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fon caractere. Maxime l'ayant plufieurs fois invité; avec inftance, à manger à fa table, il avoit toujours répondu qu'il ne fe croyoit pas permis de s'affeoir à la table d'un homme qui, de fes deux maîtres, avoit ôté à l'un la vie, à l'autre la moitié de fes Etats. Il fe rendit cependant aux preffantes follicitations de Maxime qui en parut ravi de joie, & qui invita, comme pour une fête folemnelle, les plus diftingués de fa cour. Martin s'affit à côté du Prince : un prêtre de l'églife de Tours, dont il se faifoit toujours accompagner, fut placé entre Marcellin, frere du tyran, & fon oncle. Lorfque le repas fut commencé, l'échanfon ayant préfenté à boire à Maxime, celui-ci donna la coupe à S. Martin, voulant qu'il en bût le premier, & la recevoir enfuite de fa main. Mais l'évêque, après avoir trempé fes lèvres, fit porter la coupe à fon prêtre, comme à celui qui méritoit la préférence d'honneur fur tous les convives. Cette liberté, qui trouveroit aujourd'hui peu d'approbateurs, fut admirée de toute la cour: on louoit hautement Martin d'avoir fait, à l'égard de l'Empereur, ce que tout autre évêque n'auroit ofé faire à la table du dernier des magiftrats. Maxime lui fit préfent d'un vafe de porphyre, que le prélat confacra à l'ufage de fon églife. Le tyran le mandoit fouvent à fa cour: il le traitoit avec honneur; &, foit par hypocrifie, foit par les accès paffagers d'une piété fuperficielle & inconféquente, il aimoit à s'entretenir avec lui des matieres de religion. Mais la femme de Maxime, dont le nom n'eft pas venu jufqu'à nous, avoit pour le faint évêque une vénération plus profonde & plus fincere. Elle l'écoutoit avec docilité : elle lui rendoit les devoirs les plus humbles & les plus affidus ; &, comme la piété prend quelquefois une forme finguliere dans les femmes de la cour, elle voulut, un jour, avec la permiffion de fon mari, le fervir à table. Elle apprêta elle-même les viandes: elle lui donna à laver, lui fervit à boire, fe tint debout derriere lui, & recueillit avec refpe&t les reftes de fon repas. S. Martin y confentit avec peine, en faveur de quelques prifonniers dont il follicitoit l'élar giffement.

11. La véritable vertu ennoblit tout, & ne dédaigne que les fonctions qui pourroient altérer fon éclat. Č'étoit ainfi que penfoit le fameux maréchal Fabert, Il croyoit qu'à la guerre il n'y avoit aucune fonction aviliffante. Quelques officiers du régiment des GardesFrançoises trouverent mauvais que ce grand capitaine, au fiége de Bapaume, s'occupât indifféremment des fappes, des mines, de l'artillerie, des machines, des ponts, & des autres travaux les plus pénibles: ils chargerent même un de fes amis de lui repréfenter qu'il aviliffoit fa dignité de Capitaine aux Gardes, & d'Officiergénéral. « Je fuis très-obligé à mes camarades du foin » qu'ils prennent de mon honneur, répondit Fabert. "Je voudrois cependant leur demander, fi le bien que » m'a fait le Roi eft une raifon de diminuer le zèle

"

que

j'ai toujours eu pour fon fervice? C'est la conduite » que l'on me reproche, qui m'a élevé aux grades dont "je fuis honoré. Je fervirai toujours de même, quand » ce ne feroit que par reconnoiffance. Mais j'ofe me "flater que ces travaux, que l'on trouve humilians, »me conduiront aux honneurs militaires les plus éle» vés. Tout bien considéré, le confeil de ces meffieurs » n'est bon que pour ceux qui veulent vieillir dans le » régiment des Gardes. Pour moi, je leur déclare que » je n'ai aucune envie d'y refter: bientôt je leur en don»›nerai des preuves. La nuit prochaine, je terai la def»cente du foffé; &, fans avoir égard à la dignité de »mes grades, j'attacherai le mineur; je travaillerai » mormême à la galerie, à la chambre de la mine, » & j'y mettrai le feu, fi la garnison refuse de se ren»dre. Le cardinal Mazarin lui propofoit de lui fervir d'efpion dans l'armée. «Un grand Miniftre, comme » vous, lui répondit-il, doit avoir toutes fortes de gens » à fon fervice: les uns doivent le fervir par leurs bras; »les autres par leurs rapports: trouvez bon que je » fois dans la claffe des premiers. Les habitans de Sedan, dont il étoit le gouverneur, effayerent, à plufieurs reprises, de lui faire accepter quelques foibles marques de leur reconnoiffance: toutes leurs tentatives furent inutiles. Un voyage qu'il fit à la cour leur fit hazarder

d'offrir à fa femme une belle tenture de tapifferie; qu'ils avoient fait venir de Flandres. Le préfent étoit di goût de madame de Fabert; mais elle le refufa, pour ne pas déplaire à fon mari. Quelque tems après fon retour, Fabert apprend que ce meuble eft à vendre, & qu'on n'en trouve pas le prix qu'il a coûté. Le Maréchal, qui ne veut pas être l'occafion d'une perte pour le magiftrat, lui envoie l'argent qu'il a débourfé, & pour l'achat de la tapifferie, & pour les frais du tran{port. Deux jours après, il la fait vendre, & ordonne que le produit foir employé aux fortifications. Les troupes de l'Empereur, ayant pénétré en Champagne, manquerent de vivres. Les Généraux François les ayant obligées de fe retirer, elles tuerent, dans leur retraite, tous ceux qui leur en refuferent. Fabert, qui des poursuivoit, entra dans un camp abandonné, & couvert d'officiers & de foldats Autrichiens, bleffés & mourans. Un François, qui avoit l'ame féroce, dit tout haut: « Il faut achever ces malheureux qui ont ,» maffacré nos camarades. Voilà le confeil d'un barbare, reprit Fabert; cherchons une vengeance "plus noble & plus digne de notre nation.» Auffi-tôt il fit diftribuer à ceux qui purent prendre une nourriture folide, le peu de provifions que fon détachement avoit apportées. Les malades furent enfuite tranfportés à Mézieres où, après quelques jours de foins, la plûpart recouvrerent la fanté. Ils s'attacherent prefque tous au fervice de la Puiffance qui, contre leur efpérance, les traita fi généreufement. Tel eft le triomphe de la

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12. Les Sidoniens s'étant foumis à Alexandre le Grand, ce Prince chargea Epheftion de leur donner pour Roi, celui d'entr'eux qu'il jugeroit le plus digne d'une fi haute fortune. Ce favori étoit logé chez deux jeunes freres des plus confidérables du pays, auxquels il offrit le fceptre; mais ils le refuferent, apportant pour rai➡ fon que, par les loix de l'Etat, nul ne pouvoit monter fur le thrône, qu'il ne fût du fang royal. Ephestion, admirant cette grandeur d'ame, qui méprifoit ce que les autres cherchent par le fer & par le feu: « Conti

» nuez, leur dit-il, de penfer ainft, vous qui les premiers avez compris combien il eft plus glorieux de » refuser un royaume que de le pofféder. Mais, au » moins, donnez-moi quelqu'un de la race royale » qui fe fouvienne, quand il fera Roi, que vous lui » avez mis la couronne fur la tête.» Ces deux freres voyant que plufieurs, dévorés d'ambition, afpiroient à ce haut rang, & que, pour y parvenir, ils faifoient fervilement la cour aux favoris d'Alexandre, déclarerent qu'ils ne connoiffoient perfonne plus digne du diadême, qu'un certain Abdolonyme defcendu, quoique de loin, de la tige royale, mais fi pauvre, qu'il étoit contraint, pour vivre, de cultiver, par un travail journalier, un jardin hors de la ville. Sa probité l'avoit réduit, comme bien d'autres, à cette pauvreté. Uniquement occupé de fon travail, il n'entendoit point le bruit des armes, qui avoit ébranlé toute l'Afie. Les deux freres auffi-tôt, l'étant allé chercher avec les ha-bits royaux, le trouverent qui arrachoit les mauvaises herbes de fon jardin. Ils le faluent Roi; & l'un d'eux portant la parole: «Il s'agit, lui dit-il, de changer ces » vieux haillons avec l'habit que je vous apporte. Quittez cet extérieur vit & bas dans lequel vous avez vieilli: prenez un cœur de Roi; mais portez & con> fervez fur le thône cette vertu qui vous en a rendu » digne; &, quand vous y ferez monté, devenu le fou» verain arbitre de la vie & de la mort de tous vos citoyens, gardez-vous bien d'oublier l'état dans lequel, ou plutôt pour lequel vous avez été choifi.» It fembloit à Abdolonyme que c'étoit un fonge; &, One comprenant rien à tous ces difcours, il leur demanda s'ils n'avoient pas honte de fe moquer ainfi de lui? >Mais, comme il tardoit trop à leur gré, ils le revêtent eux-mêmes, & lui jettent fur les épaules une robe de pourpre toute brillante d'or; &, après lui avoir fait mille fermens qu'ils parloient avec fincérité, ils le conduisirent au palais. Incontinent la renommée porta cette nouvelle dans toute la ville : le plus grand nombre en fut ravi de joie; quelques-uns en murmurerent, principalement les riches qui, pleins de mépris

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pour la baffefe de fa fortune précédente, ne purent s'empêcher d'en marquer leur mécontentement dans la cour du Prince. Alexandre commanda qu'on le fît venir; &, après l'avoir long-tems confidéré, il lui dit : » Ton air ne dément point ce qu'on dit de ton origine. » Mais je voudrois bien fçavoir avec quelle patience » tu as porté ta mifere? Plaife aux Dieux, répon» dit-il, que je puisse porter cette couronne avec autant » de force! Ces bras ont fourni à tous, mes defirs; &, » tandis que je n'ai rien eu, rien ne m'a manqué. » Cette réponse fit concevoir au Roi une grande opinion de fa vertu; &, pour lui prouver son estime, Je combla de préfens magnifiques, & ajoûta à ses Etats une des contrées voisines.

I.

VIEILLESSE.

•EN Egypte, on avoit pour les vieillards le refpect le plus profond. Les jeunes-gens étoient obligés de fe lever devant eux, & de leur céder par-tout la place d'honneur.

il

2. Un jeune homme Spartiate, voyant des hommes qui fe faifoient porter à la campagne dans des litieres s'écria: «A Dieu ne plaife, que je fois jamais affis en » un lieu d'où je ne puiffe me lever devant un vieil»lard!»

3. Pendant les fêtes qu'on nomme Panathénées, & qui fe célébroient à Athènes, un vieillard étant allé chercher une place dans l'endroit où les Athéniens étoient affis, les jeunes-gens fe moquerent de lui, & le renvoyerent avec mépris: il fe retira du côté des Lacédémoniens ; &, dès qu'il parut, ils fe leverent tous, par refpect pour fon âge. Les Athéniens, témoins de cette action, leur donnerent de grands applaudiffemens: « Hélas! s'écria un Lacédémonien, ce peuple » connoît ce qui eft honnête, fans avoir le courage de » le pratiquer ! »

4. C'étoit une falutaire coutume établie chez les anciens, & qu'il feroit à fouhaiter qui le fût auffi parmi

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