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nation, lui permit de couper les deux onces de chair, mais à la charge, s'il excédoit ce poids, de fubir la même peine. Ce jugement effraya l'implacable Musulman: auffi-tôt il se défifta de fes poursuites, & remit fa dette au malheureux Chrétien.

14. Un peintre étant convenu avec un marchand de représenter, en petit, un cheval, le plus furieux qu'on le pourroit peindre, fans felle, ni mords, ni bride, le peintre représenta ce cheval fi fort au naturel & fi furieux, qu'il faifoit peur aux chevaux véritables mais avec une felle, une bride, & un mords. Là-deffus le marchand prétendit qu'il n'étoit point obligé de payer le tableau. Le peintre le traduit en juftice: enfin le. juge lui ordonna de compter à l'artiste la fomme convenue, parce que, dit-il, il étoit fort difficile de retenir un cheval fi furieux, en un lieu fi étroit, fans mords ni bride.

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15. Des chanoines ayant fait réparer dans leur église une chapelle dédiée aux ames du Purgatoire, le fculpteur, qui en fit la représentation en bas-relief, plaça directement au milieu de fes figures, l'effigie du pere prieur d'un couvent voifin. Elle étoit fi reflemblante que perfonne ne s'y méprit: le pere s'y reconnut luimême. Auffi-tôt il en porte fes plaintes aux chanoines, qui font venir le fculpteur, pour délivrer fa révérence des flammes du purgatoire. L'artifte s'en défend, fous prétexte qu'il ne peut toucher à fon ouvrage, fans le gâter. Le révérend pere, peu content de cette défaite, croit qu'il y va de fon honneur de se plaindre à l'archevêque. Le prélat demande au fculpteur fi cette reffemblance est un effet du hazard: « Non, Monfei» gneur, » répond-il. --- Eh bien ! il faut donc détruire » cette figure, puifqu'elle outrage celui qu'elle repré» fente. Je m'en garderai bien, Monfeigneur; & » vous m'approuverez, fans doute. Le Carême paffé, » M. le prieur, dans un de ses fermons, prouva, d'une » maniere invincible, que ceux qui retiendroient le bien » d'autrui, feroient détenus dans les flammes du Pur» gatoire, jusqu'à ce qu'ils euffent payé leurs dettes : »or il y a plus de deux ans qu'il me doit cent écus,

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que je lui ai toujours demandés inutilement : pour l'en » punir, je l'ai placé dans mon Purgatoire; & je l'y » laifferai, Monfeigneur, à moins que votre Grandeur » n'en ordonne autrement. » Le prélat, trouvant la réponse du sculpteur fondée fur l'équité, condamna le moine, honteux & confus, à refter en Purgatoire jusqu'à ce qu'il eût entièrement acquitté fon créancier.

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16. Acyndinus, gouverneur d'Antioche, apprenant qu'un citoyen n'apportoit pas à l'épargne la livre d'or à laquelle il avoit été taxé, le fit mettre en prison, & le menaça de le faire pendre, s'il ne recevoit cette fomme dans le tems qu'il lui marquoit. Le terme alloit expirer, fans que l'infortuné débiteur fût en état de fatisfaire Acindynus. Sa femme, d'une beauté raviffante, crut devoir, dans ce preffant danger, facrifier ce qu'elle avoit de plus cher, pour fauver les jours de fon mari. Elle alla le trouver dans fa prison, & lui communiqua la propofition que lui avoit faite un homme riche, de payer fes faveurs du prix qu'elle defireroit. Le prisonnier l'engagea, lui commanda même d'accepter ses offres. Elle obéit; mais l'homme vil, qui la deshonoroit, au lieu de lui donner l'argent promis, fubftitua à fa place une bourfe pleine de terre. La femme, de retour chez elle, ayant apperçu la tromperie, en demanda juftice au gouverneur, & avoua le fait ingénument. Acindynus, qui reconnut auffi-tôt les fuites honteufes de fa trop grande rigueur, fe condama d'abord à payer au fifc la livre d'or enfuite il adjugea à la femme la terre d'où étoit prife celle qu'elle avoit trouvée dans la bourse.

17. Charles le Hardi, duc de Bourgogne, avoit donné le gouvernement de la capitale de la Gueldre à Claude Rhynfault, Allemand, qui l'avoit bien fervi dans les guerres. A peine fut-il pourvu de cet emploi, qu'il jetta les yeux fur Sapphira, femme d'une rare beauté, & qui étoit mariée à un riche marchand de la ville, nommé Paul Dauvelt. Il mit tout en ufage pour s'intro❤ duire chez elle; mais, inftruite de fes vues, elle n'oublia rien pour éviter le piége qu'il lui tendoit. Le gouverneur, convaincu qu'il ne réufliroit jamais par les

voies ordinaires, fit emprifonner le mari, fous prétexte qu'il avoit des correfpondances avec les ennemis du Prince. On lui fit fon procès; mais, la veille du jour qu'il devoit être exécuté, Sapphira courut implorer la clémence du gouverneur, qui lui dit qu'elle ne pouvoit espérer de fauver la vie à fon mari qu'en fe rendant à fes defirs. Cette vertueufe femme, accablée de douleur, fe tranfporta à la prison, où elle découvrit à fon mari tout ce qui venoit de se paffer, & le rude combat qui s'étoit livré dans fon ame, entre fa tendresse pour hui, & la fidélité qu'elle lui devoit. L'époux, honteux d'avouer ce que la crainte de la mort lui fuggéroit, laissa échapper quelques mots qui lui firent entendre qu'il ne la croyoit pas deshonorée par une action où il étoit bien perfuadé que fa volonté n'auroit aucune part. Avec cette priere indirecte de lui fauver la vie, elle prit congé du trifte prifonnier, qu'elle embraffa mille fois. Le lendemain matin, elle alla trouver le gouverneur, & fe mit à fa difcrétion. Rhynfault loua fes charmes ; fe flatta d'avoir avec elle un commerce libre dans la fuite, & lui dit, d'un air cruellement gai, d'aller retirer fon mari de la prifon; « mais, ajoûta-t-il, vous ne devez pas » être fâchée fi j'ai pris des mefures, afin qu'il ne foit » pas à l'avenir un obftacle à nos rendez-vous. » Ces derniers mots lui piéfagerent le malheureux fort de fon époux, qu'elle trouva exécuté, lorfqu'elle arriva à la prifon. Outrée de douleur, elle alla trouver en fecret le duc de Bourgogne, à qui elle remit un placet qui contenoit le récit de fa funefte aventure. Le Duc le lut avec des mouvemens d'indignation & de pitié. Rhynfault fut mandé à la Cour, & confronté avec Sapphira. Dès qu'il put revenir de fa surprise, le Prince lui demanda s'il connoiffoit cette dame? Il répondit que oui, & qu'il l'épouferoit, fi Son Altesse vouloit bien regarder cette démarche, comme une jufte réparation de fon crime. Le Duc en parut content, & fit d'abord célébrer le mariage. Il dit enfuite au gouverneur: « » en êtes venu-là, forcé par mon autorité; mais je ne » croirai jamais que vous ayez de la tendreffe pour vo» tre femme, à moins que vous ne lui faffiez une do

«Vous

» nation de tout votre bien, pour en jouir après votre » mort. >> Quand l'acte eut été expédié, le Duc dit à la dame : « Il ne me reste plus qu'à vous mettre en pof» feffion du bien que votre mari vous a donné; » & là-deffus il commanda que Rhynsau't fût mis à mort.

18. Un esclave, nommé Furius Etéfinus, s'étant tiré de fervitude, avoit acheté un petit champ, & l'avoit cultivé avec tant de foin, qu'il devint le plus fertile de tout le pays. Le fuccès de fes travaux excita la jalousie de tous les voisins, qui l'accuferent de magie. Il fut ap pellé en jugement devant le peuple Romain. Le jour de l'affignation étant venu, il amena dans la place publique, fa fille qui étoit une groffe paysanne bien nourrie & bien vêtue: il fit apporter tous les inftrumens de labour, qui étoient en fort bon état, des hoyaux trèspefans, une charrue bien équipée, & bien entrete¬ nue; il fit auffi venir fes bœufs, qui étoient gros & gras. Puis fe tournant vers les juges : « Voilà, dit-il, mes » fortiléges, & la magie que j'emploie pour rendre » mon champ fertile. Les fuffrages ne furent point partagés: il fut abfous d'une commune voix; & le peuple le reconduifit dans fa chaumiere, en le comblant d'éloges.

19. Nicon, fameux athlète de Thase, avoit été cousonné, comme vainqueur, jufqu'à quatorze cents fois, dans les jeux folemnels de la Grèce. Un homme de ce mérite ne manqua pas d'envieux. Après la mort, un de fes rivaux infulta fa ftatue, & la frappá de plufieurs coups, peut-être pour fe venger de ceux qu'il avoit recus autrefois de celui qu'elle repréfentoit. Mais la ftatue, comme fi elle eut été fenfible à cet outrage, tomba fur l'auteur de l'infulte, & le tua. Les fils de l'homme écrafé pourfuivirent la ftatue juridiquement, comme coupable d'homicide, & puniflable en vertu de la loi de Dracon. Ce fameux légiflateur d'Athènes pour anfpirer une plus grande horreur de l'homicides, avoit ordonné qu'on exterminât les chofes même inanimées, dont la chute cauferoit la mort d'un homme. Conformément à cette loi, les Thafiens ordonnerent que la ftatue feroit jettée dans la mer; mais, quelques

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années après, étant affligés d'une grande famine, & ayant confulté l'oracle de Delphes, ils la firent retirer du milieu des flots, & lui rendirent de nouveau les honneurs que méritoit le héros dont elle confacroit la mémoire. Voyez ÉQUITÉ. JUSTICE.

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JUSTESSE.

'Empereur Maximilien, étant malade, manda plufieurs médecins, plus pour s'en divertir que pour fuivre leurs ordonnances. Il demanda à chacun d'eux en particulier Quot? Ils demeuroient confus, ne concevant pas l'idée du Prince. Un vieux routier d'entr'eux, comprenant que le Monarque, par ce monofyllabe demandoit combien ils avoient fait mourir de perfonnes, fuivant les règles de l'art, prit à pleine main fa barbe & lui dit, Tot, voulant fignifier qu'il avoit fait mourir autant de malades que fa barbe avoit de poils. Cette réponse fpirituelle lui mérita un favo rable accueil, & l'empereur l'écouta avec toute la conftance , que méritoit fa rare fincérité.

2. Un gentilhomme fort brutal, ayant pris poffeffion d'une terre qu'il venoit d'acquérir, demanda aux habitans ce qu'ils penfoient de leur curé ; &, comme ils lui dirent que c'étoit un grand aftrologue, ce feigneur, croyant qu'il fe mêloit de deviner, l'envoya chercher le lendemain matin, & le menaça de fon indignation, s'il ne lui rendoit raifon fur quatre chofes. » Je veux, lui dit-il, que vous m'appreniez, premiérement, où eft le milieu du monde; fecondement, ce que je vaux; troisiemement, ce que je pense; quatriemement, ce que je crois. » Le bon curé eut beau protefter qu'il ne fe mêloit point de deviner, le feigneur voulut qu'il le fatisfit fur le champ, ou qu'il avouât qu'il étoit un impofteur. Pour fortir d'embarras &préparer fes réponses, le curé demanda feulement jufqu'au lendemain; ce qui lui fut accordé. En reprenant le chemin de fon presbytere, il rencontra fon meunier, qui, le voyant trifte, & apprenant de lui çe

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