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le rendre plus odieux. Comme il s'apperçut, à la fin, qu'il ne tiroit pas grand profit de toutes fes déclamations, & que les ennemis d'Alphonse, après avoir pris plaifir à l'écouter, ne lui donnoient rien,il prit le parti de s'en retour ner. Le Roi, quelque tems après, fçut qu'il s'étoit réfugié à Florence: il lui fit dire qu'il pouvoit venir à la cour, en toute fûreté, ajoûtant ces paroles remarquables: » On n'a point encore oublié vos fervices; mais votre "offenfe eft déja oubliée. » Alphonse ne s'en tint pas à des fentimens ; il voulut encore lui payer les frais du voyage, & lui fit même présent d'une fomme d'argent confidérable.

9. L'empereur Adrien, ayant été proclamé Auguste, oublia fi bien les querelles & les inimitiés qu'il avoit eues, étant homme privé, que, rencontrant, par hazard, fon ennemi le plus mortel, il lui cria: « Te voilà » fauvé ! »

10. Abaza s'étant révolté contre Amurat IV, cet Empereurenvoya l'affiéger dans Erzérum, par le GrandVifir Chofrou, qui prit la ville, & fe faifit de la perfonne du chef des rebelles. Le Vifir, quoique naturellement févère, accorda le pardon aux habitans, & reprit, en triomphe, la route de Conftantinople. Comme il approchoit de cette capitale, tout le peuple fortit en foule à fa rencontre, attiré par la réputation d'Abaza. Chacun s'empreffoit à voir cet illuftre captif, qui avoit été, pen. dant plufieurs années, la terreur de l'Empire Ottoman. Amurat lui-même, impatient de fatisfaire fa curiosité, quitta le ferrail, & s'avança, à cheval, hors de la ville, environné d'une troupe de jeunes gens de fon âge. On lui présente Abaza chargé de chaînes. Il arrête, quelque tems fur lui, des regards de surprise & d'admiration; puis, rompant tout-à-coup le filence: « Je te » pardonne, Abaza, dit-il; tes exploits m'ont fait ou »blier ta trahison; &, pour mieux t'engager à la répa»rer, je te fais Bacha de Bofnie. » Auffi-tôt mille cris de joie applaudiffent à la générosité du jeune Sultan, tandis qu'Abaza lui jure, à fes pieds, une fidélité in

violable.

11. Le maréchal de Villars avoit mis à prix la tête du chef des Camifards, hérétiques qui s'étoient révoltés dans les Cévennes, & qui s'étoient ainfi nommés, parce qu'ils portoient un habit de toile affez femblable à une chemife. Ce rebelle, témoin du fupplice de fes compagnons, reconnoiffant que, tôt ou tard, il lui faudroit fubir le même fort, prit un parti qui lui réuffit. II connoiffoit la générofité & la clémence du Maréchal. S'étant préfenté à ce Général, qui ne le connoiffoit que de nom, il lui demanda s'il étoit vrai qu'il eût promis mille écus à celui qui le livreroit mort ou vif? Le Maréchal ayant répondu que oui : « Cette récompenfe me » feroit dûe, continua le Camifard, fi mes crimes ne » m'en avoient rendu indigne; mais j'ai tant de con» fiance en la clémence du Roi, & en votre généro

fité, que je ne crains point de vous apporter moi» même cette tête criminelle dont vous pouvez difpo» fer. » Il étoit à genoux, en difant ces mots. Le Maréchal, l'ayant fait relever, lui fit compter, fur le champ, les mille écus, & expédier une amniftie générale pour lui & pour quatre-vingt perfonnes de fa fuite.

12. Des courtisans de Philippe le Bel excitoient ce Prince à févir contre un prélat qui l'avoit offensé : « Je » fçais, leur répondit-il, que je puis me venger; mais » il est beau de le pouvoir, & de ne le pas faire. "

13. Quelques complices d'une grande conjuration formée contre le roi Robert, & fon Etat, furent arrêtés, & conduits devant ce Monarque, auquel ils avouerent leur crime, avec toutes les marques d'un fincere repentir. La Cour des Seigneurs affemblés les condamna à la mort, fans vouloir révoquer cette terrible sentence. Robert feul fut touché de compaffion, & força fon confeil à fouscrire au pardon qu'il leur accorda, par ce pieux ftratagême. Il fit traiter magnifiquement ces coupables malheureux; &, le lendemain, il les fit approcher de la fainte Table; puis, adreffant la parole à fes confeillers, il leur dit « Nous conviendroit-il, » Meffieurs, d'envoyer au gibet ceux que Jesus-Chrift » vient de recevoir à fa Table? » Voyez BONTÉ. CHARITÉ. GENEROSITÉ.

PATIENCE.

E célèbre M. Domat, au milieu de fes plus gran

Ldes douleurs, diroit: « Dieu me fait la grace de

»fouffrir fans me plaindre; mais il me femble qu'un » Chrétien doit aller jufqu'à fouffrir avec joie. »

2. S. Romuald, fondateur de l'ordre des Camaldules, réfolu d'embraffer la vie d'hermite, fe mit fous la conduite d'un pieux folitaire nommé Marin. Cet homme né comptoit pas la douceur parmi fes vertus ; & fa dureté étoit capable de rebuter un éleve moins affermi dans fa vocation que Romuald. Toutes les fois que fon difciple faifoit quelque faute en lifant, l'impitoyable Marin lui donnoit un grand coup de baguette fur la tête, du côté gauche. Romuald fouffrit long-tems ce traitement rigoureux avec une patience héroïque. Enfin il dit, un jour, à Marin: « Mon maître, je fuis presque » devenu fourd du côté gauche; je vous prie d'avoir » la bonté de me frapper déformais du côté droit. »

3. Une des qualités les plus marquées de Socrate étoit une tranquillité d'ame que nul accident, nulle perte, nulle injure, nul mauvais traitement ne pouvoient altérer. On a dit que ce philofophe étoit naturellement fougueux & emporté, & que la modération à laquelle il étoit parvenu étoit l'effet de fes réflexions, & des efforts qu'il avoit faits pour se vaincre lui-même, & pour fe corriger. Il avoit exigé de fes amis de l'avertir, quand ils le verroient près de fe mettre en colere. Au premier fignal, il baiffoit le ton, ou même fe taifoit. Se fentant, un jour, de l'émotion contre un ef clave: « Je te frapperois, dit-il, fi je n'étois en colere. » Une autre fois, ayant reçu d'un brutal un vigoureux foufflet, il se contenta de dire en riant: « Il est fâcheux » de ne fçavoir pas quand il faut s'armer d'un calque. »

Il trouva dans fa propre maison une ample carriere pour exercer fa patience dans toute fon étendue; & Xantippe, fa digne épouse, la mit aux plus rudes épreuves par fon humeur bizarre, emportée, violente. Il

paroît

paroît qu'avant de la choifir pour compagne, il n'avoit pas ignoré fon caractere. Il difoit lui-même qu'il l'avoit prife exprès; perfuadé que, s'il venoit à bout de fouffrir fes emportemens, il pourroit vivre avec les per fonnės les plus difficiles. Les traits fuivans feront connoître que ce grand homme avoit parfaitement réuffi dans fon choix.

Il donnoit à fouper à Euthidème fon ami. Pendant le repas, Xantippe lui chercha querelle, cria, tempêta, fuivant l'ufage; fe leva toute furieufe, & renversa les plats qui étoient fur la table. Euthidème, étonné de ce fracas, profitoit du brujt pour s'efquiver doucement par la porte, quand Socrate, le retenant: « Ne » vous troublez point, lui dit-il; l'autre jour, que je » mangeois chez vous ? une poule, en volant fur la » table, ne renverfa-t-elle pas tout? Nous n'en fûmes cependant pas plus émus. » La tranquillité du mari mettoit le comble à la fureur de l'époufe: « Toujours, difoit-elle, avec un ton de défespoir; toujours il rentre à la maifon avec le même air & le même »vifage qu'il avoit en fortant. >>

Un jour, pour l'outrager d'une maniere fenfible, elle lui arracha fon manteau de deffus les épaules, au milieu de la rue, & le jetta dans la crotte. Les amis du fage lui confeilloient de fe venger fur le champ de cette épouse infolente, & de lui faire fentir une bonne fois. qu'il portoit un bâton. « C'eft-à-dire, Meffieurs, ré»pondit Socrate, qu'un mari & une femme aux pri»fes feroient pour vous un fpectacle fort amusant; mais je ne fuis pas d'humeur de vous donner la comédie à mes dépens. »

Une autre fois, après avoir long-tems fupporté fans rien dire fes affauts de mauvaise humeur, & les torrens d'injures qui les accompagnoient, il fortit de la maifon pour laiffer le champ libre à fon inépuifable moitié, & s'affit devant fa porte. Xantippe, défefpérée du phlegme de fon mari, monte à sa chambre, &, par la fenêtre, renverfe fur la tête chauve du trop patient philofophe un pot plein d'eau:

D. d'Educ, T. II.

Ce n'étoit pas de l'eau de rofe,

Mais de l'eau de quelqu'autre chose.

Les paffans, témoins de l'aventure, en firent de grands éclats de rire. Socrate en rit auffi, & dit tranquillement : »Je m'y attendois bien; après le tonnèrre vient lá » pluie. »

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Alcibiade s'étonnoit qu'il pût réfifter aux cris éternels de cette femme acariâtre. « J'y fuis tellement accoutumé, répondit-il, que fes clameurs ne font pas » plus d'impreffion fur moi, que le bruit d'une charrette. C'eft ainfi que, jufqu'à sa mort, ce grand philofophe fouffrit, en riant, & fans fe plaindre, les excès inouïs de cette furie domeftique, que le Ciel fem bloit avoir formée pour exercer fa vertu.

4. Alfonfe V, roi d'Aragon, paffoit devant Capoue avec fon armée. Tout-à-coup un homme, ayant la mine d'un føldat, vient à lui comme un furieux, arrêté d'abord fon cheval par la bride, & se met enfuite à l'accabler d'injures. Le Monarque eut la patience de l'écouter, & attendit qu'il eût déchargé toute fa mauvaise humeur; puis il continua fon chemin, fans lui répondre un feul mot, ni fans vouloir même le regarder.

5. Une dame vertueufe fut priée, par une de fes amies, de lui apprendre quels fecrets elle avoit pour conferver les bonnes graces de fon mari : « C'eft, lui » dit-elle, en faisant tout ce qui lui plaît, & en fouffrant » patiemment, de fa part, tout ce qui ne me plaît pas."

6. Un jeune homme, après avoir été élevé, pendant quelque tems, chez le philofophe Zénon, revint dans la maison paternelle; « Eh bien ! lui dit fon pere, » qu'as-tu appris de bon chez ce philofophe?--- Vous » le fçaurez bientôt, mon pere, répondit le jeune » homme; » & enfuite il se tut. Le père, irrité de fon filence, &, le prenant pour un aveu tacite du peu de fruit qu'il avoit retiré de l'étude de la philofophie, fe leva tout en colere: « Malheureux, lui dit-il, tu as » donc perdu ton tems? c'est donc en vain que j'ai fait » tant de dépenfes pour ton éducation?» En même tems, il commença à le frapper rudement, Le jeune

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