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qui s'étoit paffé, fe chargea de le délivrer de fa peine. Le pafteur, que le gentilhomme n'avoit pas bien remarqué, y confentit. Le meûnier s'affuble de fon bonnet carré, de fa foutane, & fe préfente, fous fon nom, à l'heure marquée. «Hé bien! lui dit le feigneur » pourrez-vous bien fatisfaire à mes questions?

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Oui, monfeigneur, au péril de ma vie, répondit le » meûnier; mais pour répondre à votre premiere pro» position, il faut que nous fortions. » Ille mena dans une grande campagne, où, après avoir feint de mefurer la terre avec un long bâton, il le ficha en terre, & lui dit : « Voilà justement le milieu du monde. » Comment me le prouverez-vous, dit le feigneur? >> --- Parbleu, monsieur, lui dit-il, faites-le mefurer; » & fi vous y trouvez une ligne de manque, je veux » perdre la vie. --- L'expédient eft bon, reprit le fei» near; mais j'aime mieux vous en croire. Venons à » l'autre question: combien croyez-vous que je vaille ? }} --- Monfieur, répondit le meûnier, Notre-Seigneur, » qui, fans vous faire tort, valoit un peu mieux que » vous, ne fut vendu que trente deniers: quand je » vous mettrois à vingt-neuf, auriez-vous fujet de vous >> plaindre? Non, monfieur le curé, vous avez » raison. Mais voyons fi vous pourrez me dire à quoi »je penfe? Je gage que vous pensez plus à votre » profit qu'au mien ? Il eft vrai; mais vous ne

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--

pas

vrai

Affure

» me direz point ce que je crois. N'eft-il » que vous croyez que je fuis votre curé ? » ment. Hé bien! c'eft ce qui vous trompe; car »je ne fuis que fon meûnier.» Cette fubtilité le fit rire; & la jufteffe d'efprit de ce ruftique dérida le front fourcilleux de ce leigneur rebarbatif.

3. Quand la reine Elizabeth proposa au docteur Dale de l'employer en Flandres, elle lui dit, pour l'encourager, qu'il auroit vingt fchelings à dépenfer par jour. «Alors, Madame, dit-il, j'en dépenferai dix» neuf. Je Que ferez-vous donc de l'autre ? » le réserve pour ma Katty, & pour Tom & Dick,» C'étoient les noms de fa femme & de fes enfans. La Reine augmenta fes appointemens, pour rendre Katty,

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Tom & Dick plus aifés. Pendant le féjour du docteur en Flandres, il mit dans un paquet du miniftre deux lettres, l'une adreffée à sa femme, & l'autre à la Reine. Mais il s'étoit trompé en mettant les adreffes; il y avoit fur la lettre de la Reine: « Pour ma chere femme, & fur celle de fa femme: Pour Sa Majesté; de maniere que la Reine, en ouvrant fa lettre, trouva d'abord: Sweet Heart, mon cher cœur, & une infinité d'autres expreflions tendres & cavalieres, avec des plaintes fur fon éloignement & fur une difette d'argent. La Reine fe fit donner l'autre lettre, jugeant que ce devoit être la fienne; elle écrivit elle-même au docteur fa méprife, & elle finiffoit ainfi : « Ne foyez pas affligé fi votre erreur » m'a fait connoître le fecret de vos affaires particulieres; » je fuis bien-aise de les connoître, & je m'empreffe d'y » remédier. Vous recevrez déformais quarante fche»lings par jour. Lorsqu'il fe fit des ouvertures pour la paix, les miniftres demanderent en quelle langue on écriroit le traité? Le miniftre Efpagnol propofa la françoife, « parce que, dit-il à Dale, votre Mai» treffe fe qualifie Reine de France. Si vous vou » lez, reprit le docteur, nous le ferons auffi en hé»breu; car votre Maître prend le titre de Roi de » Jérusalem. »

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4. Bahalul, que les faillies de fon efprit firent furnommer Al-Mégun, c'est-à-dire le Fou, mérita, par fes reparties ingénieufes, fon humeur enjouée, fes traits vifs & facétieux, la confiance & l'eftime du Khalife Haroun-Al-Rafchild, qui lui donna toute forte de liberté dans fa cour. Ce Prince lui dit un jour de faire le catalogue des fous de la ville de Bagdad: » Cela n'est pas aifé à faire, lui répondit Bahalul; » mais ordonnez-moi de faire la lifte de tous les fa"ges, & vous ferez bientôt fatisfait.» Quelqu'un pour le moquer de lui, vint lui dire que le Khalife lui avoit donné la charge de maître des ours, des loups, des renards & des finges de fon Empire. Bahalul lui répondit auffi-tôt : « Venez donc me rendre hom»mage; car vous voilà devenu un de mes fujets.» Etant un jour entré dans la falle des audiences du Prince,

& voyant fon throne vuide, il s'y alla placer. Les huiffiers de la chambre l'ayant apperçu, l'en firent bientôt fortir à coups de canne, & lui reprocherent fon imprudence. Bahalul fe mit à pleurer, & le Khalife étant entré immédiatement après, & ayant demandé le fujet de fes larmes, les huiffiers lui dirent auffi-tôt ce qui étoit arrivé, ajoûtant qu'il pleuroit à caufe de quelques coups qu'il avoit reçus; mais Bahalul, prenant la parole, dit au Khalife: «Seigneur, ce n'eft point » pour les coups que je viens de recevoir, c'eft par » pitié pour vous que je pleure; car je confidere que, » fi, pour m'être affis une feule fois en ma vie fur le » thrône, j'ai reçu un fi grand nombre de coups, il » faut que vous enduriez beaucoup pour vous y affeoir » tous les jours. » Le même Monarque lui dit, une autre fois : « Bahalul, pourquoi ne te_maries-tu pas » comme tous les autres hommes? Tu aurois de la » compagnie, & quelqu'un qui auroit soin de toi; & »tu ne vivròis pas dans une trifte folitude, comme » les bêtes féroces. Je t'aime ; je veux, pour te le prou»ver, te donner une épouse digne de toi : jeune, » bien faite, riche, elle te procurera toutes les dou» ceurs de la vie. » Bahalul, ébranlé par ces raifons, & plus encore par l'autorité du Khalife, confentit enfin au mariage; &, les nôces s'étant faites, il entra avec fa femme dans le lit nuptial. Mais à peine s'y fut-il couché, qu'il entendit, ou feignit d'entendre un grand bruit dans le fein de fa compagne. Effrayé, il abandonne le lit, & prend la fuite bien loin hors de la ville. Le Khalife, l'ayant appris, le fait chercher : on obéit; on le trouve; on l'amene. Le Prince lui fait d'abord une terrible réprimande; puis il lui demande où eft donc le mot pour rire dans toute cette affaire. «Seigneur, lui répondit Bahalul, ne m'aviez» vous pas promis, en me donnant une femme, que » je trouverois avec elle toutes les douceurs de la vie? "Mes efpérances ont été trompées: auffi-tôt que je » fus avec elle, j'entendis dans fon fein un bruit horri"ble: je prêtai l'oreille avec attention, & je distinguai plufieurs voix, dont l'une me demandoit un

» habit, une chemife, un bonnet, des fouliers; l'au» tre, du pain, du riz & de la viande : je remarquai » de plus des cris & des pleurs; les uns rioient & les "autres s'entre-battoient, enforte que ce vacarme m'a » tellement épouvanté, que, craignant, au lieu du re»pos que j'avois cru trouver, de devenir encore plus » fou que je ne fuis, fi je demeurois plus long-tems » avec ma femme, & fi je devenois le pere d'une groffe » famille, je cherchai ma fûreté & mon repos dans » une prompte retraite.»

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JUSTICE.

E célèbre Ariftide avoit à juger un différend entre deux particuliers. L'un d'eux rapportoit au long les injures que fon adverfaire avoit vomies contre Ariftide, afin d'irriter le juge; mais cet homme intégre l'interrompit : « Mon ami, lui dit-il, laiffons» là, je vous prie, les outrages que votre ennemi m'a "faits; parlons de ceux que vous en avez reçus: je » fuis ici pour juger votre caufe, & non la mienne.»

Il accufoit un homme; les juges, qui connoiffoient fa vertu & fon équité, ne vouloient feulement pas entendre la défenfe du coupable, & fe préparoient à le condamner, fur la dénonciation feule d'Ariftide : mais ce religieux obfervateur de la juftice fe jetta luimême aux pieds des juges, les conjurant de ne point tranfgreffer les régles ordinaires, & de laiffer à l'accufé la liberté de produire fes moyens de juftification.

2. Lorfqu'Alexandre le Grand rendoit la justice, il avoit coutume pendant que l'accufateur parloit, de fe boucher une oreille avec la main; & comme on lui. demanda pourquoi? « C'eft, dit-il, que je garde l'au»tre à l'accufé. »

3. Chilon, l'un des fept fages de la Grèce, fut choifi, par deux de fes amis, pour être l'arbitre d'un différend furvenu entr'eux; mais, ne voulant ni blesser la juftice ni offenfer aucun d'eux, il les pria de le difpenfer de ce jugement, & de s'en rapporter à un au

tre. Il s'en repentit enfuite, & reconnut qu'il eût été plus parfait de rendre inviolablement la juftice fans refpect humain, & que, fi quelqu'un des deux s'étoit offensé d'un arrêt équitable & conforme aux loix, la perte d'un tel ami ne devoit pas être regrettée. Chilon, dans fa vieilleffe, difoit que, toute fa vie, il n'avoit jamais eu que ce feul reproche à fe faire.

4. L'empereur Conrad II, allant à Mayence pour s'y faire facrer, trois particuliers fe jetterent à fes pieds, & le fupplierent de leur faire raifon de quelques dommages qu'ils avoient effuyés de la part de leurs ennemis. Conrad s'arrête pour écouter leurs plaintes; mais ce retardement paroiffant fâcher ceux qui l'accompagnoient, il fe retourne vers eux. « Si je » fuis chargé de gouverner l'Empire, leur dit-il, c'est » à moi de rendre la juftice, & de ne point la diffé»rer: par où puis-je mieux commencer mon règne » que par un acte d'équité? »

5. L'aïeule de Jean Defmarets, affaffiné par le feigneur de Talart, s'étant jettée aux genoux de François I, pour lui demander juftice de l'affaffin de fon fils: « Relevez-vous, lui dit le Roi, il n'eft pas né

ceffaire de fe mettre à genoux pour me demander » justice; je la dois à tous mes sujets: à la bonne heure, » fi c'étoit une grace.» Le crime fut puni, & Talart eut la tête coupée aux Halles de Paris.

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6. Le philofophe Bias, forcé de condamner à mort un criminel, verfa des larmes fur le trifte fort de cet infortuné. « Pourquoi pleurez-vous, lui dit quelqu'un? »Ne dépend-il pas de vous de condamner ou d'abfou» dre cet homme? Non, répondit Bias: la juftice >> & les loix exigent que je le condamne; mais la na»ture demande à fon tour que je m'attendriffe fur » les malheurs de la foible humanité. »

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7. Henri IV avoit accordé au crédit & aux prieres du maréchal de Bois-Dauphin la grace d'un gentilhomme, nommé Berthaut, qui avoit été condamné, par arrêt du parlement, à perdre la tête. La cour, étant avertie que le coupable devoit être arraché au fupplice, députa le président de Thou, pour remon

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