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» meilleur exemple à ceux qui doivent être vos fujets » &, fi vous êtes fage, afin de réparer la défobéif» fance & le mépris que vous venez de marquer pour » la loi, vous vous rendrez vous-même à ce moment » dans la prison, où je vous enjoins de demeurer » jufqu'à ce que le Roi, votre pere, vous fasse déclarer fa volonté.» La gravité du juge, & la force de l'autorité, produifirent l'effet d'un coup de foudre. Le Prince en fut fi frappé, que, remettant auffi- tôt fon épée à ceux qui l'accompagnoient, il fit une profonde révérence au lord, chef de la juftice; & fans repliquer un feul mot, il fe rendit droit à la prifon du même tribunal. Les gens de fa fuite allerent auffi-tôt faire ce rapport au Roi, & ne manquerent pas d'y joindre toutes les plaintes qui pouvoient le prévenir & l'indifpofer contre Sir Villam. Ce fage Monarque se fit expliquer jufqu'aux moindres circonftances: enfuite il parut rêver un moment; mais, levant tout-d'uncoup les yeux & les mains au ciel, il s'écria, dans une efpece de tranfport: «O Dieu! quelle reconnoiffance' > ne dois-je pas à ta bonté! Tu m'as fait préfent d'un juge » qui ne craint pas d'exercer la juftice, & d'un fils, » qui non-feulement fçait obéir, mais qui a la force de » facrifier fa colere à l'obéiffance!»

24. Le comte d'Anjou, frere du roi S. Louis, avoit un procès contre un fimple gentilhomme de fes vasfaux, pour la poffeffion d'un château. Les officiers du Prince jugerent en fa faveur : le Chevalier en appella à la cour du Roi. Le Comte, piqué de fa hardieffe, le fit mettre en prison. Le Roi en fut averti, & manda fur le champ au Comte de le venir trouver: « Croyez» vous, lui dit-il avec un vifage févère, croyez-vous » qu'il doive y avoir plus d'un Souverain en France,

ou que vous ferez au-deffus des loix, parce que vous » êtes mon frere?» En même tems il lui ordonne de rendre la liberté à ce malheureux vaffal, pour pouvoir défendre son droit au parlement. Le Comte obéit. Il ne reftoit plus qu'à inftruire l'affaire; mais le gentilhomme ne trouvoit ni procureurs, ni avocats; tant on redoutoit le caractere violent du prince Angevin!

Louis eut encore la bonté de lui en donner d'office, après leur avoir fait jurer qu'ils le confeilleroient fidèlement. La queftion fut fcrupuleufement difcutée; le Chevalier réintégré dans fes biens; & Charles, comte d'Anjou, frere du Roi, condamné.

25. Philippe IV, roi d'Espagne, n'étant encore que prince d'Efpagne, avoit obtenu la grace d'un feigneur qui avoit commis un grand crime. Ce feigneur, ayant négligé de la faire entériner où il falloit, fut poursuivi vivement après la mort de Philippe III, & condamné à avoir la tête tranchée. Ses parens & fes amis eurent recours au nouveau Roi, tenant pour affuré que ce Prince accorderoit volontiers une grace qu'il avoit luimême demandée au feu roi fon pere; mais ils furent étrangement furpris, lorfque le Monarque leur dit : » Meffieurs, tandis que j'étois homme privé, j'ai pré» féré la compaffion à la rigueur des loix; mainte»nant que je fuis Roi, je dois la juftice à mes fujets, » & par conféquent je dois laiffer punir les criminels.» Voyez EQUITÉ. JUGEMENS.

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I.

LIBÉRALITÉ.

Ceublement royale; & ce Prince ne trouvoit rien de grand, rien d'estimable dans les richeffes, que le plaifir de les diftribuer aux autres. « J'ai de grandes » richeffes, difoit-il à fes courtisans ; je l'avoue, & je » fuis charmé qu'on le fçache; mais vous devez comp» ter qu'elles ne font pas moins à vous qu'à moi. En » effet, dans quelle vue les amafferois-je ? pour mon » propre ufage? pour les confumer moi-même ? Mais le » pourrois-je, quand je le voudrois ? C'est afin d'être en » état de diftribuer des récompenfes à ceux qui fervent » utilement l'Etat, & d'accorder quelque foulagement » à ceux qui me feront connoître leurs befoins.

YRUS regardoit la libéralité comme une vertu

Un jour, Créfus lui représenta qu'à force de donner, il fe rendroit lui-même indigent; au lieu qu'il auroit pu être le plus riche potentat du monde, & amaffer des threfors infinis. » Dites-moi, je vous prie, demanda » Cyrus, à quelles fommes auroient pu monter ces » thréfors? » Créfus fixa une certaine fomme qui étoit immenfe. Cyrus fit écrire un petit billet aux feigneurs de fa cour, par lequel il leur faifoit fçavoir qu'il avoit befoin d'argent. Auffi-tôt il lui en fut apporté beaucoup plus que la fomme que le roi de Lydie avoit marquée. » Prince, lui dit-il, voilà mes thréfors; voilà les cof"fres où je garde mes richeffes; le cœur & l'affection » de mes fujets. >>>

2. Denys l'Ancien, tyran de Syracufe, avoit les vertus d'un Roi, & peut-être eût-il été digne du thrône, s'il ne fût pas né dans une République. Une des grandes qualités de ce Prince étoit la magnificence & la libéralité il croyoit qu'un Monarque n'étoit placé audeffus des citoyens que pour imiter les Dieux, en répandant fans ceffe des bienfaits. Etant allé voir fon fils, encore jeune, & voyant dans fa maison une grande quantité d'or & d'argent: « Jeune homme, lui dit-il,

avec un mouvement de colere, » eft-ce donc là vous comporter en fils de Roi? Ces vafes dont je vous ai fait préfent ne devoient pas être employés à parer » votre buffet, mais à vous faire des amis. » Denys agiffoit conformément à ses maximes. Dion, fon beaufrere, qui, par fes grands talens, avoit mérité toute fa confiance, peut fervir entr'autres à prouver la généreufe profufion du tyran. Il ordonna à fes thréforiers de fournir à cet excellent perfonnage tout l'argent qu'il demanderoit, pourvu qu'ils vinffent lui dire, le jour même, ce qu'ils lui auroient donné.

3. En allant dans fon gouvernement, le duc de Montmorency paffa par Bourges, pour y voir le jeune duc d'Anguien, fon neveu, qui y faifoit fes études, & lui donna une bourfe de cent piftoles, pour fes menus plaifirs. A fon retour, il le vit encore, & lui demanda quel ufage il avoit fait de cet argent. Le jeune homme lui présenta fa bourfe toute pleine. Le duc de Montmorency la prit, &, tout en colere, la jetta par la fenêtre « Monfieur, lui dit-il, apprenez qu'un auffi » grand Prince que vous ne doit point garder d'argent; » puifque vous ne vouliez pas l'employer à jouer, il "falloit en faire des aumônes & des libéralités. L'ava» rice, qui eft hideufe dans les particuliers, eft encore » plus horrible dans les Princes. >>

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4. « Donner & pardonner font les vrais caracteres » d'un Souverain, difoit Charles-Emmanuel I, duc de Savoye; & je me croirois le plus malheureux des » hommes, fi Dieu ne m'avoit mis en état de faire l'un " & l'autre. » Un jour, Meinier, fon fecrétaire, lui ayant présenté plufieurs expéditions à figner, où il y avoit des dons & des récompenfes pour des perfonnes qui l'avoient fervi; le Duc, après les avoir fignées, eut la curiofité de lui demander à quoi fe montoit ce qu'il avoit donné? « A quatre mille ducatons, répondit Mei»nier.--- Quoi! reprit le Duc, en lui ôtant des mains toutes ces expéditions, pour les jetter au feu; » ofez» vous bien me faire tant figner pour un jour, & " donner fi peu ?»

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5. Un des thréforiers d'Alfonfe V, roi d'Aragon,

venoit de lui apporter dix mille écus d'or, fomme très confidérable pour le tems; un courtifan, qui croyoit n'être point entendu du Prince, dit à quelqu'un : « Voilà » une fomme qui me rendroit heureux pour toute ma » vie !--- Soyez-le, lui dit le Monarque, en la lui >> donnant. »

6. Le duc de Montmorency, petit-fils du Connétable, étant âgé de treize ans, apprit qu'un gentilhomme de fon pere avoit fes affaires fort dérangées. Il le prit en particulier, & lui parla avec l'intérêt le plus tendre & le plus généreux. Le gentilhomme laiffa appercevoir qu'il le croyoit trop jeune pour pouvoir lui être utile : "Il eft vrai que je fuis trop jeune pour mériter votre » confiance, lui dit le Prince; mais, mon brave, voilà » une enfeigne de diamans dont je puis difpofer; rece» vez-là pour l'amour de moi. » Il jouoit un jeu où il fe trouva un coup de trois mille piftoles. Il entendit un gentilhomme qui difoit à voix basse: «Oh! voilà une

fomme qui feroit la fortune d'un honnête homme ! » Le Duc gagna le coup, & préfenta auffi-tôt la fomme au gentilhomme, en lui difant : « Je voudrois, mon»fieur, que votre fortune fût plus grande. >>

7. Le duc de Guise avoit joué avec le furintendant D'O, & lui avoit gagné cent mille livres. D'O lui envoya, dès le lendemain, cette fomme. Il y avoit foixante-dix-mille livres en argent, & trente mille livres en or, renfermées dans un fac de cuir. Un commis, appellé De Vienne, fut chargé de faire porter cette fomme, & de la préfenter au Duc. Il s'acquitta exactement de fa commiffion. Le duc de Guife, qui d'un côté croyoit devoir ufer de gratification à l'égard de ce commis, & qui de l'autre s'imaginoit que le fac de cuir n'étoit rempli que d'argent, le prit, & le donna à De Vienne qui, ne fçachant pas non plus ce qu'il contenoit, n'ofa le refufer; mais, quand il fut de retour à l'hôtel d'O, & qu'il eut vu la libéralité qu'on venoit de lui faire, il jugea qu'elle étoit exorbitante; & il la reporta à l'inftant au duc de Guife. Mais le Prince ne voulut pas la recevoir : « Puifque la fortune » vous a été fi favorable, lui dit-il, cherchez un autre

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