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que de là il revenoit dans fon champ, où,jettant une méchante tunique fur fes épaules, fi c'étoit en hiver, & prefque nud, fi c'étoit en été, il travailloit avec fes domestiques; &, après le travail, affis avec eux à table, il mangeoit du même pain, & buvoit du même 5. Continuellement livré au travail, Ariftote mangeoit peu, & dormoit encore moins. On rapporte qu'afin de ne pas fuccomber à l'accablement du fommeil, il étendoit hors du lit une main dans laquelle il tenoit une boule d'airain, pour que le bruit qu'elle feroit, en tombant dans un baffin, le réveillât,

vin.

6. Quoique tourmenté par des coliques très-aiguës, l'empereur Vefpafien vaquoit cependant aux affaires du gouvernement. Ses amis lui confeilloient de fe ménager davantage, & de prendre du repos : « Non, » non, leur répondit-il, il faut qu'un Empereur meure

» debout. >>

7. Jamais peut-être on ne fe livra au travail avec plus d'ardeur que M. de Tfchirnhaus, fameux mathématicien de l'Académie des Sciences. Tout étoit réglé chez lui; tout tendoit vers cette paffion, fi capable de faire de grands hommes. En été, il faifoit fes expériences, & les mettoit en ordre, ou en tiroit ses conféquences, ou enfin faifoit fes grandes recherches de théorie, pendant l'hiver, qu'il trouvoit plus propre à la méditation. Sur la fin de l'automne, il donnoit quelques foins particuliers à fa fanté, & faifoit une efpece de revue de fes forces corporelles, pour entrer dans cette faifon deftinée aux plus grands travaux de l'efprit. Il relifoit les compofitions de l'hiver précédent, s'en rappelloit les idées, fe faifoit renaître l'envie de les continuer ; & alors il commençoit à se retrancher le repas du foir, & à diminuer même un peu du dîner de jour en jour. Au lieu de fouper, ou illifoit fur les matieres qu'il avoit deffein de traiter, ou il s'en entretenoit avec quelqu'ami fçavant. Il fe couchoit à neuf heures, & fe faifoit éveiller à deux heures après minuit: il fe tenoit exactement, pendant quelque tems, dans la même fituation où le réveil l'avoit trouvé; ce

'qui l'empêchoit d'oublier le fonge qu'il faifoit en ce moment; & f, comme il pouvoit affez naturellement arriver, ce fonge rouloit fur la matiere dont il étoit rempli, il en avoit plus de facilité à la continuer. Il travailloit dans le filence & le repos de la nuit : il fe rendormoit à fix heures, mais feulement jufqu'à fept, & reprenoit fon travail. Il a dit qu'il n'a jamais fait de plus grands progrès dans les fciences, qu'il n'a jamais fenti fon allure plus vigoureufe & plus rapide, que quand il a obfervé toutes ces pratiques avec le plus de régularité. On y pourra trouver un foin exceffif de fe ménager tous les avantages poffibles; mais toutes les grandes paffions vont, à l'égard de leur objet, jufqu'à une espece de fuperftition. Il lui arrivoit fouvent, pendant la nuit, de voir une grande quantité d'étincelles très-brillantes, qui voltigeoient & jouoient en l'air. Quand il vouloit les regarder fixement, elles difparoiffoient; mais, quand il les négligeoit, non-feulement elles duroient prefqu'autant que fon application au travail; mais elles redoubloient d'éclat & de vivacité. Enfuite il parvint à les voir en plein jour, lorfqu'il eut acquis un certain degré de facilité dans la méditation. Il les voyoit fur une muraille blanche, ou fur un papier qu'il avoit placé à côté de lui. Ces étincelles, vifibles pour lui feul, étoient, en même tems, & un effet, & une représentation des efprits de fon cerveau, violemment agités.

8. Si un homme fort, & en état de travailler, fait le métier de mendiant, en Hollande, on le faifit, on le defcend dans un puits profond, & on lâche un robinet. Si le pauvre ne pompoit pas fans relâche, il seroit bientôt noyé. Pendant que ce malheureux travaille, de graves Hollandois font des paris fur le bord du puits: Fun gage que cet homme eft lâche & pareffeux, & que l'eau va l'enfevelir; l'autre foutient le contraire. Enfin, après quelques heures, on tire le mendiant plus mort que vif; & on le renvoie avec cette utile leçon du travail.

TRISTESSE.

1. Arus, capitaine imprudent, & fans expérience, s'étant laiffé furprendre par les Germains, fat vaincu, & fe donna la mort de défefpoir. Ses légions, l'élite des troupes de la République, furent taillées en piéces les drapeaux, & deux aigles Romaines tomberent au pouvoir du vainqueur. Lorfque la renommée eut répandu dans Rome la nouvelle de ce défaftre, la douleur y fut générale; la tristesse régna dans tous les cœurs. Augufte en donna l'exemple: non-feulement il prit le deuil, & laissa croître sa barbe & fes cheveux ; mais, entrant encore dans des especes de vertiges, il se heurtoit la tête contre les murailles, & s'écrioit fouvent: «Varus! téméraire Varus! rends-moi mes lé"gions! » Cette affliction, fi légitime, puifqu'elle avoit la patrie pour objet, ne fut point paffagere: tant qu'il vécut, le Jour de la défaite de Varus fut pour lui, tous un jour de tristeffe & d'amertume,

les ans,

2. Le philofophe Démonax, qui vivoit vers l'an 120 de J. C. ayant appris qu'un homme ne pouvoit fe confoler de la mort de fon fils, alla le trouver : « Mon » ami, lui dit-il, je vous promets de reffufciter votre » fils, fi vous pouvez me trouver seulement trois hom"mes dont la maison ait toujours été exempte de » deuil. » Ce pere affligé chercha vainement; il n'en put pas même trouver un feul. « Pourquoi donc, reprit alors »le Sage, pourquoi vous tourmenter ainfi pour un mal » heur qui vous eft commun avec tant d'autres ?

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3. La reine Blanche, mere de S. Louis, mourut, lorfque ce Prince étoit encore dans la Terre-fainte. Le légat du pape, qui étoit auprès du monarque, en fut le premier inftruit. Il connoiffoit la tendreffe du Roi pour une mere fi refpectable: il crut devoir prendre des mefures, avant que de lui annoncer une fi affligeante nouvelle. Il se fait accompagner de l'archevêque de Tyr; va trouver le Prince; lui demande une audience

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particuliere, en préfence de fon garde des fceaux, & de fon confeffeur. Le faint Roi connut au vifage du prélat qu'il avoit quelque chofe de fâcheux à lui apprendre, & le mena dans fa chapelle. Alors le pontife lui expofa les grandes obligations qu'il avoit à Dieu depuis fon enfance, fur-tout de lui avoir donné une fi bonne mere, qui l'avoit élevé fi pieufement, & qui avoit gouverné fon royaume avec tant de zèle & de prudence. « Hélas! Sire, ajoûta-t-il avec des fanglots & des larmes, » elle n'est plus, cette illuftre Reine: la mort vient de vous l'enlever! » On ne peut exprimer le fentiment de trifteffe dont le cœur de ce tendre fils fut pénétré. Le premier mouvement de fa douleur lui fit jetter un grand cri, & verser un torrent de pleurs; mais, revenu à lui dans le même inftant, il Te jette à genoux devant l'autel, & dit, en joignant les mains: «O mon Dieul je vous rends graces de m'a» voir confervé jufqu'ici une mere fi digne de toute » mon affection. C'étoit un préfent de votre miséri» corde: vous le reprenez comme votre bien; je n'ai » point à m'en plaindre. Il eft vrai que je l'aimois ten» drement; mais, puifqu'il vous plaît de me l'ôter, que » votre faint Nom foit béni dans tous les fiécles!» Le légat fit enfuite la priere pour l'ame de la Princeffe; &, le Monarque ayant témoigné qu'il vouloit être feul, les deux prélats fe retirerent, & le laifferent avec fon confeffeur. Dès qu'il fe vit fans autre témoin que le dépofitaire de ses plus fecrettes penfées, il se profterna de nouveau devant le Crucifix, & demeura quelque tems comme abymé dans une profonde méditation. Puis, fe levant tout-à-coup avec un visage plus ferein, il passe dans fon oratoire, toujours accompagné de fon directeur, & récite avec lui tout l'Office des Morts, mais avec une telle attention, que le bon prêtre ne pouvoit affez admirer que, dans une affliction fi récente & fi vive, il ne lui fût échappé aucune méprife; tant la penfée de Dieu fufpendoit en lui tout autre fentiment! Depuis ce moment, il fit dire, chaque jour, devant lui, une Messe baffe pour l'ame de cette mere bien

aimée, hors les dimanches & les fêtes principales. Deux jours fe pafferent, fans qu'il voulût voir perfonne. Ce terme expiré, il fit appeller le fire de Joinville, féné→ chal de Champagne, fon confident, & lui dit, en l'appercevant : « Ah! Sénéchal, j'ai perdu ma mere! »Sire, répondit le bon Chevalier, je n'en fuis point » furpris, vous fçavez qu'elle étoit mortelle; mais ce » qui m'étonné, c'eft la trifteffe exceffive d'un Prince » qui est en fi grande réputation de fageffe. »

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