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à cette question, le prie de lui en donner l'explication. » Croyez-vous donc, lui dit M. De Cavoie, que, quand » une armée est en marche, elle trouve par-tout des » maréchaux? Avant que de partir, on fait un forfait » avec un maréchal de Paris, qui vous garantit que les »fers qu'il met aux pieds de votre cheval y refteront » fix mois. --- C'est ce que j'ignorois, répond Racine: » Boileau ne m'en a rien dit; mais je n'en fuis pas » étonné : il ne fonge à rien. » Il va trouver Boileau pour lui reprocher fa négligence. Boileau avoue fon ignorance, & lui dit qu'il faut promptement s'informer du maréchal le plus fameux pour ces fortes de forfaits. Ils n'eurent pas le tems de le chercher: dès le foir même, M. de Cavoie raconta au Roi le fuccès de fa plaifanterie, & divertit beaucoup le Monarque. Une autre fois, après une marche fort longue, Boileau, très-fatigué alla fe jetter fur un lit, en arrivant, fans vouloir fouper. M. de Cavoie, qui le fçut, alla le voir, après le fouper du Roi, & lui dit, d'un air consterné, qu'il avoit à lui apprendre une fâcheuse nouvelle. « Le Roi » n'eft pas content de vous, Il a remarqué aujourd'hui » une chofe qui vous fait un grand tort. Eh quoi » donc, s'écria Boileau tout allarmé? - Je ne puis me » réfoudre à vous la dire; je ne fçaurois affliger mes » amis. » Enfin, après l'avoir laiffé quelque tems dans l'agitation, il lui dit : « Puifqu'il faut vous l'avouer, le » Roi a remarqué que vous vous teniez tout de travers » à cheval. Si ce n'eft que cela, répondit Boileau, » laiffez-moi dormir.»

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27. Un jour de marché, un musicien amusoit la populace par fes chanfons; mais l'heure, où le marché s'ouvroit, étant venue, on donna un fignal qui fit partir tout le monde: il ne refta qu'un feul homme auprès du nouvel Amphion. Celui-ci s'approche de l'amateur, le remercie de ne l'avoir pas abandonné, & l'appelle le favori d' Apollon, puifqu'il préféroit aux foins groffiers de la vie, les beaux-arts & la mufique. L'homme, qui fe voyoit feul, lui demanda fi l'on avoit donné le fignal pour aller au marché? « Oui, vraiment, répondit le muficien. Je vous remercie beaucoup de m'a

» voir averti; car je fuis fourd. Adieu! jusqu'au re

" voir! »

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28. Un Gascon, qui étoit à Paris, venoit d'acheter un cotret; &, craignant qu'on ne s'en apperçût, il le portoit caché fous fon manteau. Voyant un crocheteur qui s'approchoit de trop près : « Retires-toi, lui dit-il, » tu cafferas mon luth» Le crocheteur s'écarta; & le nourriffon de la Garonne avoit à peine marché dix ou douze pas, qu'une piéce de fon cotret tomba. » Mon» fieur, s'écria auffi-tôt le porte-faix; monfieur, ra» massez une corde de votre luth qui vient de tom

»ber. »

29. Un aubergifte des environs de Phalsbourg tomba en léthargie. On le crut mort; &, au bout de quelque tems, on l'enfevelit. Sa femme, tout en pleurant le pauvre défunt, s'apperçut qu'on avoit employé à cet effet un drap tout neuf, & très-fin; &, comme elle étoit fort avare: « Hélas!! dit-elle, ce drap eft trop "beau pour un mort; il me fervira beaucoup mieux à » moi qui fuis vivante. » Elle avoit dans fa maison un habit d'arlequin qu'une troupe de bateleurs lui avoient laiffé pour payement à leur paffage. Elle s'enferme dans la chambre du mort; découvre le cercueil; reprend fon drap; habille le cadavre en farceur, &, à cela près, rétablit les chofes dans leur premier état. L'heure du convoi étant arrivée, quatre hommes emportent la bière fur leurs épaules, felon l'ufage du pays. Le prétendu mort fe réveille de fa léthar gie, s'agite, fe débat. Les porteurs s'effrayent : its lais« fent tomber le cercueil, qui fe brife;& Fon en voit fortir un arlequin.

30. Deux bas-Normands, étant dans un cabaret de Limoges, parloient de cette grande année Platonique où toutes chofes doivent retourner en leur premier état. Il voulurent faire accroire à l'hôte, qui les écoutoit ate tentivement, qu'il n'y avoit rien de plus vrai que cette révolution; « deforte, dirent-ils, que dans feize mille » ans d'ici, nous ferons encore à boire chez vous, à "pareil jour; & là-deffus, ils le prierent de leur faire crédit jufques-là, je le veux bien, dit le ca

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baretier; mais, parce qu'il ya feize mille ans, jour » pour jour, que vous étiez ici à boire comme vous faites, & que vous vous en allâtes fans payer, acquittez le paffé, & je vous ferai crédit pour l'avenir.»> 31. Quatre chevaliers d'induftrie, ayant fait bonné chère dans un cabaret, firent monter un garçon, & arrêterent avec lui le prix du repas. Le premier feignit de mettre la main à la poche; mais le fecond le retint, & dit qu'il vouloit payer l'écot; le troifieme témoigna le même empreffement: enfin le quatrieme, qui ne vouloit pas leur céder, défendit au garçon de rien recevoir de fes compagnons. Comme perfonne ne vouloit céder, l'un d'eux dit: « Pour nous accorder, il faut » mettre un bandeau fur les yeux du garçon; & celui » d'entre nous qu'il prendra, fe chargera de la dépenfe.» On exécute, cette propofition; mais, tandis que le garçon tâtonnoit dans la chambre, ils défilerent l'un après l'autre. Le maître monte; notre colin-maillard, qui l'entend, court à lui, l'arrête; &, le ferrant étroitement: Ah! pour le coup, lui dit-il, ce fera vous » qui payerez l'écot. » Il ne fe trompa point.

32. Un Gascon, à jeun depuis deux jours, médita de diner aux dépens de Jacques Romain, Jacobin, & célèbre architecte, qui avoit entrepris le pont des Thuileries. Il confidéroit l'ouvrage comme s'il eût été grand connoiffeur. Frere Romain, qui l'obfervoit, curieux de fçavoir ce qu'il avoit dans l'efprit, lui demanda fon fentiment. Mon frere, dit le Gafcon, j'ai une chofe importante à vous dire fur ce pont; mais j'ai appétit, »il faut que j'aille diner auparavant. » Le religieux l'invita auf-tôt à venir manger avec lui. Celui-ci ne fe pas prier. Après que le Gafcon eut bien mangé, il dit au Religieux: « Cadédis, mon Frere, vous faites » un pont fur la largeur de la riviere, & vous avez » bien raison; car, fi vous l'euffiez entrepris fur la lon"gueur, je ne fois pas gentilhomme, fi vous euffiez » réuff! Après cet excellent avis, il fit la révérence, & prit congé du bon Religieux.

fit

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33. Un homme de province, qui étoit venu à Paris dans le tems du carnaval, fit la partie d'aller au bal

avec un de fes amis, & le déguifa en Diable. Ils fe retirerent avant le jour. Comme le cartoffe, qui les conduifoit, paffa dans le quartier où le Provincial logeoit il fut le premier qui defcendit. On le laissa le plus près qu'on put de fa porte, où il courut promptement frapper, parce qu'il faifoit grand froid. Il fut obligé de redoubler les coups, avant de pouvoir réveiller une groffe ervante de fon auberge, qui vint enfin, à moitié endormie, lui ouvrir; mais qui, dès qu'elle le vit, referma au plus vite la porte, & s'enfuit, en criant de toute la force Jefus Maria! Le provincialne penfoitt point à fon habillement diabolique; &, ne fçachant point ce que pouvoit avoir la fervante, il continua de frapper, & toujours inutilement. Enfin, mourant de froid, il prit le parti de chercher gîte ailleurs. En marchant le long de la rue, il apperçut de la lumiere dans une maison; &, pour comble de bonheur, la porte n'étoit pas tout-à-fait fermée. Il vit en entrant un çerçueil, avec des cierges autour, & un bon prêtre qui s'étoit endormi, en lifant fon Bréviaire, auprès d'un fort bon brafier. Tout étoit tendu de noir, & l'on ne fentoit pas de froid dans ce lieu-là. Le provincial s'approcha tout le plus près qu'il put du brafier, & s'endormit tranquillement fur un fiége. Cependant le prêtre s'éve lla; &, voyant la figure de cet homme endormi, il ne douta pas que ce ne fût le diable qui venoit prendre le mort; & là-dessus il fit des cris fi épou vantables, que le provincial, s'éveillant en furfaut, fut tout effrayé, croyant voir le mort à fes trouffes. Quand il fut revenu de la frayeur, il fit réflexion fur fon habillement, & comprit que c'étoit ce qui avoit caufé fon embarras. Comme il n'étoit pas loin de la fripperie & que le jour commençoit à paroître, il alla changer d'habit, & revint à fon auberge, où il n'eut pas de peine à fe faire ouvrir. Il a apprit en entrant que la fervante étoit malade, & que c'étoit une vifite, que le diable lui avoit rendue, qui causoit fon mal. Le provincial n'eut garde de dire qu'il étoit le diable. 11 fçut enfuite qu'on publioit dans le quartier, que le diable étoit venu pour enlever monfieur un tel. Le confeffeut

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atteftoit la chofe ; &, ce qui rendoit le bruit trèscroyable, c'eft que le pauvre défunt avoit été maltô

tier.

34. Un Gafcon s'étoit mis au fervice du duc de la Feuillade. Ce feigneur, entreprenant un voyage, avertit fes domeftiques de fe tenir prêts un tel jour, à telle heure. Le Gafcon fut retenu au lit par la pareffe, & étoit encore entre fes draps, lorque le Duc étoit prêt à partir. Les autres domeftiques, après l'avoir long-tems cherché, entrent enfin dans fa chambre, tirent les rideaux de fon lit, & lui reprochent fa molleffe, lui difant, qu'il falloit qu'il fût bien pareffeux pour être au lit, lorique fon maître étoit déja prêt à monter à cheval. Le Gafcon, feignant d'être furpris: "Quoi! s'écria-t-il, M. le Duc eft levé, & je fuis en» core au lit! Ah! mes amis, fermez vite les rideaux ;. » je fuis indigne de voir la lumiere. » En prononçant ces mots, il le rendormit.

35. A la premiere représentation du Devin du VilLage, deux hommes, dont l'un étoit pour la mufique Françoife, l'autre pour la mufique Italienne, foutenoient leurs divers fentimens avec tant d'opiniâtreté qu'ils troubloient l'attention des fpectateurs. La fentinelle s'approcha pour leur faire baiffer la voix. Mais le Lullifte dit au grenadier: « Monsieur est donc Bou»foniste?» Cette faillie déconcerta tellement le pauvre foldat, qu'il retourna tout confus reprendre fon pofte.

36. Les Moufquetaires, les Gardes-du-Corps, les Gendarmes, le Chevaux-légers entroient autrefois à la comédie fans payer; & le parterre en étoit toujours rempli. Le célèbre Moliere, qui dirigeoit alors le fpec tacle, preffé par les Comédiens, obtint du Roi un ordre pour qu'aucune perfonne de fa Maison n'entrât à la comédie fans payer. Ces metfieurs indignés forcerent la porte, tuerent les portiers, & cherchoient la troupe entiere, pour lui faire éprouver le même traitement, Un jeune acteur, nommé Béjart, qui étoit habillé en vieillard pour la piéce qu'on alloit jouer, fe préfenta fur le théatre: « Eh! meffieurs, leur dit-il,

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