صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

tet efclave, qui nettoie ma garde-robe, & moi, nous » avions ignoré jufqu'à ce jour. »

4. Le célèbre Paul-Emile venoit de vaincre Perfée, & de foumettre pour toujours à la domination Romaine, la Macédoine, cette patrie d'Alexandre le Grand, & de tant de puiffans Monarques. Le modefte conquérant, loin de fe laiffer enfler d'un vain orgueil, ne s'occupa qu'à faire de férieufes réflexions fur le caprice de la fortune. Il tendit la main à Perfée avec bonté, & le releva; après quoi, prenant avec lui fes fils, fes gendres & les fils des principaux officiers de l'armée, il fe retira dans fa tente. Là, il demeura quelque tems recueilli en lui-même, fans proférer une feule parole. Les jeunes-gens, qui l'environnoient, furpris de ce filence profond, attendoient avec refpect que Paul-Emile leur parlât. Enfin, le Général, fortant de fa rêverie leur dit d'un ton grave & férieux: « Songez, mes en» fans, qu'un inftant a fuffi pour renverser la maison » d'Alexandre qui étoit parvenu au plus haut degré de » puiffance, & qui avoit affujetti la plus grande partie » de l'Univers. Nous foulons aux pieds ce thrône jadis » fi floriffant; & tous ces Princes, naguère environ» nés d'une armée fi formidable, font réduits, en ce » jour, à recevoir de la main de leurs ennemis un peu » de grain pour foutenir une vie malheureufe. Après » un exemple fi frapant des caprices de la fortune, » qui de nous, mes enfans, ofera fe flater d'une félicité » conftante? Ne vous laiffez donc point enyvrer par » cet orgueil frivole, que la victoire inspire aux jeunes » cœurs; & fongez que le moment de la plus brillante » profpérité eft prefque toujours celui que la fortune choifit pour nous faire éprouver quelques revers. » 5. Platon, voulant voir les jeux Olympiques, célè bres par un prodigieux concours de toute la Grèce, fe rendit à Olympe, où il logea avec des perfonnes qu'il ne connoiffoit pas, & dont il n'étoit pas connu lui-même. Il fe les attacha bientôt par fes manieres polies, fon caractere plein de douceur, fes difcours éloignés de toute affectation & de ce faux air de fageffe, qui fait l'unique mérite de bien des gens. Ces étrangers étoient!

charmés de la compagnie d'un homme fi aimable. It ne leur parla ni de Socrate, ni de fon académie; seu lement il leur dit qu'il s'appelloit Platon. Après la célébration des jeux, ils allerent à Athènes où le philofophe les reçut avec cette aimable politeffe qui diftingue les vrais fages. Alors fes hôtes lui dirent : « Faites»nous voir, s'il vous plaît, ce disciple de Socrate, qui » porte votre nom, & dont la renommée fait par-tout » tant de bruit. Menez-nous à fon école, & préfen» tez-nous à lui, afin que nous retirions quelque fruit » de fa conversation. C'est moi-même, » leur répondit Platon, avec un fouris modefte. Ces étrangers furent étrangement furpris d'apprendre qu'ils avoient eu, fans le fçavoir, un compagnon de cette efpece. Ils comprirent auffi-tôt que tout ce que l'on difoit de Platon étoit encore bien au-deffous du vrai, puifqu'un homme, qui avoit tant de droit de fe livrer à l'orgueil, & de vanter fon mérite, fe piquoit cependant de la modeftie la plus rare, & laiffoit aux autres le foin de parler de lui.

[ocr errors]

6. Quelques pêcheurs de l'ifle de Co ayant jetté leurs filets dans la mer, des étrangers, qui paffoient, acheterent le poiffon qui fe trouveroit pris, avant même que les filets fuffent tirés; mais, au lieu de poiffon, il s'y trouva un trépied d'or. Il y eut entre les pêcheurs & les étrangers une grande conteftation: l'Oracle les mit d'accord, en déclarant qu'il falloit le donner au plus Lage de la Grèce. On l'envoya à Thalès de Miles, qui étoit alors en grande réputation: Thalès, auffi modeste que Lage, le renvoya à Bias; Bias à un autre; & ainfi de main en main, il revint à Thalès, qui le confacra à Thèbes, dans le temple d'Apollon: grand & rare exemple de la modeftie des fages du paganisme!

[ocr errors]

7. Agéfilas, le plus grand roi peut-être qui ait honoré Lacédémone, portoit à fon comble la modeftie, cette vertu fi rare dans les Princes; mais autant il étoit modefte, autant il déteftoit l'orgueil & l'arrogance dans les autres. Le médecin Ménécrate, ayant réuffi dans la cure de quelques maladies défefpérées, fut admiré du peuple qui le nomma Jupiter. Ce docte personnage,

auffi vain que le font ordinairement ceux de fa profeffion, ne fit pas difficulté de fe parer lui-même de ce nom. Le monarque Lacédémonien en reçut une Lettre qui commençoit ainfi : « Ménécrate-Jupiter; au roi Agéfilas, Salut. » Le Prince lui récrivit : « Le roi Agé» filas; à Ménécrate, Sageffe.:

[ocr errors]

Ce réligieux amour de la modeftie s'accrut dans fon ame avec l'âge, & l'accompagna jufqu'au tombeau. Près de mourir, il chargea ceux qui l'environnoient d'avoir foin qu'on ne lui fit nulle part aucune ftatue, & qu'on ne plaçât fon portrait dans aucun endroit: « Si j'ai fait, leur dit-il, quelques belles actions,' »ce feront les monumens de ma gloire; mais, fi je » n'ai rien fait qui mérite l'estime des hommes, les por » traits & les statues, ouvrages de vils ouvriers, ne » rendront point ma mémoire illustre. »

8. Quoique Frontin, écrivain célèbre, eût rempli; avec éclat, les premieres dignités de l'Empire, fous le règne de Vefpafien, il ne fe livra jamais au moindre fentiment d'orgueil; & il ne fe diftingua de fes concitoyens que par un grand mérite accompagné d'une rare modeftie. Il défendit, par fon teftament, qu'on lui élevât, après fa mort, aucun monument fuperbe : » Si j'ai fait de belles actions pendant ma vie, difoit-il, » elles feront plus d'honneur à ma mémoire qu'un vain » tombeau. Si j'ai vécu dans le crime & dans l'oppro»bre, il n'eft pas besoin qu'un magnifique maufolée » éternise ma honte. »

[ocr errors]

9. Pefcennius-Niger ayant été proclamé Empereur, un courtifan voulut réciter devant lui fon panégyrique; mais le Prince ne le fouffrit pas. « Faites, fi vous » voulez, lui dit-il, l'éloge de Scipion, de Marius, ou » de quelqu'autre ancien capitaine; mais fouvenezvous, que louer les vivans, & fur-tout les Empereurs, » c'eft s'en moquer, & les prendre pour des fots." 10. Un flateur ennuyeux, croyant qu'Alfonfe V étoit fort avide de louanges, le complimenta, un jour, fa noblesse, & lui dit avec emphase: « Sire, vous n'ê"tes pas fimplement Roi comme les autres; vous êtes » encore frere, neveu & fils de Roi. Eh! mon

[ocr errors]
[ocr errors]

fur

»Dieu que prouvent tous ces titres, lui répondit lę fage Monarque? que je tiens la couronne de mes » ancêtres, & que je l'ai eue par fucceffion, fans avoir » rien fait de grand qui me l'ait méritée. »

11. Le célèbre Boileau préfenta, un jour, à Louis XIV fon Epitre fur le Paffage du Rhin. Après en avoir écouté la lecture; « Cela eft beau, lui dit le modeste » Monarque; & je vous louerois davantage. fi vous » m'aviez moins loué. » L'Académie Françoise rendoit régulièrement compte à ce Prince des fujets qu'elle propofoit pour les prix, Il y eut une année où elle donna pour ujet, laquelle de toutes les vertus du Roi méritoit la préférence? Dans cette occafion, on auroit pu la donner à fa modeftie; car ce Prince fage défendit qu'un pareil fujet fût traité.

12. Le grand Gustave-Adolphe, au milieu de fes conquêtes, confervoit des fentimens de modeftie & de piéré, bien rares dans un conquérant environné de gloire. Etant retourné en Saxe, peu de tems avant la bataille de Lutzen, le peuple le reçut avec des accla mations extraordinaires. Ce Prince, confus de tanţ d'honneurs, fe tourna vers fon chapelain Fabrice, & lui dit: Tout me réuffit; mais je crains bien " que Dieu »ne me puniffe de la folie du peuple. Ne diroit-on pas » que ces gens me regardent comme leur Divinité ? » Grand Dieu ! tu m'es témoin combien tous ces vains » applaudiffemens me déplaisent! »

13. Charles V, ayant jetté les yeux fur Bertrand Du-Guefclin, pour le créer Connétable de France, le fit entrer dans le palais où tout fon conseil étoit af Temblé, & lui dit d'un ron de maître: « Du-Guefclin,

[ocr errors]

ni

prenez mon épée, & l'employez contre les ennemis » de la France. » Du- Guesclin la refusa, s'excufant fur fon incapacité, & principalement fur fa naissance qui devoit l'éloigner d'une fi haute charge; mais le Roi lui dit: «Scachez, meffire Bertrand, que n'ai ni frere, » coufin, ni neveu, ni baron dans mon royaume, qui » n'obéiffe à vous; &, fi quelqu'un y étoit contraire il m'irriteroit tellement, qu'il s'en appercevroit, Ainfi, » prenez cet office avec joie; & je vous en prie, » Alors

[ocr errors]

ée brave guerrier, ne pouvant réfifter plus long-tems à la volonté d'un maître qu'il fervoit avec zèle & avec courage, prit l'épée, & la tira du fourreau, en difant:

Je ne l'y remettrai jamais, qu'après avoir chaffé les » ennemis du royaume. » Il tint, en effet, fa parole. 14. Louis XIV voulut honorer le maréchal Fabert du cordon bleu, fur la fin de l'an 1661; mais ce modefte capitaine le refufa, prétendant qu'il ne devoit être porté que par l'ancienne noblesse. Le Monarque, loin d'en être offenfé, admira le généreux défintéreffement du Maréchal, & lui écrivit lui-même pour exalter fon refus : « J'ai un regret très-fenfible, lui dit-il, » de voir un homme, qui, par fa valeur & par fa fidé»lité, eft parvenu fi dignement aux premieres char»ges de ma couronne, fe priver lui-même de cette nou» velle marque d'honneur, par un obstacle qui me lie les mains. Ainfi, ne pouvant rien faire davantage » pour rendre justice à votre vertu, je vous affurerai » du moins, par ces lignes, que ceux à qui je vais dif »tribuer le collier ne peuvent jamais en recevoir plus » de luftre dans le monde, que le refus, que vous en » faites par un principe fi généreux, vous en donne » auprès de moi. »

15. Quand le vicomte de Turenne rendoit compte de fes glorieux exploits, l'admiration de toute l'Europe, on eût dit que rien n'étoit plus fimple & plus ordinaire que les actions, & qu'il n'y avoit eu prefqu'au cune part. Le cardinal Mazarin fit faire une relation de la journée de Bléneau. Elle commençoit par le confeil que Turenne avoit donné au maréchal d'Hoquincourt, & dont le mépris avoit caufé fon entiere défaite. Le Vicomte pria le Miniftre d'oter cet article, avant qu'on l'imprimât, lui repréfentant que ce Maréchal avoit déja affez de chagrin d'avoir été battu, fans l'augmen ter encore par une circonftance fi mortifiante. Mais c'étoit au fond pour épargner fa modeftie, & fermer la bouche à l'envie. Le Cardinal eut égard à sa priere, & l'article fut fupprimé.

16. Louis XIV fe promenoit dans les jardins de Versailles, entre Manfard & Le Noftre ; &, regardant

« السابقةمتابعة »