & la met fur la tête d'Artaban: exemple d'une modération bien rare! Lorfqu'il s'agit du thrône, les hommes, d'ordinaire, fe croient difpenfés d'être juftes; les plus grands crimes leur femblent permis.

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18. Apollonius de Tyane étant à Babylone, le Roi lui offrit un logement dans fon palais. « Seigneur, dit »ce philofophe, fi vous veniez à Tyane, ma patrie, » & que je vous invitaffe à loger chez moi, voudriez» vous y confentir? Non, de par Jupiter! répondit » le Monarque, à moins que l'édifice où vous voudriez » me loger ne fût affez fpacieux pour contenir tous mes officiers & toute ma garde. Je fuis dans le même cas, repliqua le fage: fi j'étois logé au-deffus de ma » condition, je ne me trouverois pas à l'aife; car le » trop fatigue plus le véritable philofophe, que le trop » peu ne vous déplaît.

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19. Méandre, tyran de Samos, pour fe dérober aux pourfuites des Perfes, s'étoit retiré à Lacédémone. Il y étala des fommes d'argent confidérables: il en offrit même au roi Cléomène; mais cet auftere Lacédémonien ne voulut rien recevoir. Craignant même que les richeffes de Méandre ne corrompiffent quelques citoyens, il alla trouver les Ephores, & leur représenta qu'il étoit de l'intérêt de la patrie que Méandre fortît du Péloponnèfe. Les Ephores fuivirent fon avis, & ordonnerent au tyran fugitif de chercher une autre retraite. Un fi grand mépris des richeffes doit paroître incroyable dans un fiécle où l'on facrifie tout pour en acquérir.

20. Timoléon, après avoir chaffé les tyrans de la Sicile, & rendu la liberté à Syracuse, préférant le fé

jour de cette ville à celui de Corinthe, fa patrie, y fixá fa demeure, jouiffant du plaifir fi doux de voir tant de milliers d'hommes lui devoir leur repos & leur bonheur. Il fe trouva cependant deux citoyens qui oferent l'accufer de plufieurs crimes, & le citer en juftice. Le peuple, qui adoroit le reftaurateur de la liberté, voulut fe foulever contre ces malheureux, & s'oppofer à leur poursuite; mais Timoléon n'y voulut pas confentir: Pourquoi, dit-il, me fuis-je exposé volontairement à » tant de dangers? Pourquoi ai-je efluyé tant de fati» gues & tant de travaux, fi ce n'est pour mettre chaque citoyen de Syracufe en droit de faire observer » les loix?» Un certain Déménète l'accufa, en pleine affemblée, de plufieurs malverfations, pendant qu'i commandoit l'armée. Timoléon ne s'arrêta point à réfuter ces calomnies: il s'écria feulement qu'il rendoit graces aux Dieux de ce qu'ils avoient exaucé les prieres; & qu'enfin, il voyoit les Syracufains jouir de la pleine liberté de tout dire, comme il l'avoit fouhaité.

21. Dion, chaffé de Syracufe, après avoir rendu à cette ingrate patrie les plus fignalés fervices, alla chercher un afyle à Mégare, où Préodore rempliffoit alors la fuprême dignité. Dion eut, un jour, befoin de fes fervices: il fe rendit dans fon palais; mais le fouverain magiftrat, accablé d'affaires, étoit d'un accès fort difficile. On fit long-tems attendre l'exilé de Syracufe, fans aucun égard pour fa grandeur paffée. Ses amis étoient indignés de voir traiter de la forte un homme, autrefois fi craint & fi refpecté. « Confolonsnous, mes amis, leur dit tranquillement Dion: n'ai»je pas fouvent fait la même chose, lorsque j'étois à » Syracufe?»

22. Quelques habitans de l'ifle de Chio, étant à Lacédémone, vomirent, après leur repas, fur les bancs où s'affeyoient les Ephores, & poufferent l'indécence jufqu'à fe mettre deffus pour fatisfaire à leurs befoins. Lorfque cette infamie fut découverte, on fit une exacte recherche des auteurs de cette action, & l'on connut bientôt les coupables. Les Ephores, pour toute vengeance, firent publier, par un crieur public, que les

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