صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

fément par les rues, mêlant leurs gémissemens & leurs larmes. C'étoit un deuil particulier pour chaque famille; & chacun, pleurant fon Prince, pleuroit fon propre malheur.

6. L'empereur Théodofe II fçavoit par cœur toute l'Ecriture fainte: il en recueillit avec foin tous les interprètes. Il jeûnoit fouvent, fur-tout les mercredis & les vendredis, felon l'ancien ufage de l'Eglife. Il fe levoit au point du jour, & chantoit l'Office divin avec fes fœurs fon palais avoit l'extérieur d'un monaftere. Abraham, évêque de Carrhez, ayant détruit dans cette ville le fameux temple du dieu Lunus, Théodofe le fit venir à la cour: le faint Prélat y mourut, & l'Empereur conferva fa tunique, dont il fe revêtoit en certains jours. Lorfqu'on enleva le corps d'Abraham pour le tranfporter en Orient, Théodofe voulut marcher à la tête du convoi; il le conduifit jufqu'au port: après le corps marchoient les Impératrices & toute la Cour. Dans un tems de difette caufée par l'intempérie des faifons, l'Empereur affiftant avec le peuple aux jeux du cirque, il furvint un grand orage. Auffitôt Théodose, faifant retirer les chars, ordonne au peuple d'adreffer à Dieu fes prieres: il entonne le premier un pfeaume; tous les fpectateurs chantent avec lui, & le cirque femble être devenu un temple. L'air reprit auffi-tôt fa férénité, & l'on dit que ce fut le dernier orage de cette année, qui, après avoir menacé d'une funefte ftérilité, donna des moiffons. abondantes. Dans les guerres, il imploroit la protection du Ciel par de ferventes prieres, comme David; mais il n'eut pas le courage & la fcience militaire de ce faint Roi. Le refpect qu'il portoit aux perfonnes confacrées à Dieu, alloit à un point qu'on pourroit taxer de foibleffe. Un moine infolent & téméraire, irrité contre le Prince, qui lui refufoit une grace, fe retira en lui difant: «Je vous retranche de la commu»nion de l'Eglife.» L'heure du repas étant venue l'Empereur, abbatu du coup lancé d'une main fi foible, protefta qu'il ne mangeroit point que l'excommunication ne fût levée, & il envoya prier un évê

2

que d'obtenir cette faveur de celui qui l'avoit excommunié. En vain le prélat effaya de diffiper fes fcrupules, en lui représentant qu'une pareille cenfure étoit fans effet. Théodose ne confentit à prendre de la nour→ riture, qu'après avoir reçu l'abfolution de ce moine, qui ne méritoit lui-même aucun pardon.

[ocr errors]

7. S. Louis, s'étant embarqué pour retourner dans fes Etats, obtint du légat, qui l'avoit accompagné dans fon expédition de la Terre-fainte, la permiffion de conferver dans fon vaiffeau le faint Sacrement pour communier les malades. On le mit à l'endroit du navire le plus digne & le plus convenable, dans un tabernacle fort riche, couvert d'étoffes d'or & de foie, & placé fur un autel orné d'un grand nombre de reliques. Tous les jours, on y récitoit folemnellement l'Office divin: les prêtres même, revêtus d'habits facer dotaux, y faifoient les cérémonies & les prieres de la Meffe, à la réserve de la confécration: le Monarque affistoit à tout. Rien n'égaloit fa tendre follicitude pour les malades: il les vifitoit fouvent, leur procu roit tous les foulagemens qui dépendoient de lui, & prenoit foin de leur falut encore plus que de leur guérifon. Il y avoit fermon, trois fois la semaine fans parler des inftructions particulieres, & des catéchismes qu'il faifoit faire aux matelots, quand les petits vents régnoient, ou le calme. Quelquefois il les interrogeoit lui-même fur les articles de Foi, ne ceffant de leur répéter qu'étant toujours entre la vie & la mort entre le paradis & l'enfer, ils ne pouvoient trop se hâter de recourir au facrement de pénitence pour appaifer la colere du Ciel, « Si le vaiffeau a besoin de vous, leur » difoit-il, je prendrai votre place avec joie, & met¬ » trai la main à la manœuvre, pendant que Vous vous » réconcilierez avec Dieu.» Tel fut l'effet & des foins & de l'exemple du pieux Monarque, qu'en peu de tems on vit un changement notable parmi les matelats: les ténébres de leur efprit furent diffipées; la férocité de leur cœur s'adoucit, & la charité y prit la place de la brutalité. La honte de ne pas faire quel quefois ce qu'un grand Roi faifoit tous les jours, leur

[ocr errors]

donna le courage de vouloir être Chrétiens, & leur infpira des fentimens bien au-deffus de leur condition. Durant la navigation, il furvint une horrible tempête : le vaisseau, jouer des vagues & des vents, étoit près de périr; tout le monde étoit en allarme: la Reine & trois jeunes Princes, fes enfans, jettoient des cris affreux. Louis, pendant cette confternation, Louis étoit profterné aux pieds des autels, & attendoit fon fecours de celui qui dit à la mer: « Tais-tại,» & aux vents: « Calinez-vous. » Sa foi fut exaucée : le tems devint calme; & ce nouveau bienfait du ToutPuiffant excita de plus en plus la pieuse reconnoiffance du religieux Monarque. «Regardez, fénéchal, difoitil à fon confident, le fire de Joinville, » regardez fi »Dieu ne nous a pas bien montré fon grand pou» voir, quand, par un feul des quatre vents de mer » le Roi, la Reine, fes enfans & tant d'autres per»fonnages ont pensé abymer. Ces dangers, que nous » avons courus, font des avertiffemens & des mena»ces de celui qui peut dire: Or voyez-vous bien que »je vous euffe tous laiffé noyer, fi j'euffe voulu?"

2

8. Diagore le Mélien, difciple de Démocrite, étant venu s'établir à Athènes, y ouvrit une école d'Athéïsme. On lui intenta procès fur fa doctrine pernicieufe. Il fe fauva par la fuite, &, par ce moyen, évita le fupplice "que mérite tout fanatique qui veut troubler l'Etat par des principes erronés; mais il ne put éviter la flétriffure de la fentence qui le condamnoit à mort. Les Athéniens eurent tant d'horreur pour les maximes impies qu'il débitoit qu'ils allerent jufqu'à mettre la tête à prix, & à promettre un talent de récompenfe pour celui qui le leur livreroit mort ou vif.

Quelques années avant, on avoit déja fait une affaire toute femblable à Protagore, autre difciple de Démocrite, pour avoir fimplement traité la matiere de problématique. Il avoit dit, au commencement d'un de fes livres « Y-a-t-il des Dieux? n'y en a-t-il point? C'est une question où je ne fçais fi je dois affirmer ou »nier. Pour éclaircir cette matiere épineufe, notre entendement eft trop foible, trop aveugle, & la vie

[ocr errors]

humaine trop courte. » Ces blafphêmes exciterent l'indignation des Athéniens, allarmerent leur piété : ils ne purent fouffrir qu'on mit en doute une vérité auffi palpable. Ils firent proclamer, par le crieur public, que tous ceux qui avoient des exemplaires de cet ouvrage, les apportaffent au magiftrat. On les fit brûler comme infâmes, & l'auteur fut banni de l'Etat à perpétuité.

9. Lorfque Rome fut prife par les Gaulois, comme le prêtre de Romulus & les Veftales emportoient les images des Dieux, pour les fouftraire à la fureur facrilége des Barbares, un citoyen illuftre, appellé Albinus, les voyant à pied, fit auffi-tôt defcendre fa femme & fes enfans d'un chariot qu'il conduifoit, pour y faire monter le prêtre avec les Veftales; &, préférant le bien de la religion au falut de fa famille, il quitta fon chemin pour les conduire au bourg de Céré, dont le peuple le reçut avec beaucoup de refpect & d'humanité. On peut remarquer, en paffant, que les actes extérieurs de religion ont pris de ce bourg le nom de Cérémonie.

10. Les Gaulois, fous la conduite de Brennus, affiégeoient le Capitole, & veilloient exactement à ce que perfonne n'en fortit, & ne paffàt à travers les corpsde-garde, lorfqu'un jeune Romain, par une action hardie, attira fur lui les yeux & l'admiration, tant des ennemis que des citoyens. Il y avoit un facrifice attaché à la maison des Fabius, qui fe devoit faire, un certain jour, fur le mont Quirinal. C. Fabius Dorso, revêtu d'un habit convenable à cette cérémonie, defcend du capitole, portant entre fes mains les chofes facrées, traverse les corps-de-garde des ennemis, fans fe laiffer épouvanter par le bruit & les difcours, & arrive au mont Quirinal, Après y avoir accompli toutes les cérémonies prefcrites, il retourna par le même chemin, avec une pareille gravité, & une pleine confiance que la protection des Dieux, dont il gardoit le culte au péril même de fa vie, ne lui manqueroit point. Il arriva heureusement au Capitole, foit que les Gaulois fuffent étonnés de fa généreufe audace,

foit auffi par refpect pour la religion, à laquelle cette nation n'étoit pas infenfible. Voyez ADORATION. RE

LIGION,

PITIÉ.

Ducétius, chef des peuples d'une partie de la Si

cile, après plufieurs fuccès fort heureux, & plufieurs actions où il avoit remporté de grands avantages fur les ennemis, & en particulier fur les Syracufains, vit tout d'un coup changer fa fortune, par la perte d'une bataille, & fut abandonné de prefque toutes les troupes. Dans la confternation & l'abbatement où le jetta une défertion fi générale & fi fubite, il prit une résolution que le défefpoir feul pouvoit lui infpiser. Il fe retira, fur le foir, à Syracufe; s'avança jufques dans la place publique ; & là, humble fuppliant, profterné aux pieds des autels, il abandonna fa vie & fes états à la merci des Syracufains. La fingularité du spectacle attira une foule de peuple. Les magiftrats aufli-tôt convoquerent l'affemblée, & mirent l'affaire en délibération. On commença par entendre les ora→ teurs, chargés ordinairement de haranguer le peuple, qui l'animerent extrêmement contre Deucétius,comme contre un ennemi public , que la Providence ellemême fembloit leur préfenter, pour venger & puniz, par fa mort, tous les torts qu'il avoit faits à la République. Un tel difcours fit horreur à tout ce qu'il y avoię de gens de bien dans l'affemblée. Les plus fages & les plus anciens d'entre les Sénateurs repréfenterent » qu'il ne falloit pas confidérer ici ce que méritoit Deucétius, mais ce qui convenoit aux Syracufains; qu'ils ne devoient plus envifager en lui un ennemi, mais un fuppliant, qualité qui rendoit fa perfonne facrée & inviolable; que la déeffe Néméfis, vengereffe des crimes & fur-tout de la cruauté & de l'impiété, ne laifferoit pas cet attentat impuni; qu'outre qu'il y a de la baffeffe & de l'inhumanité d'infulter à l'infortune des malheureux, & de vouloir écrafer ceux qu'on trouve

[ocr errors]
« السابقةمتابعة »