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grand coup fur la jambe. « Prenez garde de la rompre, » lui dit Epictète, fans s'émouvoir. » Là-deffus, Epaphrodite redoubla de telle forte qu'il lui caffa l'os: Le philofophe, avec le même fang-froid, ajoûta: »Ne vous l'avois-je pas dit, que vous pourriez me » caffer la jambe?»

5. Le jour même que Céfar fut affaffiné, Brutus, chef de la conjuration, étant alors Préteur, rendit la justice, & écouta ceux qui fe préfenterent, avec autant de fang-froid & de tranquillité, que s'il n'eût point eu d'autre affaire. Quelques-uns même de ceux qu'il avoit condamnés, fe plaignant de sa sentence, & criant qu'ils en appelloient à Céfar; Brutus, fans s'émouvoir, regardant l'affemblée, dit hautement : « Céfar ne m'em» pêchera jamais de faire ce que commandent les loix. »

6. L'empereur Marc-Aurèle touchoit aux portes du tombeau; mais ce dernier moment, qui fouvent déconcerte l'ame la plus intrépide, ne lui avoit rien fait perdre de ce fang-froid philofophique, qui conftituoit fon caractere. Le Tribun vint, fuivant l'ufage, lui demander le mot : « Mon ami, lui répondit-il, adreffez» vous au foleil levant; pour moi, je me couche. »

7. Philippe II, roi d'Espagne, ayant armé une flotte qu'on nomma l'invincible, parce qu'elle couvroit tout l'Océan, à deffein de conquérir l'Angleterre, il n'en put revoir que quelques débris; la tempête l'ayant ruinée entièrement à la vue des côtes de la GrandeBretagne. Lorsqu'on lui apprit ce défaftre, il étoit à écrire. Il répondit feulement : « Je ne l'avois pas en» voyée combattre les vents; » & il reprit la plume, comme fi cette nouvelle lui eût été absolument étrangère. Une autre fois, ayant paffé toute une nuit à faire des dépêches, fur le matin, il les donna à fon fecrétaire, qui les étala toutes fur une table pour y mettre les adreffes. Pour qu'elles ne s'effaçaffent point, il voulut y mettre du fable; mais, comme il étoit à moitié endormi, au lieu de la fabliere, il prit l'encre, & la répandit tellement, que tout l'ouvrage de la nuit fut perdu. Philippe lui dit tranquillement : « Voilà le cor»net à l'encre, & voilà la sabliere; » &, fans autre

mouvement d'impatience, il se mit à écrire fur de nou veaux frais.

8. Le baron de Pentériéder, ambaffadeur de l'Empire auprès de Louis XIV, avoit la réputation de ne jamais fe décontenancer. Louis XIV, lui donnant audience, parut piqué du peu d'impreffion que fa perfonne faifoit fur cet ambaffadeur. Ce Prince, pour l'intimider, l'interrompit à la premiere période de fa harangue, qui commençoit ainfi « Sire, l'Empereur, mon maître,

m'envoie vers Votre Majefté; en lui difant, d'un ton plus élevé « Plus haut, monfieur l'Ambaffadeur; » mais celui-ci lui répondit, fans s'émouvoir : « Plus » haut? L'Empereur, mon maître, Sire, m'envoie vers » Votre Majesté.. » en nommant l'Empereur le premier; hauffant la voix, & continuant fon discours avec affurance.

...

9. Le marquis de Riveroles, mort officier général des armées du Roi, portoit une jambe de bois. Un boulet de canon la lui emporta, tandis qu'il alloit reconnoître un pofte: « Le canon, dit-il, fans montrer aucune émotion, le canon en veut à mes jambes; mais, » cette fois, je l'ai pris pour dupe; car j'en ai une >> autre dans mon chariot."

10. Le maréchal Faber, fe difpofant à faire le fiége d'une ville, montroit les dehors de cette place avec un doigt, pour défigner l'endroit par où il faudroit opérer. Un coup de moufquet lui emporte ce doigt; mais ce capitaine ne fembloit point s'en appercevoir : » Meffieurs, continua-t-il, je vous difois donc qu'il fe»roit bon de placer ici vos retranchemens. » Il acheva fon difcours avec le même fang-froid, & en défignant d'un autre doigt la partie la plus foible de la place.

11. Au fameux paffage du Rhin, M. de Vivonne étant au milieu du fleuve, fon cheval fit un mouvement qui penfa le défarçonner. Il fe tint ferme ; &, confervant toute fa tranquillité : « Au moins, dit-il à fon courfier, ne t'avifes pas de faire mourir un amiral dans "l'eau douce.»

12. Les François, battus à la journée de Brenneville, en 1119, fuyoient devant le duc de Norman

'die. Un Anglois faifit la bride du cheval de Louis le Gros, en criant: « Le Roi eft pris! » Le Monarque répondit, fans s'émouvoir: « Ne fçais-tu pas que, même » au jeu des échecs, on ne prend jamais le Roi? » En parlant ainfi, il portoit à ce foldat un coup de fa maffe d'armes, & l'abbatoit mort à fes pieds.

13. Au fiége de Namur, en 1692, le comte de Touloufe, qui étoit auprès du roi Louis XIV, dans l'attaque d'un ouvrage, reçut au bras un coup de moufquet. On entendit le bruit de la balle; & le Monarque demanda fi quelqu'un étoit blessé? » Il me » femble, dit, en fouriant, le jeune Prince, que quel» que chofe m'a touché. » Cependant la contufion étoit confidérable; & la balle avoit noirci le galon de la manche, comme fi le feu y avoit paffé.

A cette même expédition, un foldat du régiment des Fufiliers, qui travailloit à la tranchée, y avoit porté un gabion: un coup de canon vint & emporta fon gabion. Auffi-tôt il en alla pofer à la même place un autre, qui fut fur le champ enlevé par un autre coup de canon. Le foldat, fans rien dire, en prit un troifieme, & l'alla pofer. Un troisieme coup de canon emporta ce troifieme gabion. Alors le foldat rebuté fe tint en repos; mais fon officier lui commanda de ne point laiffer cet endroit fans gabion. Le foldat dit : « J'irai; mais j'y ferai tué. » Il y alla; &, en pofant fon quatrieme gabion,il eut le bras fracaffé d'un coup de canon. Il revint, foutenant fon bras pendant avec l'autre bras, & fe contenta de dire à fon officier: « Je l'avois » bien dit. » Il fallut lui couper le bras, qui ne tenoit prefqu'à rien. Il fouffrit l'amputation, fans proférer un feul mot ; &, après cette opération cruelle, il dit froidement : « Je fuis donc hors d'état de travailler; c'est » maintenant au Roi à me nourrir. »

14. A la bataille de Dettingue, en 1743, le jeune comte de Boufflers, de la branche de Remiancourt, enfant de dix ans & demi, eut la jambe caffée d'un coup de canon. Il reçut le coup, fe vit couper la jambe, & mourut avec un égal fang-froid. Tant de jeuneffe, & tant de courage attendrirent tous ceux qui furent témoins de fon malheur,

15. Dans la chaleur de la célèbre bataille de Fontenoi, Louis XV fit ramaffer les boulets de canon qui tomboient auprès de lui, & dit gaiement à M. de Chabrier, officier d'artillerie : « Renvoyez ces boulets aux » ennemis ; je ne veux rien avoir à eux. »

16. Au combat d'Exiles, en 1747, le marquis de Brienne, colonel d'Artois, ayant eu un bras emporté, retourna aux paliffades, en disant: « Il m'en refte un » autre pour le service du Roi ; » & il fut frappé à mort. 17. Le comte de Grancé étant bleffé au genou, les chirurgiens lui firent beaucoup d'incifions, qu'il fouffrit d'abord conftamment ; mais, s'impatientant à la fin, il leur demanda pourquoi ils le charpentoient fi cruellement. «Nous cherchons la balle,» lui répondirent-ils.-» Eh! que ne parlez-vous, leur dit le Comte? Je l'ai ma poche, "

"

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18. Un jour que Charles XII, roi de Suède, dictoit des Lettres à fon fecrétaire, une bombe, partie du camp des ennemis qui l'affiégeoient vivement dans Stralzund, en 1715, tomba fur la maison où il étoit ; perça le toît, & vint éclater près du cabinet du Monarque. Au bruit de la bombe, & au fracas de la maison qui fembloit tomber, la plume échappa des mains du fecrétaire. « Qu'y a-t-il donc, lui dit le Roi d'un air » tranquille? Pourquoi n'écrivez-vous pas ? » Le fecrétaire ne put répondre que ces mots : « Eh! Sire, la » bombe! - Eh bien! reprit le Prince, qu'a de com» mun la bombe avec la Lettre que je vous dicte? Con

»tinuez."

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19. Les Turcs vouloient fecourir la ville de Gran, en Hongrie, que le brave Charles de Mansfeld affiégeoit, en 1595. Ils envoyerent un corps de Tartares pour infulter le camp des Impériaux. Mansfeld étoit à table, lorfqu'ils s'approcherent. Ce vaillant capitaine, au bruit qu'il entend, fort de fa tente, & dit, en voyant les Tartares: « Ho! ho! voilà donc enfin les convives » que j'attendois depuis fi long-tems? Je pourrai donc » aujourd'hui dîner au milieu de mes ennemis? » It monte à cheval; fond fur ces troupes; les bat; reg vient dîner, & la ville fe rend..

20. Thomas Morus, chancelier d'Angleterre, ayant refufé de reconnoître Henri Vill pour chef de l'Eglife Anglicane, fut condamné à avoir la tête tranchée. Comme il fut aux pieds de l'échafaud, il appella un homme auquel il dit : « Mon cher ami, je vous ai ap» pellé pour m'aider à monter, afin que vous puiffiez » vous vanter de m'avoir rendu le dernier fervice. >> Ayant mis la tête fur le billot; &, s'appercevant que fa barbe, qui étoit fort longue, étoit étendue de telle forte que le bourreau l'auroit coupée en l'exécutant, il le pria de l'accommoder de façon qu'elle fût confervée. « Et d'où vient, lui répondit le bourreau, vous » mettez-vous en peine de votre barbe, vous à qui » l'on va couper la tête? Cela eft fort' peu impor» tant pour moi, lui repliqua Morus; mais c'eft pour » toi que je parle. Veux-tu être accufé de ne pas fça» voir ton métier, puifqu'on t'a ordonné de me cou» per la tête, & non pas la barbe ? »

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21. Un Efpagnol, qui n'avoit qu'un œil, & qui étoit dans la galerie d'un jeu de paume, pour voir jouer, eut l'autre œil crevé d'un coup de balle. Sans s'émouvoir, il ôta fon chapeau à la compagnie, en disant: » Bon foir! meffieurs. » Voyez TRANQUILLITÉ.

I.

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SCAVO I R.

Uelle différence mettez-vous entre un fçavant & un ignorant, demandoit-on au philofophe » Ariftippe? --- Envoyez-les tous deux dans un pays » inconnu, répondit-il, & vous la verrez. »

S'étant embarqué avec quelques-uns de fes concitoyens, il fit naufrage, & eut bien de la peine à fe fauver, par le moyen d'une planche, fur les côtes de l'ifle de Rhodes. Ayant apperçu des figures de mathématiques fur le fable, il s'écriau Bon courage! je vois ici » des traces, d'hommes! » Quoiqu'il fût dépourvu de tout, fon mérite rare fe fit bientôt rechercher de tout le monde. Il ne manqua de rien, & chacun s'empreffa de lui marquer fon eftime par des bienfaits. Ses com

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