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fon infolence. Le défespoir où étoient les corfaires, de ne pouvoir éloigner de leurs côtes la flotte qui les foudroyoit, les porte à attacher à la bouche de leurs canons des efclaves François, dont les membres font por. tés fur les vaiffeaux. Un capitaine Algérien, qui avoit été pris dans fes courses, & très-bien traité par les François, tout le tems qu'il avoir été leur prifonnier, reconnoît, parmi ceux qui vont fubir le fort affreux que la rage a imaginé, un officier, nommé Choiseul, dont il a éprouvé les attentions les plus marquées. A l'inftant, il prie, il follicite, il preffe pour obtenir la con'ervation de cet homme genéreux. Tout eft inutile; on va mettre le feu au canon où Choifeul eft attaché. L'Algérien fe jette auffi-tôt fur lui, l'embrasle étroitement, &, adreffant la parole au canonier, lui dit: «Tires ; puis» que je ne puis fauver mon bienfaiteur, j'aurai du moins » la confolation de mourir avec lui. » Le Dey, fous les yeux duquel la fcène se paffoit, en fut fi frappé, qu'il accorda, les larmes aux yeux, ce qu'il avoit refusé avec tant de férocité.

14. Le cardinal Wolfey, miniftre & favori de Henri VIII, roi d'Angleterre, étant tombé dans la difgrace de fon maître, fe vit tout-à-coup méprifé des grands,: & hai du peuple. Fits-Williams, un de fes protégés, fut le feul qui ofa défendre fa caufe, & faire l'éloge des talens & des grandes qualités du miniftre difgracié. Il fit plus; il offrit fa maison de campagne à Wolfey, & le conjura d'y venir au moins paffer un jour. Le Cardinal, fenfible à ce zèle, alla chez Fits-Williams, qui reçut Son Eminence avec les marques de la plus vive reconnoiffance & du plus profond respect. Le Roi,inf truit de l'accueil que ce particulier avoit ofé faire à un homme tel que Wolfey,fit venir Williams; & demandant d'un air & d'un ton irrités, par quel motif il avoit eu l'audace de recevoir chez lui le Cardinal accufé & déclaré coupable de haute trahifon? «Sire, répondit » Williams, je fuis, pénétré, pour Votre Majefté, de la » foumiffion la plus refpectueufe; je ne fuis ni mauvais » citoyen, ni fujet infidèle. Ce n'eft ni le miniftre dif» gracié, ni le criminel d'Etat que j'ai reçu chez moi,

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c'est mon bienfaiteur, c'eft mon protecteur, celui » qui m'a donné du pain, & de qui je tiens la fortune » & la tranquilllité dont je jouis. Ah! Sire, fi je l'avois » abandonné dans fon malheur, j'euffe été le plus in»grat des hommes. ». Surpris, & plein d'admiration, le Roi conçut dès cet inftant la plus haute eftime pour le généreux Fits-Williams. Il le fit chevalier für le champ; &, peu de tems après, il le nomma fon confeiller-privé. enna

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14 Après la prife de Corinthe, un Romain fe mit en tête de faire abbatre les ftatues qu'on avoit dreffées à la mémoire du célèbre Philopémen, l'un des plus grands hommes qu'ait jamais produits la Grèce. Il eut la hardieffe de le pourfuivre criminellement, comme s'il eût été en vie, & de l'accufer devant Mummius, général de l'armée Romaine, d'avoir été l'ennemi de la République, & d'avoir toujours traverfé fes deffeins autant qu'il avoit pu. Cette accufation étoit outrée, mais elle avoit quelque couleur, & n'étoit pas tout-à-fait fans fondement. Le fameux Polybe,qui avoit eu Philopémen pour maître dans la fcience de la guerre, prit hautement fa défense. Il repréfenta Philopémen comme le plus estimable des héros qui eût illuftré fa patrie, qui pouvoit peut-être avoir quelquefois porté un peu trop Join fon zèle pour la liberté de la Grèce, mais qui, en plufieurs occafions, avoit rendudes fervices confidérables au peuple Romain, comme dans les guerres contre Antiochus & contre les Etoliens. Les commissaires, devant qui il plaidoit une fi belle cause, touchés de fes raifons, & encore plus de fa reconnoiffance, déciderent qu'on ne toucheroit point aux ftatues du héros accufé, en quelque, ville qu'elles fe trouvaflent, Polybe, profitant de la bonne volonté de Mummius, lui demanda encore les ftatues d'Aratus & d'Achéus ; & elles lui furent accordées, quoiqu'elles euffent déja été transportées du Peloponnèle dans l'Acarnanie, Les Achéens furent fi charmés du zèle que Polybe avoit fait paroître en cette occasion pour l'honneur des grands hommes de fon pays, qu'ils lui érigerent à lui-même une ftatue de marbre

15. Au fiége de Namur, en 1695, il y avoit dans l'armée du roi Guillaume deux guerriers du régiment d'Hamilton, l'un bas-officier, nommé Union, l'autre fimple foldat, appellé Valentin. Ils devinrent ennemis irréconciliables. Union, qui se trouvoit l'officier de Valentin, faififfoit toutes les occafions poffibles de le tourmenter & de faire éclater fon reffentiment. Le fol dat fouffroit tout fans fe plaindre;bou, s'il gémiffoit quelquefois de cette tyrannie, jamais il n'oublioit l'obéiffance aveugle que lui prefcrivoient les loix du fervice. Plufieurs mois s'étoient paffés dans cet état, lorfqu'un jour ils furent commandés l'un & l'autre pour Partaque du château de Namur. Les François firent une fortie, où l'officier Union reçut un coup de feu dans la cuiffe. Il tomba; &, comme les François preffoient de toutes parts les troupes alliées, il s'attendoit à être foulé aux pieds. Dans ce moment, il eut recours à fon ennemi: "Ah! Valentin! Valentin! s'écria-t-il, peux>>> tu m'abandonner? » Valentin, à fa voix, courut pré-cipitamment à lui; &, au milieu du feu des François, il mit l'officier fur fes épaules, & l'enleva courageu fement à travers les dangers, jusqu'à la hauteur de l'abbaye de Salfine. Dans cet endroit, un boulet de canon le tua lui-même, fans toucher à l'officier. Valentin tomba fous le corps de fon ennemi qu'il venoit de fauver. Celui-ci, oubliant alors sa bleffure, fe releve, en s'arrachant les cheveux; &, se jettant auffi-tôt fur le cadavre défiguré de fon libérateur: « Ah! Valentin, s'é» crie-t-il, cher Valentin,eft-ce pour moi que tu meures? » pour moi, qui te traitois avec tant de barbarie ? » Homme généreux ! je ne pourrai pas te furvivre! je >>ne le veux pas!... Non. » Il fut impoffible de le féparer de ce corps enfanglanté. Enfin on l'enleva, te nant toujours embraffé fon cher bienfaiteur ; &, pendant qu'on les portoit ainfi l'un & l'autre dans les rangs, tous leurs camarades, qui connoiffoient leur inimitié, pleuroient à la fois d'admiration & de douleur. Lorfqu'Union fut ramené dans fa tente, on panfa, de force, la bleffure qu'il avoit reçue; mais, le jour fuivant, ce malheureux, appellant toujours Valentin,

mourut accablé de regret, & plein de reconnoiffance. 16. Quelle honte pour les ingrats de voir les animaux leur donner l'exemple de la reconnoiffance ! Quand les Athéniens, trop foibles pour attendre dans leur ville l'armée innombrable de Xerxès, fe furent embarqués afin de fe retirer à Salamine, la défolation devint générale, & il n'y eut pas jufqu'aux animaux domestiques qui ne priffent part à ce deuil public. On ne pouvoit s'empêcher d'être touché & attendri, en les voyant courir avec des hurlemens après leurs maîtres qui les abandonnoient. Entre tous les autres, on remarqua le chien de Xantippe, pere de Périclès, qui, ne pouvant supporter de fe voir éloigné de fon maître, fe précipita dans la mer, & nagea toujours près de fon vaiffeau, jufqu'à ce qu'il aborda prefque fans force à Salamine, & mourut incontinent fur le rivage. On montroit encore dans le même lieu, du tems de Plutarqué, l'endroit ou l'on prétend qu'il fut enterré, & que l'on appelloit la fépulture du chien.

17. Un éléphant, maltraité par fon cornac, (c'est ainfi qu'on appelle les conducteurs de ces animaux,) s'en étoit vengé en le tuant. Sa femme, témoin de ce fpectacle, prit fes deux enfans & les jetta aux pieds de l'animal encore furieux, en lui difant: « Puifque tu as » tué mon mari, ôtes-moi auffi la vie, ainsi qu'à mes » deux enfans. » L'éléphant s'arrêta tout court, s'adoucit, &, comme s'il eût été touché de regret, prit avec fa trompe le plus grand des deux enfans; le mir fur fon cou, l'adopta pour fon cornac, & n'en voulut point fouffrir d'autre.

Un, foldat de Pondichéry, qui avoit coutume de donner à un éléphant une certaine mesure d'arac, chaquefois qu'il touchoit fon prêt, ayant un jour bu plus que de raifon, & fe voyant pourfuivi par la garde, qui vouloit le conduire en prifon, fe réfugia fous l'éléphant & s'y endormit. Ce fut en vain que la garde tenta de l'arracher de cet afyle. L'animal reconnoiffant défendit fon bienfaiteur, & vint à bout d'écarter les foldats. Le lendemain, cet homme, revenu de fon yvreffe, frémit à fon reveil de fe voir couché fous un animal d'une

groffeur fi énorme. L'éléphant, qui, fans doute, s'ap perçut de fon effroi, le careffa avec fa trompe pour le raffurer, & lui fit entendre qu'il pouvoir s'en aller.

18. Dans le tems que Pyrrhus, roi d'Epire, entroit victorieux dans Argos, un éléphant s'apperçut qu'il avoit perdu fon maître, lequel étoit tombé dans la foule des morts: outré de douleur, il renverfe indifféremment amis & ennemis; il court de rang en rang, jusqu'à ce qu'il ait trouvé le corps de fon maître; il le prend en fuite avec fa trompe, & l'emporte loin des ennemis.

19. On admire encore la fidélité du chien de Titus Sabinus, qui n'abandonna jamais fon maître dans la prifon, qui le fuivit au fupplice, témoignant fa douleur par des hurlemens lamentables, refufant le pain qu'on lui offroit, & le portant à la bouche de fon infortuné maître. Lorfque Sabinus eut été précipité dans le Tibre, fon chien s'y jetta avec lui. Croyant fon maître encore vivant, il foulevoit fa tête au-deffus des flots, s'effor çant, autant qu'il pouvoit, de reconnoître le foin qu'il avoit pris de le nourrir & de l'élever.

(20. Dans un fpectacle qui fe donnoit à Rome, on sfaifoit combattre des criminels contre des bêtes féroces. Parmi les plus terribles de ces animaux, on remarquoit fur-tout un lion, dont la grandeur énorme, les rugiffemens affreux, la criniere flottante, les yeux flam boyans infpiroient en même tems l'admiration & la ter reur. Un malheureux s'avance dans la carriere; l'animal furieux court au-devant de fa victime. Tout-à-coup. il s'arrête ; &, quittant fa fierté naturelle, il s'approche de lui avec un air de douceur, remuant la queue, comme les chiens qui flattent leurs maîtres; il le joint,& lui léche affectueufement les mains & les jambes. L'homme, careffé par cette bête farouche, revient peu-à-peu de fa frayeur; il reprend fes efprits; il confidere attenti"vement le lion; &, le reconnoiffant, il le careffe à fon stour avec des tranfports de joie auxquels l'animal repondoit à fa maniere. Un évènement fi merveilleux remplit toute l'aflemblée de surprise & d'admiration : on applaudit, on battit des mains ;.& l'empereur Caligula lui-même, qui étoit préfent, fer fit amener l'homme épargné

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