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que le duc de Guife pour vous porter envie. » Ainsi, les dix mille écus refterent à De Vienne.

8. Un des officiers de François I fe plaignoit de ce que ce Prince, qui combloit de biens tant de gens fort riches, & qui euffent pu fe paffer de fa libéralité, le laiffoit à l'écart, lui qui avoit befoin de tour. Le Monarque l'ayant appris, le fit venir en fa préfence: « Je n fçais, lui dit-il, que vous vous plaignez de moi; tenez, » voici deux bourfes égales: l'une eft pleine d'or; il » n'y a que du plomb dans l'autre : choififfez ;nous ver» tons fi ce n'eft pas plutôt à la fortune qu'à moi, que » vous devez vous en prendre. » L'officier choifit, & prit malheureufement la bourse remplie de plomb. « Eh »bien! lui dit le Roi, à qui tient-il que vous ne vous » enrichissiez? » Il joignit à cette réflexion, qui peut en produire bien d'autres, le don des deux bourses.

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9. Le fameux Marc-Antoine, le collégue & le rival d'Augufte, étoit naturellement libéral & magnifique. Ayant, un jour, ordonné à son intendant de donner dix mille livres à l'un de fes amis, l'intendant, homme avare, lui représenta que cette fomme étoit trop confidérable; &, pour mieux lui faire fentir la grandeur d'un tel préfent, il étala devant lui les dix mille livres. « Quoi! ce n'eft que cela, dit froidement Antoine; je croyois dix mille livres un objet plus confidérable; qu'on en donne vingt mille à mon ami. » 10. L'empereur Conrad II faififfoit toutes les occa fions qui fe préfentoient d'exercer fa libéralité. Dans une émeute qu'il y eut à Rome, quand il s'y fit couronner, un gentilhomme perdit une jambe, en combattant. Conrad fe fit apporter la botte du bleffé, la remplit d'or, & la lui renvoya. « Annoncez-lui, dit-il à l'officier qu'il chargea de ce préfent, » que je ne bor» nerai pas mes bienfaits à cette modique gratification, » & que je lui avance feulement la fomme néceffaire " pour guérir fa bleffure, & me conferver un excel» lent officier. >>

11. Philotas, médecin de la ville d'Amphife, fut mis, par Marc-Antoine, auprès de fon fils, à peine forti de l'enfance. Quand le jeune Antoine ne mangeoit pas

avec fon pere, il invitoit ordinairement fon Mentor, dont la converfation enjouée l'amufoit beaucoup. Un jour qu'un autre Efculape faifoit bâiller tous les convives par fes longs propos chargés de citations ridicules, Philotas le fit taire par un fophifme abfurde, dont ce docte babillard ne fçut pas fe démêler. De grands éclats de rire prouverent la fatisfaction de toute l'affemblée. Antoine, en fon particulier, en fut fi content, que, montrant au vainqueur de magnifiques vafes d'or & d'argent, dont le buffet étoit orné: « Je te donne toutes »ces bagatelles, lui dit-il, pour prix de ton triomphe.» Surpris de cet excès de générofité, Philotas l'en remercia, mais en ajoûtant qu'il avoit peine à croire qu'à fon âge il lui fût permis de faire un préfent de cette conféquence. Il ne fut pas plutôt rentré chez lui, qu'un efclave lui vint apporter les vafes, & lui dit d'y faire mettre fa marque, & de les garder. Philotas, craignant d'être blâmé, s'il les acceptoit, les renvoya par le même efclave, & courut faire de nouveaux remercimens au jeune Antoine : « Pauvre homme ! lui dit » celui-ci, pourquoi refufes-tu les dons de ton ami? »Ne fçais-tu pas que c'eft le fils d'Antoine qui te fait » ce préfent, & qu'il en a le pouvoir ? Si cependant tu » veux m'en croire, reçois-en de ma main la valeur en "argent, parce qu'il pourroit arriver qu'on redeman» dât quelques-uns de ces effets qui font antiques, & " dont on eftime beaucoup le travail. » Ce jeune homme s'annonçoit pour devoir être auffi libéral, & peut-être aufli prodigue que fon pere.

12. Xerxès, roi de Perfe, étant entré dans Célène ville de la Phrygie, près de laquelle le Méandre prend fa fource, y fut reçu par Pythius qui en étoit le Souverain, avec une magnificence incroyable. Non content de lui avoir fait une fête fplendide, il lui offrit tous fes biens pour fournir aux frais de fon expédition contre les Grecs. Xerxès furpris, & tout-à-la-fois charmé d'une offre fi généreufe, eut la curiofité d'apprendre à quoi montoient fes richeffes. Pythius lui répondit que, dans le deffein de les lui offrir, il en avoit fait un compte exact, & qu'elles montoient pour l'argent à deux mille

talens, (près de fix millions, ) & pour l'or à quatre millions de dariques, moins fept mille, (quarante millions, moins foixante-dix mille livres.) Il lui offrit toutes ces fommes, ajoûtant que ses revenus lui fuffifoient pour l'entretien de fa maison. Xerxès lui marqua une vive reconnoiffance, fit une amitié particuliere avec lui; &, pour ne pas fe laiffer vaincre en générosité, au lieu d'accepter fes offres, il l'obligea de recevoir les fept mille dariques qui manquoient à sa fomme, pour en faire un compte rond.

13. Le philofophe Arcéfilas prêtoit volontiers fa vaiffelle d'or & d'argent à fes amis, quand ils avoient de grands repas à donner. Un d'entr'eux, étant dans ce cas, emprunta tout, & ne renvoya rien. Arcéfilas, fçachant qu'il étoit très-pauvre, lui fit dire qu'il pouvoit tout garder.

14. Charles Benoise, thréforier du cabinet, & depuis maître des comptes, ayant laiffé fon porte-feuille dans le cabinet de Henri III, le Prince l'ouvrit, & y trouva un morceau de papier, où Benoise, pour elsayer fa plume, avoit écrit ces mots qui font le commencement d'une ordonnance: Thréforier de mon épargne. Le Monarque continua d'écrire: » Vous payerez au »fieur Benoise, secrétaire de mon cabinet, la fomme » de mille écus," & figna. Benoife, venant pour travailler avec le Roi, fut agréablement furpris de trouver l'ordonnance, & le remercia avec des expreffions qui marquoient fi bien la vivacité de fa reconnoiffance, que Henri, ne croyant pas le préfent proportionné aux remercimens, demanda le billet, & y ajoûta un zéro, ou le mot dix à la somme, & convertit ainsi les mille écus en dix mille; ce qui étoit alors une fomme trèsconfidérable.

15. Une femme fort pauvre, mais qui avoit la confolation d'avoir une fille aimable, fe présenta avec cette jeune perfonne à l'audience du cardinal Farnèse. Elle lui expofa qu'elle étoit fur le point d'être renvoyée avec fa fille d'un petit appartement qu'elles occupoient chez un homme fort riche, parce qu'elles ne pouvoient lui payer cinq fequins qui lui étoient dûs. Le ton d'honnêteté avec

lequel elle faifoit connoître fon malheur fit aisément comprendre au cardinal qu'elle n'y étoit tombée que parce que la vertu lui étoit plus chere que les richeffes. Il écrivit un mandat, & la chargea de le porter à fon intendant. Celui-ci, après l'avoir ouvert, compta fur le champ cinquante fequins: « Monfieur, lui dit » cette femme, je ne demandois pas tant, & certaine» ment monseigneur s'eft trompé.» Il fallut, pour faire ceffer la conteftation, que l'intendant allât lui-même parler au cardinal. Son éminence, en reprenant fon mandat, dit aux deux perfonnes qui étoient préfentes : » Vous avez tous raison, je m'étois trompé; le pro» cédé de madame le prouve ; » &, au lieu de cinquante fequins, il en écrivit cinq cens, qu'il engagea la vertueule mere d'accepter pour marier fa fille.

16. La générofité du célèbre Fouquet, furintendant des finances fous Louis XIV ne l'abandonna point dans fa difgrace. Un homme de lettres, ayant vu fupprimer une penfion qu'il tenoit de fa libéralité, ne laissa pas de le défendre avec zèle, & de témoigner hautement fa reconnoiffance. Fouquet, inftruit de fa conduite, fe retrancha quelque chofe du peu qui lui reftoit, & fit prier mademoiselle de Scuderi de remettre une fomme confidérable à cet homme de lettres. Mademoiselle de Scuderi fe conduifit à cet égard avec autant de générofité que de politeffe. Une perfonne, étant allée de fa part chez le littérateur, trouva le moyen, après avoir caufé quelque tems avec lui, de lui laiffer, fans qu'il s'en apperçût, un fac où étoit enfermée une fomme proportionnée à la penfion qu'il avoit perdue.

17. Un gentilhomme fort pauvre avoit deux filles à marier. Il demanda leur dot à Henri 1, comte de Champagne, furnommé le Magnifique. L'intendant du Comte traita fort mal ce gentilhomme, & finit par jurer que les libéralités de fon maître l'avoient réduit à n'avoir plus rien à donner... « Tu en as menti, ré»pondit le Prince ; je ne t'ai pas encore donné, vilain! »Tu es à moi : prenez-le, mon gentilhomme, & je » vous le garantirai, » Celui ci obéit auffi-tôt; fe faific

de

de l'intendant; le mit en prifon, & ne lui rendit la liberté, qu'après en avoir tiré cinq cens livres, avec lefquelles il maria fes deux filles.

18. Protéas, dont l'esprit plaisant amusoit Alexandre, ayant eu le malheur de déplaire à ce Prince, engagea fes amis à demander fon pardon; ce qu'il fit, en même tems, les larmes aux yeux. Alexandre, fans se laiffer trop prier, lui dit qu'il oublioit fa faute. «< Sei»gneur, reprit auffi-tôt Protéas, commencez donc par m'en donner quelques marques, pour que j'en fois » bien affuré.» Cette demande fit rire le conquérant, qui commanda qu'à l'heure même on lui donnât cinq talens, c'est-à-dire, cinq mille écus.

Ce Monarque écrivit, un jour, à Phocion, le plus célèbre Athénien de fon fiécle, & l'un des plus grands hommes de la Grèce, qu'il ne le regarderoit plus comme fon ami, s'il continuoit de refufer fes préfens.

Il aimoit qu'on lui demandât, quoiqu'il prévînt fouvent les demandes, & ne fçavoit point refufer. Un jeune homme, appellé Sérapion, qui donnoit la balle à ceux qui jouoient, n'avoit jamais rien reçu du Roi, uniquement parce qu'il ne lui demandoit rien. Un jour qu'Alexandre vint jouer, Sérapion jetta toujours la balle aux autres joueurs, & ne la lui jetta pas une feule fois. Le Prince, furpris de cette conduite, lui dit enfin : » Et moi, ne me la donneras-tu pas ? --- Non, sei» gneur, répondit Sérapion, puifque vous ne deman» dez point. » Alexandre entendit fans peine ce que le jeune homme vouloit dire: il fe mit à rire, & commença dès ce jour à lui faire beaucoup de bien.

Peillus le priant de l'aider à faire la dot de fa fille, il ordonna qu'on lui délivrât cinquante talens. « C'en » eft affez de dix, lui dit cet homme fort furpris. --» C'en eft affez pour Périllus, répondit le vainqueur » de l'Afie; mais c'en eft trop peu pour Alexandre. ກ

Anaxarque, à qui le thréforier de la couronne avoit ordre de donner tout ce qu'il demanderoit, alla le prier de lui donner cent talens. La fomme effraya le thréforier, qui ne voulut pas la compter, fans en inftruire le Prince. Ce Monarque lui répondit qu'Anaxarque fçaD. d'Educ. T. II,

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