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homme reçut avec foumiffion ce traitement cruel; &, lorfque la colere de fon pere fe fut appaifée : « Voilà, » lui dit-il, avec douceur, ce que j'ai appris à l'école » de Zénon, à fouffrir patiemment la colere, & les » mauvais traitemens de mon pere. »

7. Le célèbre Sertorius, voyant fes foldats décou ragés par la perte d'une bataille, les fit affembler, & commanda qu'on amenât devant eux deux chevaux ; l'un vieux, maigre, défait, & d'une extrême foibleffe l'autre jeune, gras, vigoureux & fort, remarquable fur-tout par la beauté de fa queue, & par la quantité de crins dont elle étoit fournie. Auprès du cheval foible, il mit un homme grand & fort; &, auprès du che val vigoureux, il mit un petit homme foible & de mau vaife mine. Le fignal étant donné, l'homme fort prit à deux mains la queue du cheval foible, & la tiroit à lui de toute fa force, comme pour l'arracher; & le petit homme foible fe mit à arracher un à un les crins de la queue du cheval fort. Après que le premier eut pris beaucoup de peine inutilement, & qu'il eut bien fait rire tous les fpectateurs, il renonça à fon entreprise; mais le petit homme foible, fans aucun effort, fit bientôt voir la queue de fon vigoureux cheval, toute nue, & dépouillée de fes crins. Alors Sertorius fe levant, dit: » Mes Alliés, vous voyez que la patience eft plus effi» cace que la force, & que la plupart des chofes dont » on ne sçauroit venir à bout tout-à-la-fois, quelques "efforts qu'on faffe, on les exécute fans peine peu-à» peu. Ne vous laiffez donc point abbatre par un mau» vais fuccès; foyez sûrs qu'en revenant fouvent » à la charge, votre perfévérance vous fera enfin triom pher.» Voyez RETENUE.

PAUVRETÉ.

1. Ne honnête pauvreté, difoit Caton, eft mille fois préférable à des richeffes acquifes par des voies iniques: on plaint le pauvre; on détefte le riche. 2. La fille de Thémistocle étant recherchée en ma

riage, cet illuftre Athénien préféra un honnête homme pauvre à un riche dont la réputation étoit fufpecte; & il dit que, dans le choix d'un gendre, « il aimoit mieux » du mérite fans bien, que du bien fans mérite. »

3. Un homme de grande condition, & qui ne vouloit point être connu, vint avec beaucoup d'argent au défert de Scété, pour le faire diftribuer aux folitaires. Comme on lui eut répondu qu'ils n'en avoient pas befoin, cet homme, ne fe contentant point de cette raifon, jetta cet argent dans une corbeille qui étoit à l'entrée de l'églife; & le prêtre dit enfuite tout haut: » Que ceux qui en ont befoin en prennent. » Mais il n'y en eut pas un feul qui y voulût toucher; plufieurs même détournerent leurs regards, pour témoigner le mépris qu'ils faifoient de ce métal, vil objet des defirs de la plupart des hommes. Alors le bon prêtre dit au riche: « Dieu a reçu votre offrande; distribuez-la aux » véritables indigens; car, pour nous comme vous » voyez, il ne nous manque rien. »

4. Un grand feigneur, apportant de l'argent à un vieux folitaire lépreux, & accablé d'infirmités, lui dit : Je vous fupplie, mon pere, de recevoir cette petite ba gatelle pour fatisfaire à vos befoins. --- Eh! quoi! mon » frere, répondit ce généreux anachorète, venez-vous » ici pour me ravir celui qui me nourrit depuis plus de » foixante ans, & qui, par fa miféricorde, a fait que, ans mon infirmité, je n'ai eu besoin de rien?»

5. Abou-Hatem, pieux & célèbre docteur Mufulman, avoit embraffé par goût une vie très-pauvre & très-auftere. Un jour, un de fes amis lui demanda comment il pouvoit fubfifter? « Le ciel & la terre, ré»pondit-il, font les magafins & les thréfors de la Pro»vidence : les hommes ne manquent jamais de rien, quand ils puifent, avec confiance, dans ces fources » fécondes de biens. »

6. Socrate s'étoit accoutumé, de bonne heure, à une vie fobre, dure, laborieufe, fans laquelle il eft rare qu'on foit en état de fatisfaire à la plupart des devoirs d'un bon citoyen. Il eft difficile de porter plus loin qu'il le fait le mépris des richeffes, & l'amour de la

pauvreté. Il regardoit comme une perfection divine de n'avoir besoin de rien ; & il croyoit qu'on approchoit d'autant plus près de la Divinité, qu'on fe contentoit de moins de chofes. Voyant la pompe & l'appareil que le luxe étaloit dans de certaines cérémonies, & la ̃ ̄ quantité d'or & d'argent qu'on y portoit : « Que de "chofes, difoit-il, en fe félicitant lui-même fur fon » état; que de choses dont je n'ai pas befoin!» Quantis non egeo!

7. Il est rare de voir des Princes fe livrer par goût à la pauvreté, & ne faire cas des richeffes que pour les répandre dans le fein de l'indigence. C'est pourtant ce que fit Alcamène, neuvieme roi de Lacédémone. On fui demandoit, un jour, pourquoi, avec tant de biens il vivoit fi pauvrement? « C'eft, dit-il, parce qu'un » homme riche a plus de gloire, en vivant fuivant la » raison, qu'en se laiffant aller à sa cupidité. »

8. Philoxène de Cythère, poëte fameux, ayant acquis de grandes richeffes en Sicile, s'apperçut que le luxe & la molleffe, qui en font inféparables, commençoient à le gagner: « Par tous les Dieux! dit-il, je » perdrai mes richeffes, plutôt qu'elles ne me perdront. » Auffi-tôt il renonça à tout ce qu'il poffédoit, quitta la Sicile, & alla, dans une agréable retraite, mettre ses mœurs en sûreté, fous les aufpices d'une pauvreté volontaire.

9. Epaminondas, l'un des plus grands hommes de la Grèce, s'étoit livré par goût & par choix à l'amour de la pauvreté ; & jamais il ne fit aucun cas des richeffes. Mais fa pauvreté même lui attiroit l'eftime & la confiance des riches, & le mit en état de faire du bien aux autres. Quelqu'un de fes amis fe trouvant fort à l'étroit, il l'envoya chez un des citoyens de Thèbes les plus opulens, avec ordre de lui demander, de fa part, mille écus. Celui-ci, étant venu chez lui pour s'informer du motif qui l'avoit porté à lui adreffer cet ami: » C'eft, lui répondit Epaminondas, que cet homme de » bien eft dans le befoin, & que vous êtes riche.»

10 Ménénius Agrippa, l'un des plus célèbres citoyens

qui ait illuftré Rome, après avoir été Consul, après avoir reçu les honneurs du triomphe, mourut fi pauvre, qu'il ne laiffa pas de quoi fournir aux frais de fes funérailles. Le public y fuppléa. Les Tribuns, ayant affemblé le peuple, firent l'éloge du défunt. Ils raconterent tout ce qu'il avoit fait de grand, pendant la guerre & pendant la paix : ils éleverent jufqu'au ciel fes rares qualités, fon défintéressement, fa frugalité, fa droiture, fon mépris pour les richeffes, l'horreur infinie qu'il avoit fur-tout des ufures & des profits cruels, qui fe tirent du fang des malheureux; & ils conclurent par repréfenter qu'il feroit honteux qu'un fi grand homme fût privé, après la mort, des honneurs qu'il méritoit, parce qu'il n'étoit point affez riche pour être inhumé felon fon rang. Tous les particuliers fe taxerent par tête avec joie; ce qui fit une fomme considérable. Le fénat, piqué d'une noble jaloufie, regarda comme un affront pour l'Etat, qu'un homme de ce mérite fût enterré des aumônes des particuliers, & jugea qu'il étoit trop jufte que le thréfor public en fit les frais. L'ordre fut donné fur le champ aux Quefteurs de n'épargner rien pour donner à la pompe funébre de Ménénius tout l'éclat & toute la magnificence dignes de fon rang & de fa vertu. Le peuple néanmoins, piqué à son tour d'émulation, refufa conftamment de reprendre l'argent qu'il avoit donné, & que les Quefteurs lui vouloient rendre. Il en fit préfent aux enfans de Ménénius, de crainte que leur pauvreté ne les engageât dans des profeffions indignes du rang & de la gloire de leur

pere.

11. Callias, très-proche parent d'Ariftide, & le plus opulent citoyen d'Athènes, fut appellé en jugement. Son accufateur, infiftant peu fur le fond de la cause, lui faifoit fur-tout un crime de ce que, riche comme il étoit, il ne rougiffoit pas de laiffer dans l'indigence le grand, le jufte Ariftide, avec la femme & les enfans. Callias, voyant que ces reproches faifoient beaucoup d'impreffion fur l'efprit des juges, fomma Aristide de venir déclarer devant eux, s'il n'étoit pas vrai qu'il lui

avoit plufieurs fois préfenté de groffes fommes d'argent, & l'avoit preffé avec inftance de vouloir les accepter; &, s'il ne les avoit pas toujours conftamment refufées, en lui répondant qu'il fe pouvoit vanter à meilleur titre de fa pauvreté, que lui de fon opulence; que l'on pouvoit trouver affez de gens qui ufoient bien de leurs richesses, mais qu'on en rencontroit peu qui portaffent la pauvreté avec courage, & même avec joie ; & qu'il n'y avoit que ceux qui étoient pauvres, malgré eux, ou par leur faute, pour avoir été paref feux, intempérans, prodigues, déréglés, qui puffent en rougir, Ariftide avoua que tout ce que fon parent venoit de dire étoit vrai; & il ajoûta qu'une difpofition d'ame, qui retranche tout defir des chofes fuperflues, & qui refferre les befoins de la vie dans les bor nes les plus étroites outre qu'elle délivre de mille foins importuns, & laiffe une liberté entiere de ne s'oc cuper que des affaires publiques, approche encore, en quelque forte, l'homme vertueux de la Divinité même, qui eft fans foins & fans befoins. Il n'y eut perfonne dans l'affemblée, qui n'en fortît avec cette penfée & ce fentiment intérieur, qu'il eût mieux aimé être Ariftide avec la pauvreté, que Callias avec toutes les ri cheffes.

Auffi la vertu favorite de cet auftere Athénien étoitelle ce noble & généreux défintéreffement qui fait regarder les biens périffables, dont la fortune difpofe à fon gré, comme une poffeffion incommode & dangereufe; &, quoique ce grand homme eût été revêtu des premieres charges de la République ; quoiqu'il eût manié les finances avec une autorité abfolue, il mourut

pauvre, & ne laiffa pas même de quoi fe faire enterrer. Il fallut que l'Etat fit les frais de fes funérailles, & fe chargeât de faire fubfifter fa famille. Ses filles furent mariées, & Lyfimaque, fon fils, fut entretenu aux dépens du Prytanée qui affigna auffi à la fille de ce dernier, après la mort, le même entretien qu'on donnoit à ceux qui avoient vaincu aux Jeux-Olympiques. Voyez Mér DIOCRITÉ.

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